L’insertion professionnelle est facilitée par l’obtention d’un cursus via l’alternance. Ce peut être un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. Dans les deux cas, les employeurs adhèrent.
Il y a consensus. Difficile, en effet, de trouver, aujourd’hui, en France, un corps constitué ne tombant pas en pamoison devant l’alternance. Fini les clichés sur les apprentis en bleu de chauffe se faisant maltraiter par leur entreprise. Pour les fédérations patronales, c’est « une voie royale », comme le précise l’Uimm (Union des industries et métiers de la métallurgie). Cette fédération patronale regroupe les principales entreprises industrielles et fait souvent la pluie et le beau temps en matière de formation en France. L’Uimm s’enorgueillit par ailleurs du fait que 82 % des BTS formés en alternance via ces centres de formation trouvent du travail en moins de six mois dont deux tiers en CDI. « C’est une forme de préembauche, poursuit Béatrice Layan, responsable de l’Observatoire des métiers de la banque. Le taux d’intégration en entreprise des alternants est très fort. »
Pour les formateurs, l’alternance est tout aussi bénéfique. « 15 % de nos 60 000 diplômés par an le sont via l’apprentissage, poursuit Francis Jouanjean, délégué général de la Conférence des grandes écoles. Nous souhaitons porter ce taux à 25 %. Nous apprécions cette pédagogie apportant une bonne connaissance de l’entreprise, une maturité et une mixité sociale. Ces 10 000 diplômés ont, à l’issue de leur cursus, exactement le même salaire que les non-apprentis. Ils décrochent les mêmes postes. La seule différence tient en leur maturité. Celle des apprentis est bien supérieure. » « L’alternance permet une excellente insertion professionnelle, ajoute Sophie Crespy, directrice de Cesi alternance. Cet établissement a formé 7 550 personnes en 2016 – contre 5 500 en 2015 – dont 95 % en contrat de professionnalisation pour des diplômes en informatique, ressources humaines ou performance industrielle de niveau 3 (bac + 2) à niveau 1 (bac + 5). 83 % de nos étudiants ont décroché un emploi moins de six mois après l’obtention de leur diplôme. »
Et les parents suivent. Les plus informés, ceux des catégories socio-professionnelles les plus élevées, ont ainsi repéré – et investi – cette pédagogie mêlant théorie et pratique. « Nous nous apercevons aujourd’hui que les jeunes alternants proviennent de familles favorisées, commente Virginie Mora, statisticienne et sociologue, chargée de recherche sur l’enseignement supérieur au Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications). Ils sont aussi moins souvent issus de familles dont l’un des parents n’est pas né en France. »
Techniquement, cette alternance est composée de deux principaux modèles : l’apprentissage et le contrat de professionnalisation. Ces deux voies consistent à passer une partie de son cursus sur les bancs de l’école et l’autre en entreprise. Pour le Béotien, les différences entre ces deux contrats sont minimes. Pour les spécialistes, ces « contrats d’apprentissage et de professionnalisation ne sont pas interchangeables », souligne le Céreq. « Dans le cadre d’une formation en alternance, le contrat d’apprentissage relève de la formation initiale, ajoute le ministère en charge de la formation professionnelle. Celui de professionnalisation s’inscrit dans le cadre de la formation continue. » Mais ces deux types de contrat de travail conjuguent formation théorique dans un établissement d’enseignement et formation pratique en entreprise. « L’expérience donne à nos apprentis une connaissance plus approfondie du monde des entreprises, assure Bertrand Alessandrini, directeur du développement de l’École centrale de Nantes. Cette école forme 400 ingénieurs généralistes par an dont 15 en apprentissage. Mais on souhaite porter ce nombre à 50 tant on croit en cette méthode. »
Ces alternants « poursuivent le même objectif de formation, mais ont des modalités d’application spécifiques, poursuit le ministère en charge de la formation professionnelle. Dans les deux cas, embaucher un jeune en alternance afin de lui permettre d’acquérir une formation pratique, permet à l’employeur de bénéficier dans certains cas d’une exonération de cotisations sociales ».
Ces deux contrats s’adressent respectivement aux 15-25 ans pour l’apprentissage et pour le « contrat de pro », aux 16-25 ans ainsi qu’aux demandeurs de 26 ans et plus, aux bénéficiaires de la prime d’activité, de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), l’allocation adulte handicapé (AAH) ou au contrat unique d’insertion (CUI). Question salaire, les apprentis perçoivent une rémunération comprise, selon l’âge, entre 25 % et 78 % du smic. Le jeune (et moins jeune), en contrat de pro touche, lui, un peu plus. Ses émoluments peuvent ainsi varier, toujours selon l’âge, de 55 à 100 % du smic. « J’ai choisi l’alternance car j’avais envie de concret et d’autonomie financière, explique Antoine Debry. Je pensais aussi pouvoir trouver plus facilement du travail à l’issue de ce cursus. » C’est ce qui s’est passé pour ce diplômé en alternance de Centrale Nantes qui a suivi son apprentissage chez Orange. « J’ai été embauché à l’issue de ma formation, précise-t-il. J’ai négocié mon salaire en arguant de mes deux ans d’expérience professionnelle. Mon employeur en a convenu. Je perçois donc une rémunération supérieure à celle du salaire moyen des diplômés 2016 de Centrale Nantes. »
Pour les entreprises, les avantages de ces contrats sont nombreux. « L’alternance est particulièrement intéressante pour l’employeur », confirme Olivier Comes, président de l’Éstiam (École supérieure des technologies de l’information appliquées aux métiers) de Paris. Cet établissement forme, chaque année, une cinquantaine d’experts en informatique et systèmes d’information de niveau Bac + 5, en contrat de professionnalisation. « L’employeur dispose d’un jeune formé en partie par ses soins sur une technologie et un métier, précise le dirigeant. Le contrat de professionnalisation permet aussi à l’entreprise de garder le jeune deux ans. Non seulement il offre l’occasion de le fidéliser, mais il est aussi intéressant financièrement. Un de nos jeunes coûte de l’ordre de 15 000 euros par an tout compris à son employeur. Alors que le salaire d’un jeune diplômé de ce niveau est d’environ 50 000 euros par an… » Enfin, ce contrat développe aussi chez ces jeunes la connaissance des codes de l’entreprise. Tout en étant une forme de prérecrutement particulièrement sécurisé car l’employeur a pu évaluer le candidat pendant deux ans. Les risques d’un échec du recrutement qui s’ensuit sont minimes.
« Les entreprises de l’assurance, notamment les mutuelles, se sont mises à l’alternance dans les années 2000, explique Norbert Girard, secrétaire général de l’observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance. Elles se sont alors rendu compte que les alternants étaient des salariés additionnant théorie, pratique, réalité opérationnelle, relation client, compétences organisationnelles, dimension collective. Ces points sont essentiels pour l’employeur. »
Aujourd’hui, une entreprise qui a le choix entre deux candidats de même niveau, l’un en initial, l’autre en apprentissage ou contrat de professionnalisation, choisit immanquablement le second. « Nos clients recherchent des jeunes avec expérience, conclut Aurélien Jaunet, manager de la division assurance pour Walters People, un cabinet de recrutement et d’intérim. Les candidats ayant suivi leur cursus en alternance sont valorisés. Ils connaissent le métier et la culture d’entreprise. Ils savent ce que travailler dans un bureau veut dire. Ils disposent de connaissances théoriques fraîchement acquises, mais comme ils sont jeunes, ils demandent des salaires raisonnables. » Un rapport qualité-prix particulièrement intéressant pour les employeurs qui explique leur taux d’insertion élevé.