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La prime aux avantages sociaux

Dossier | publié le : 05.12.2016 | Séverine Charon

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La prime aux avantages sociaux

Crédit photo Séverine Charon

La baisse de l’inflation rend plus ardues les négociations salariales. Du coup, à côté de la partie salaire et primes, les employeurs cherchent à mettre en valeur les autres éléments de rémunération distribués.

La baisse est importante : 2 % en 2012, 0,9 % en 2013, 0,5 % en 2014, 0 % en 2015… En septembre de cette année, l’indice des prix a même reculé de 0,2 %. En 2016, l’inflation devrait finalement s’établir autour de 0,2 %. Les prévisions d’augmentation de salaires annoncées pour l’an prochain sont donc prudentes. Très prudentes. Les budgets d’augmentation médians se situeraient ­entre 1,7 et 1,8 %, en droite ligne avec l’année précédente, selon l’étude annuelle du cabinet Deloitte. Avec cette évolution des prix, l’exercice des négociations annuelles obligatoires (NAO) est de plus en plus ardu. Le taux d’inflation n’est plus reconnu comme une base de référence par les partenaires sociaux. Car comment accepter que les salaires stagnent ? Comment communiquer sur une augmentation à 1,5 %, même si l’inflation est proche de 0 % ? Pas de doute, les NAO étaient plus faciles avec une hausse des prix à 3 %, même si les augmentations réelles accordées étaient en fait moins importantes.

« La faible inflation a été génératrice de discussions tendues avec les partenaires sociaux. Cela a néanmoins eu pour effet bénéfique d’inciter les DRH à faire preuve de davantage de pédagogie pour expliquer leurs contraintes et justifier leurs arbitrages. Si les entreprises ont tendance à composer avec un budget de NAO modeste, elles doivent cependant se poser la question de l’attractivité des rémunérations tous les deux à trois ans », estime Agnès Drean Lepage, consultante offre rémunération et avantages sociaux chez Siaci Saint Honoré.

Alors, quelles pistes pour 2017 ? Les ­budgets annoncés pour les augmentations sont encore contraints… Même les ­économistes tablent sur un relatif ­redémarrage des prix, avec une hausse proche de 1,1 % cette année. Selon Jean-Philippe Gouin, associé chargé du capital humain chez Deloitte, « certes, la baisse des budgets s’est arrêtée, mais l’inflation commence à repartir. La hausse du pouvoir d’achat va donc être moindre ».

Le rendez-vous annuel des NAO s’annonce périlleux… Dès le mois de septembre, des tracts ont été distribués çà et là, s’inquiétant d’un budget peau de chagrin. « Merci patron », écrivait la CGT de Groupama début octobre, annonçant que la direction ne prévoyait pas d’allouer de budget aux revalorisations salariales générales en 2017. Chez BNP Paribas, Force ouvrière se scandalise d’une « primette » de 600 euros, en lieu et place d’une augmentation générale. Dans ce contexte, nombre d’employeurs tentent tout de même d’élargir le champ de la négociation avec les syndicats.

Avantages ciblés

Plus question de ne parler que revalorisation salariale et augmentation collective, place à la rémunération globale. « Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir regarder tous les éléments de ­rémunération qu’elles accordent à leurs salariés », souligne Charles-Antoine Roger, consultant international en rémunération globale chez Mercer, qui pointe une préoccupation déjà ancienne. Les syndicats l’ont accepté souvent à contrecœur. Les employeurs, eux, augmentent les moyens dédiés à d’autres éléments de rémunération. « En 2016, quand des accords ont pu être signés, les augmentations collectives ont été limitées, entre 0,5 % et 1 %. En revanche, les entreprises ont accordé des coups de pouce sur des avantages ciblés : relèvement du taux de prise en charge de la carte de transport, participation au-delà de 50 % de la cotisation à la complémentaire santé, relèvement de l’abondement sur le plan d’épargne d’entreprise, par exemple », explique Thierry Tisserand, ­secrétaire national de la Fédération CFDT des banques et assurances.

« De plus en plus, nos clients veulent personnaliser la rétribution globale, qui englobe le salaire, les éléments variables, comme les primes et les bonus, mais aussi tous les autres avantages, y compris l’éventuel véhicule et les éléments liés au temps et aux conditions de travail », souligne Jean-Philippe Gouin. « On observe l’avènement d’une politique d’avantages sociaux avec assurance santé, prévoyance, épargne salariale, retraite, etc., plutôt que le développement de la partie cash, salaires et primes », indique Xavier Collot, directeur de l’épargne salariale chez Amundi. Soit les benefits contre la compensation.

Des consultants en rémunération évoquent même le « salaire cafétéria », concept anglo-saxon qui individualise la rémunération des salariés. En France, une filiale d’un groupe américain envisagerait de mettre en place un tel dispositif : l’employeur accorde un montant au collaborateur, qui décide de l’utilisation de cette somme. Il peut recevoir la somme en cash, l’allouer au financement d’une garantie supplémentaire de sa couverture santé ou la verser sur un compte d’épargne salariale… Chaque année, le montant est fixé ou négocié, et le salarié décide de son usage.

Dans ce contexte, il n’y a plus vraiment de place pour l’augmentation générale des salaires. « Selon cette approche, l’entreprise ne fait aucun choix d’optimisation sociale ou fiscale. C’est une fois que le salarié a pris sa décision que sont défalquées les contributions nécessaires », remarque Jean-Philippe Gouin. En France, la mise en œuvre d’un tel dispositif à la carte reste délicate. La réglementation exige qu’un avantage soit collectif et profite à tous pour bénéficier de tel ou tel traitement social ou fiscal.

