Une belle prise de guerre. Jean Pisani-Ferry, après quarante-quatre mois à la tête de France stratégie, ce think tank gouvernemental héritier du Commissariat du Plan, rejoint l’équipe d’Emmanuel Macron, candidat à l’élection présidentielle. L’économiste et ingénieur diplômé de Supélec prend la responsabilité du programme et des idées de l’ex-ministre de l’Économie. Le voici donc en marche vers son premier vrai engagement en politique, même s’il a toujours été proche des idées de Jacques Delors au sein de différents groupes de réflexion sur l’Europe.

Ce nouvel épisode du mercato politique n’est pas une surprise pour ceux qui le côtoient : « Il avait une envie de s’engager plus concrètement. Et il existe depuis longtemps une vraie proximité politique entre lui et Emmanuel Macron », estime Selma Mahfouz, qui fut commissaire générale adjointe de France stratégie à ses côtés durant plus de deux ans. L’un de ses collaborateurs confirme cette communauté d’esprit avec l’ancien protégé de François Hollande à l’Élysée. Un mélange d’une indéniable conviction européenne et d’une volonté de transformer la société à la mode sociale-libérale. Dans une lettre rendue publique dès le 11 janvier, Jean Pisani-Ferry ne dit pas autre chose : « L’ambition transformatrice que porte Emmanuel Macron m’apparaît à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Sur l’économie, la société ou l’Europe, je partage son analyse et l’orientation de son projet. »

Au-delà de cette vision commune, le candidat Macron s’adjoint les services d’un intellectuel reconnu, ancien conseiller économique de Dominique Strauss-Kahn à Bercy. Cofondateur de Bruegel, un institut résolument proeuropéen, il a été membre de diverses instances officielles, dont le Conseil d’analyse économique, expert auprès de la Commission européenne et du Fonds monétaire international, et professeur à Polytechnique et Sciences po. Un CV impressionnant pour cet homme de 65 ans très réservé. « C’est surtout une brute de travail, complète Selma Mahfouz. Et il a mille idées à la minute. » Un cerveau toujours en action dont la devise, à France stratégie, était : « The sky’s the limit ! » Traduisible par : « Tout est possible ! »

Jean Pisani-Ferry va mettre à profit sa capacité « à détecter l’expertise », veut croire l’un de ses anciens collaborateurs. « Avec lui, les repères sont bousculés, il casse les codes d’une organisation pour produire un laboratoire d’idées. » À France stratégie, il a fait émerger des thèmes sociaux jusqu’alors peu étudiés par un think tank officiel, comme une note sur la reproduction sociale ou un rapport dont il était fier sur les lignes de faille de la société française après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Auprès d’Emmanuel Macron, il doit faire émerger, filtrer et digérer les propositions produites par 400 experts de tous bords depuis le lancement en avril 2016 du mouvement En marche !. Sans doute leur fera-t-il passer le même message que celui contenu dans sa missive d’adieu à France stratégie : « Soyez audacieux. N’ayez peur ni des tabous, ni des conservatismes, ni des puissances. » Avant de conclure : « Il est en revanche essentiel d’imaginer et de rendre possible ce qui n’existe pas encore. » Presque du Macron dans le texte.

Responsable du programme et des idées auprès d’Emmanuel Macron.

2013

Commissaire général à la stratégie et à la prospective.

2005

Directeur du think tank Bruegel.

1992

Directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).