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Des mobilités européennes encore en gestation

Dossier | publié le : 02.01.2017 | Clotilde de Gastines

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Des mobilités européennes encore en gestation

Crédit photo Clotilde de Gastines

Réaliser une partie de son alternance dans un pays d’Europe ? Une réalité pour seulement 4 % des apprentis. Mais très positive. Centres de formation et entreprises veulent valoriser cet atout pour l’emploi.

Et si la mobilité européenne profitait aux alternants ? Encore faudrait-il surmonter de multiples obstacles : barrière de la langue, statut de l’apprenti et couverture sociale, responsabilité des employeurs d’origine et d’accueil et, enfin, reconnaissance des expériences dans chaque pays. En 2016, 15 821 alternants français ont bénéficié de bourses de mobilité Erasmus+, soit près de 4 % des effectifs en contrat d’apprentissage et de professionnalisation. La durée des séjours est très inégale, oscillant entre deux semaines et douze mois. Le plus souvent, elle se limite à trois semaines (un cas sur deux) ou deux semaines (un cas sur quatre). Bien court…

« C’est suffisant pour l’ouverture d’esprit, estime pourtant Myriam Olivier-Poulain, directrice du centre pour apprentis Cecof dans l’Ain. Pour les plus jeunes, c’est souvent une expérience inédite et la mobilité professionnelle paraît ensuite plus simple. » Les apprentis cuisiniers de son établissement vont en Italie, les serveurs au Royaume-Uni, les fleuristes aux Pays-Bas… Grâce à des fonds européens, reversés par la région Auvergne-Rhône-Alpes sous forme de bourses individuelles ou collectives. Elles sont complétées par des aides des chambres consulaires.

Globalement, le Royaume-Uni se révèle être la destination la plus appréciée (32 %), devant les pays germanophones – Allemagne, Autriche, Suisse (16 %) – et l’Espagne ou le Portugal (15 %). « Quand je présente mon parcours aux apprentis, j’insiste sur mes deux séjours de dix-sept jours à Bayreuth, en Allemagne, et ce qu’ils m’ont apporté. C’est un vrai bonus », raconte Anthony Haismann, 25 ans, qui a commencé par un CAP de mécanique et poursuivi ses études jusqu’au BTS. Il travaille désormais pour l’entreprise automobile allemande Audi à Narbonne et intervient ponctuellement comme formateur en CAP au CFAI de Lézignan-Corbières (Aude). Un parcours complet.

« Kits de survie »

Certains établissements parviennent à prolonger l’« immersion » durant deux mois. Les apprentis qui partent le plus longtemps restent les fameux Compagnons du devoir, dont la tradition de Tour de France et à l’étranger est bien ancrée. Ainsi, sur 10 000 jeunes, 397 étaient en itinérance pendant un an dans 40 pays en 2015, et 831 sont partis trois semaines en Europe. Et ces mobilités font parfois partie intégrante du cursus professionnel au sein d’une seule et même entreprise. Ainsi, 11 jeunes suivent une formation en alternance de cinq ans pour valider une licence professionnelle en mécatronique au sein du Groupe Lactalis. Ils vont réaliser leur Tour de France en travaillant chaque année dans un nouveau site industriel du groupe, en France et à l’étranger.

En général, la pratique en entreprise dans un autre pays pose peu de problèmes. « Nos apprentis arrivent à se faire comprendre dès le premier jour, même en polonais, c’est dire ! » Luc Garcia, référent mobilité du CFAI de Lézignan, accompagne des groupes d’élèves depuis plus de vingt ans à Bayreuth. Ce professeur de mathématiques se réjouit que « le geste professionnel fasse office de passe-partout à l’international ». Les apprentis bénéficient tout de même d’un « kit de survie », dit Karine Nouvet-Marie, de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat de la région Occitanie, dont les lexiques et les mémos sur chaque pays sont accessibles sur un site dédié (www.ap-and-go.eu).

Certaines branches professionnelles, comme l’Anfa pour l’automobile, mettent aussi des lexiques à disposition sur leur site Web pour faciliter l’insertion des jeunes alternants. La plupart des CFA organisent cependant, et depuis des décennies, des séjours de découverte outre-Rhin grâce aux jumelages de villes et de chambres consulaires et au soutien de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), créé en 1963.

« Pendant longtemps, on a fonctionné et financé les mobilités en interne, on montait nos budgets, on recevait l’aide de l’Ofaj, explique Gilles Cadéac, directeur du CFAI de Lézignan-Corbières, qui consacre chaque année de 130 000 à 150 000 euros à la mobilité. Quand nous avons eu accès au programme européen de mobilité professionnelle Leonardo da Vinci, devenu Erasmus+, cela a été une bouffée d’oxygène ! » Au cours des années 2000, le CFAI a pu multiplier les échanges vers l’Europe au gré des opportunités. Telles celles ouvertes par un ancien alternant qui installe un salon de coiffure à Gérone, en Espagne, ou par un professeur de mécanique polonais qui fait le lien avec sa ville d’origine, ou encore, simplement, par la proximité transfrontalière.

Meilleures capacités

Une étude d’impact de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat constate que les bénéficiaires ont de meilleures capacités à l’embauche et restent plus longtemps en poste. Le départ en début d’apprentissage, notamment au niveau du CAP, incite à continuer sa formation en BP, bac pro et BTS. Enfin, quels que soient les pays d’accueil, « la reconnaissance du métier est beaucoup plus importante qu’en France et les jeunes s’aperçoivent qu’ils sont performants, précise Luc Garcia. Ils sont souvent sollicités pour revenir ». C’est le cas de Maxime, boulanger de 22 ans, qui a fait deux séjours à Bruxelles, en Belgique, avant de s’y installer pour un contrat d’un an.

Mais les entreprises ne jouent pas toujours le jeu. « Souvent le maître d’apprentissage considère que c’est une récompense quand son apprenti a fait ses preuves », constate Karine Nouvet-Marie, qui souhaite impliquer davantage les tuteurs. Elle en a emmené pendant trois jours en Italie pour qu’ils visitent chambres de métiers, CFA et entreprises qui accueilleront leurs futurs apprentis.

Cette gestion contraignante des temps scolaires et professionnels se pose avec acuité. En juin dernier, trois étudiants en alternance chez le chimiste BASF ont dû prendre sur leurs congés d’été pour passer deux à trois mois en immersion dans le site allemand de Ludwigshafen. Une expérience complexe à mettre en place. Jean-Philippe Plasson, DRH France, regrette « le manque de souplesse, la lourdeur des démarches pour décrocher les bourses, les emplois du temps contraints par la scolarité en CFA et la barrière de la langue ». Pour développer davantage ces mobilités, un projet pilote a été lancé en novembre 2015 entre la France et l’Allemagne. Les Compagnons du devoir et du Tour de France font partir 150 apprentis pendant six à douze mois au sein de 11 multinationales (dont Allianz, Michelin, Danone et Bosch). L’objectif est de jeter les bases d’un contrat européen unique pour les apprentis, déjà étudié par le Parlement européen.

C. G.

15 821 C’est le nombre d’alternants ayant bénéficié d’une bourse Erasmus+ en 2016.

81 % des apprentis « mobiles » estiment avoir amélioré leurs qualités personnelles.

66 % pensent être davantage employables.

Sources : Union européenne/Cereq.

Auteur

  • Clotilde de Gastines