Négociations forcées

Autre difficulté pour asseoir une politique globale : de nombreux éléments annexes au salaire sont régulièrement modifiés par la loi. Du côté de l’épargne salariale, de la participation et de l’intéressement, pas une année sans nouveau texte qui oblige l’entreprise à négocier sur le sujet sans qu’elle l’ait souhaité. D’autres avantages sociaux ont fait ces dernières années l’objet de négociations forcées, au premier rang desquels la complémentaire santé.

Dans le cadre de l’ANI de janvier 2013, cette couverture sociale a en effet occasionné des travaux techniques fastidieux et des négociations au long cours dans la majorité des entreprises. Celles qui ne proposaient pas de complémentaire santé ont été obligées d’en mettre une en place et d’en financer au moins la moitié du coût. Certains grands groupes, comme Renault ou les plus gros acteurs de la branche de l’hospitalisation privée, n’avaient par exemple jamais franchi le pas. Le constructeur automobile s’est ainsi résolu à mettre en place une couverture santé pour tous ses salariés fin 2014. Il a dû rouvrir les ­négociations et remettre encore au pot un an plus tard, après qu’une circulaire a modifié une nouvelle fois les détails du financement entre salarié et employeur. Cette obligation a donc mobilisé des moyens financiers souvent importants.

À l’inverse, pour nombre d’entreprises qui finançaient déjà une couverture santé pour leurs salariés, l’ANI de janvier 2013, et la mise en œuvre du contrat responsable, se sont traduits par un abaissement obligé des garanties proposées. « Celles offertes par la complémentaire santé ont parfois été rognées pour faire entrer le contrat dans le cadre responsable. De ce fait, la cotisation a baissé. Souvent la solution a consisté à maintenir la part employeur en valeur absolue et donc à diminuer la cotisation du salarié. L’autre option consistait à transférer une partie du budget alloué à la santé sur la prévoyance », explique Vincent Cornet, directeur de la rémunération globale au sein du cabinet Aon Hewitt.

Places en crèche

Qu’il s’agisse d’instaurer une couverture santé pour tous les salariés ou de revoir à la baisse des garanties, l’application de la généralisation de la complémentaire santé a donc obligé des employeurs à recalculer au moins à la marge les budgets alloués à la rémunération et aux avantages sociaux. Tout en les empêchant de se différencier sur ce sujet. Un casse-tête pour les RH…

Casse-tête qui se complique avec l’allongement de la vie active et le recul de l’âge de départ à la retraite. L’entreprise doit faire avec plusieurs générations de salariés, qui n’ont pas les mêmes attentes, en termes de rémunération, de temps de travail et de développement personnel. « Nos clients, ETI ou grands groupes, ont pris l’habitude d’interroger régulièrement leurs salariés pour connaître leurs attentes en matière de rémunération globale », souligne Laurent Termignon, directeur talent & rewards chez Willis Towers Watson.

En dépit des contraintes légales, ils essaient d’avoir une approche encore plus large et d’englober dans leurs négociations des éléments liés à la qualité de vie. « Aujourd’hui, la multiplicité des profils qui cohabitent au sein de l’entreprise impose une plus grande individualisation de la rémunération, intégrant des composantes plus variées dans le package : formation, souplesse d’organisation, avantages annexes…a », indique Agnès Drean Lepage, chez Siaci Saint Honoré. L’attractivité d’une entreprise n’est plus liée au niveau de salaire en cash, ni à la rémunération globale. Mais bien à tous les avantages sociaux, y compris le nombre de jours de congé, la possibilité de télétravail ou même les places en crèche.

Améliorer la retraite faute d’augmenter les salaires

La retraite représente une part significative du package global de rémunération, et la réforme Agirc-Arrco du 30 octobre 2015 pousse les employeurs à faire du financement de la retraite un sujet de ­négociation. Selon une étude d’Aon Hewitt publiée fin 2015, la retraite arrive en deuxième ­position des avantages sociaux, juste derrière l’épargne salariale, mais devant la complémentaire santé. « De plus en plus, le financement de la retraite repose sur les entreprises et les salariés, et les grandes entreprises cherchent à structurer leurs réflexions en la matière », affirme le consultant Charles-Antoine Roger. « Aborder le sujet du financement de la retraite au sein de l’entreprise n’est plus du tout un sujet tabou », confirme Xavier Collot (Amundi), pour qui l’entreprise est désormais pour le salarié « le tiers de confiance » pour préparer sa retraite.

Dans ce contexte favorable, un changement réglementaire annoncé chez les assureurs va justement occasionner des négociations sur la retraite dans l’entreprise : le principe de la création d’un fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), soumis à d’autres règles prudentielles que celles qui s’appliquent depuis le 1er janvier 2016 aux contrats d’assurance, a été arrêté. Les modalités de création du FRPS ne préoccupent que les assureurs mais, à terme, les entreprises seront concernées. Lorsqu’il faudra transférer les contrats d’assurance retraite collectifs actuellement logés au sein de compagnies d’assurances dans cette nouvelle structure, nul doute que cette opération sera l’occasion de remettre à plat et de renégocier les dispositifs d’assurance retraite.

Auteur

  • Séverine Charon