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À Dunkerque, des dons pour créer des emplois

Décodages | publié le : 05.12.2016 | Alexia Eychenne

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À Dunkerque, des dons pour créer des emplois

Crédit photo Alexia Eychenne

Dunkerque fait le pari de financer des postes pour les chômeurs grâce à la générosité des habitants. Une première en France.

Et si les habitants d’une localité avaient le pouvoir de créer des emplois pour des proches ou des voisins au chômage ? L’idée a germé dès 2014 à la communauté urbaine de Dunkerque (CUD), dans le Nord, lors des États généraux de l’emploi local. Deux ans plus tard, une structure inédite dans l’Hexagone vient de voir le jour afin de rendre l’utopie possible : « Le Dunkerquois, solidaire pour l’emploi ». Cette fondation à l’échelle d’un territoire a vocation à financer des contrats de travail grâce à la générosité des entreprises ainsi que des particuliers.

La crise économique frappe Dunkerque de plein fouet : 6 600 des 200 000 résidents de l’agglomération cherchent un travail depuis plus de deux ans. La fermeture de la raffinerie SRD, à la fin du mois de décembre, devrait encore laisser des centaines de salariés sur le carreau. Pourtant, « certaines tâches utiles à la société ne sont pas remplies, car elles ne peuvent être financées ni par le marché ni par le secteur public », pointe Patrice Vergriete, le maire Divers gauche de Dunkerque et président de la CUD.

Ancrage territorial

C’est le cas d’activités à forte dimension sociale, comme les visites auprès des personnes âgées isolées ou le « pédibus », l’accompagnement à pied des enfants sur le chemin de l’école. « Les parents ne sont pas prêts à payer pour ce service, illustre Patrice Vergriete. Mobiliser des agents publics sur ces horaires atypiques est compliqué. On a tenté de faire appel à des bénévoles, mais le modèle s’est vite épuisé. » Les associations pourraient se charger de ces missions. Reste à trouver des financements. D’où l’idée d’un modèle économique fondé sur la solidarité locale, qui sollicite des dons pour rémunérer des chômeurs. Irréaliste ? Pas si sûr, à en croire les élus.

La fondation mise sur la forte « identité territoriale » des habitants de Dunkerque pour stimuler la générosité. Elle espère aussi tirer profit de l’envie des contribuables de savoir à quoi servent leurs impôts. Les donateurs pourront en effet déduire de leurs revenus une grande partie de leur contribution : 66 % pour les particuliers et 60 % pour les entreprises. « En versant 300 euros à la fondation, les habitants imposables n’en paieront en fait que 100, résume Patrice Vergriete. Et les 200 euros restants profiteront directement à leur territoire. »

L’initiative s’inspire des community foundations, des organismes philanthropiques anglo-saxons actifs à l’échelle d’une collectivité. Le modèle est né à Cleveland, aux États-Unis, en 1914. En un peu plus d’un siècle, la Cleveland Foundation a rassemblé 1,8 milliard de dollars. L’un de ses derniers projets doit financer 50 formations en apprentissage, notamment à destination des femmes et des personnes issues des minorités. Des fondations de ce type existent aussi au Canada et au Royaume-Uni.

À Dunkerque, 20 000 euros de dons financeront un poste à plein temps, rémunéré au Smic durant un an. Une fois cette somme recueillie, la fondation invitera les associations locales à soumettre leurs projets de création de poste, puis sélectionnera les lauréats selon des critères stricts : les emplois devront remplir une mission sociale qui ne peut être assurée par le secteur privé, et ne pas faire concurrence aux agents publics. L’association devra aussi recruter impérativement un chômeur de longue durée, sélectionné par un jury. La fondation financera l’intégralité de son salaire. À moins que l’association ne décide d’en prendre en charge une partie.

Une inconnue – de taille – demeure : combien de postes pourront-ils être financés ? « Peut-être pas des milliers, reconnaît Patrice Vergriete, mais nous ne savons pas à quoi nous attendre. Ce projet ne ressemble à rien qui n’existe déjà. Son succès dépendra beaucoup de sa notoriété. Il va falloir du temps pour faire connaître la fondation. » Une grande campagne de communication sera lancée mi-décembre. À quelques semaines des fêtes, période propice à la générosité.

Auteur

  • Alexia Eychenne