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Le bloc-notes

Emploi : ne pleurons pas sur la pénurie

Le bloc-notes | publié le : 01.01.2001 | Bernard Brunhes

Pénurie

Le marché du travail s'est rapidement retourné. Plus d'offres d'emploi, moins de chômeurs : je retrouve le rapport rédigé il y a dix ans par Vincent Merle, alors l'un des dirigeants de Bernard Brunhes Consultants, aujourd'hui directeur de cabinet de Nicole Péry. Commandée par Jean-Pierre Soisson, ministre du Travail de Michel Rocard, cette enquête portait sur les pénuries de main-d'œuvre apparues en 1990 à la suite de la reprise économique de la fin des années 80. Dix ans après, nous pourrions la republier. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Il y a deux à trois ans encore, habitués à trouver chaussure à leur pied sur un marché du travail marqué par un chômage massif, employeurs et DRH pouvaient établir des profils de poste bien adaptés à l'organisation de leur entreprise, puis, armés de ces profils, aller à la pêche aux demandeurs d'emploi. Assez brutalement, le marché se retourne. On ne trouve plus la qualification et la compétence recherchées. Les salariés armés des qualités requises se font plus difficiles à satisfaire. La baisse du chômage rend plus exigeants les candidats à un emploi. Le déséquilibre du marché est tel que le candidat qui répond bien à tel ou tel profil devient l'oiseau rare.

Il ne sert à rien de crier à la disette (il y a encore beaucoup de chômeurs) ou de vouer l'Éducation nationale aux gémonies. C'est une nouvelle politique de recrutement qu'il faut mettre en œuvre. Tout d'abord savoir adapter l'organisation du travail aux compétences disponibles au lieu de la définir a priori. Ensuite s'interroger sur les raisons de l'absence de candidats pour certains emplois (salaires ? conditions de travail ? image de l'entreprise ou du métier ?). Enfin comprendre que la formation à un emploi est du ressort de l'entreprise : on lui fournit rarement des travailleurs « prêts à l'emploi ». L'école ne sait pas fabriquer des produits tout faits qu'il ne reste qu'à mettre sur la chaîne, ce n'est pas son rôle ! Dans une période de profonds bouleversements technologiques et de reprise économique, les entreprises doivent former, former et encore former. En développant la formation sur le tas, les systèmes d'alternance, l'organisation apprenante. Après le laisser-aller qu'a permis l'état du marché du travail, c'est un gigantesque effort qui est demandé aux entreprises.

Alors, de grâce, arrêtons de pleurer sur la pénurie, mais pressons les réformes de la formation professionnelle, dans l'entreprise, dans les organisations professionnelles et du côté des pouvoirs publics.

Refondation

La refondation sociale a reçu quelques mauvais coups en l'an 2000. J'étais de ceux qui en attendaient beaucoup, même si le lancement de ce projet était entaché d'un péché originel (le chantage cavalier et bruyant d'un Medef en état de révolte).

Le malheureux feuilleton de l'Unedic a terni l'image de cette opération. Il a freiné les volontés de rapprochement entre CGT et CFDT, il a rendu les différents partenaires méfiants, il a montré l'incapacité de l'État à accepter les initiatives de la société civile. Il a créé chez les partenaires de l'accord des frustrations et des divisions.

Pourtant ce n'était que le premier dossier de la refondation, et probablement pas le plus difficile. Les partenaires sociaux ont tous accepté de reprendre le dialogue sur la retraite, la formation, la santé au travail, la négociation collective. Mais cela ne se présente pas très bien, pour l'instant.

Si la « refondation sociale » échouait, le dialogue social à la française resterait aussi inopérant et conflictuel qu'aujourd'hui, la gestion des systèmes de protection sociale serait décidément laissée aux seuls technocrates et la France entrerait dans la nouvelle économie en marche arrière, faute d'un « contrat social » de pays civilisé.

Cadres

Question posée récemment dans une conférence organisée à Toulouse par l'Institut français de gestion : « Les cadres font-ils encore confiance à l'entreprise ? »

Réponse : il n'y a plus de cadres, mais des managers et des techniciens (la notion de cadre, née dans les années 50, n'aura duré qu'un demi-siècle). Il n'y a plus d'entreprises, mais des structures molles ; dans le cas des grands groupes, un jeu de Monopoly permanent et, dans celui des petites, une natalité et une mortalité sans cesse croissantes. Les travailleurs, du haut en bas de la pyramide, ont besoin de confiance, mais de confiance les uns dans les autres. Ils ont besoin d'une communauté de travail fondée sur des desseins, des idées, des choix collectifs et, pourquoi pas, l'amitié.

Après la mort de Taylor et de Ford, l'économie de l'information et de la connaissance appelle la communication entre les hommes – la vraie – que les nouvelles technologies peuvent aider et non remplacer.

Auteur

  • Bernard Brunhes