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De plus en plus d'exigences

Dossier | publié le : 01.01.2001 | V. L.

Les DRH sont désormais convaincus de l'intérêt de recruter en ligne. Mais ils ont la dent dure envers les sites d'emploi, jugés encore peu à l'écoute de leurs besoins spécifiques.

Nathalie Boehm, chargée de recrutement chez le grossiste en matériel informatique Landis, en a assez : « J'ai été contactée par 10 commerciaux différents d'un même site d'emploi la même journée ! Avec, à chaque fois, le même grief : “Vous venez de déposer une annonce chez l'un de nos concurrents. Nous avons des candidatures qui correspondent au profil recherché. Pour les recevoir, abonnez-vous chez nous.” Ce matin, j'ai encore reçu trois e-mails de prestataires qui viennent de se lancer. » En pleine guerre commerciale, les sites d'emploi font le forcing pour vendre leurs services aux entreprises.

Devant cette avalanche de sollicitations, les entreprises ayant un fort volume d'embauches commencent à s'organiser. Avec la volonté d'optimiser ce nouveau mode de recrutement. La SSII Cadextan s'est adjoint les services d'une webrecruteuse, chargée de sélectionner les prestataires. Pour faciliter la tâche de ses différentes unités, la DRH groupe de Bouygues Construction leur propose de travailler avec cinq sites sélectionnés par ses soins. Certaines sociétés comptent sur leur agence de communication en recrutement pour faire le tri. « Il existe tellement d'acteurs qu'on ne peut pas tous les connaître », reconnaît Christophe de Metz-Noblat, responsable du pôle développement des compétences à la Société générale. « En plus, ils se proclament tous numéro un du marché », renchérit François Hardouin, responsable du développement des ressources humaines de Bouygues Construction. Difficile, aujourd'hui, de séparer le bon grain de l'ivraie, tant les prestataires sont nombreux.

« On ne vend pas des savonnettes »

Les recruteurs sont souvent agacés par les commerciaux survitaminés des sites d'emploi ainsi que par leur méconnaissance des processus de recrutement, qui les irrite prodigieusement. « Ils ont rarement une réelle sensibilité RH. Or on ne vend pas de l'aide au recrutement comme des savonnettes », indique François Hardouin. Édith Serotte, de Cadextan, confirme : « La majorité ne comprend pas, voire ne s'intéresse pas à nos problématiques de recrutement. » Seuls les sites spécialisés par métiers (Dynarel ou Qualisteam pour l'informatique, Jobfinance…) échappent à leurs foudres. « Ceux-là ne chassent pas le client à tout prix, ils sont ouverts au dialogue », reconnaît Édith Serotte.

Premiers critères de sélection des DRH ? La cible du site, c'est-à-dire le profil des candidats qui s'y connectent et sa notoriété. Mais ils réclament aussi de plus en plus de conseils pour piocher, parmi les multiples prestations, les solutions qui correspondent le mieux à leurs besoins. Pour l'instant, l'offre structure la demande. « Nous nous adaptons aux outils proposés », reconnaît Estelle Inisan, responsable du recrutement d'Alten. Du dépôt d'annonce au push ou alerte mail (voir lexique, page 73) en passant par la bannière de pub qui renvoie sur le site de l'entreprise, l'accès à la CVthèque, le tri préalable des candidatures, les chats (discussion en direct) entre recruteurs et candidats, ou les présentations d'entreprises en vidéo, il y en a pour tous les goûts. Et pour toutes les bourses.

Encore faut-il proposer la bonne fonctionnalité à la bonne entreprise. « Un prestataire voulait me vendre une bannière. Mais aucun candidat n'aurait cliqué dessus, puisque notre entreprise vient tout juste de changer de nom, raconte Nathalie Boehm, chez Landis. En revanche, un autre nous a proposé un package qui comprend un dépôt d'annonces illimité avec une petite présentation de nos activités et l'accès permanent à sa CVthèque. Cette offre correspond beaucoup mieux à nos besoins. » Jérôme Fortier, responsable du recrutement à Mondial Assistance, renchérit : « Comme, sur certains postes, nos critères d'embauche sont assez larges (pas de niveau de formation minimal exigé, par exemple), nous souhaitons garder la maîtrise de la sélection. D'autres recruteurs préfèrent que les sites fassent un premier tri sur des critères très précis. »

Entre les promesses et la réalité…

Bref, pour sortir du lot, les sites ont intérêt à se mettre à l'écoute de leurs clients. D'autant qu'entre les promesses et la réalité les entreprises constatent parfois un certain décalage. « Tous les CV que nous recevons par leur intermédiaire ne sont pas pertinents. Le tri pourrait être amélioré », estime François Hardouin, chez Bouygues Construction. Et tous les problèmes techniques liés à la compatibilité des fichiers informatiques ne sont pas réglés. « Certains CV sont encore inexploitables parce que complètement illisibles », regrette Christophe de Metz-Noblat, de la Société générale.

Mais les sites d'emploi ont un argument de choc pour convaincre les entreprises : leurs tarifs. Entre 1 500 et 3 000 francs pour une annonce mise en ligne pendant un mois, contre 30 000 francs en moyenne pour une annonce en presse. « Grâce à Internet, notre budget de communication en recrutement pour 2001 s'élève à 350 000 francs, soit la moitié de ce que nous dépensions auparavant. Et, pour nous, les offres en ligne ont un meilleur rendement que les annonces de presse », assure Laurent Leroy, directeur du personnel chez le discounter de matériel informatique Surcouf, qui travaille notamment avec Cybersearch et Jobpilot pour recruter commerciaux, techniciens et personnel administratif. Mais certains sites ont déjà revu leurs tarifs à la hausse. Plus ils génèrent de trafic, plus leurs prestations deviennent chères. « Notre abonnement annuel chez Monster est passé de 60 000 francs à 90 000 francs en un an. En plus, pour avoir accès à sa CVthèque, nous devons acheter des bannières », souligne Christine Capao, DRH de Cadextan.

Du coup, les entreprises deviennent de plus en plus attentives au retour sur investissement. La quantité de CV reçus sert de baromètre. Les sites leur fournissent aussi des chiffres, notamment sur le nombre de connexions par annonce. Qu'elles lisent vaguement du coin de l'œil, conscientes qu'il leur est impossible de les vérifier. Nathalie Boehm, chez Landis, préfère se fier à ses propres statistiques. « Depuis avril dernier, j'ai reçu 354 CV via Job pilot, mené 75 entretiens et signé une quinzaine d'embauches fermes. Ce sont ces résultats concrets qui me font dire que l'opération est rentable. » Aujourd'hui, toutes les entreprises s'accordent à reconnaître que le Web multiplie incontestablement le nombre de candidatures. Alors, elles expérimentent, se trompent parfois, tâtonnent encore, mais, avec la pratique, deviennent de plus en plus exigeantes quant aux prestations des sites d'emploi. Surtout, elles attendent que le marché du recrutement en ligne s'assainisse de lui-même. Et observent avec attention la guerre à laquelle se livrent ces centaines de prestataires pour se faire une place au soleil.

Auteur

  • V. L.