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Pascal Roché industrialise Ramsay Générale de santé

Décodages | publié le : 04.11.2016 | Sabine Germain

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Pascal Roché industrialise Ramsay Générale de santé

Crédit photo Sabine Germain

Conjuguer l’autonomie de pôles de santé et leur inscription dans une stratégie globale de performance… C’est le difficile équilibre que doit tenir Pascal Roché pour préserver le leadership du groupe Ramsay Générale de santé dans l’hospitalisation privée.

Conçue par la Générale des eaux (rebaptisée Veolia en 2003) comme une simple diversification, Ramsay Générale de santé est devenu en moins de trente ans le leader français de l’hospitalisation privée, avec 124 établissements et centres de soins, 22 000 salariés (dont deux tiers de personnels soignants) et 6 000 médecins. « Notre métier, c’est la mise à disposition de moyens humains et techniques à des praticiens libéraux qui viennent opérer ou soigner dans nos établissements », explique Jacques Guillot, le DRH. Médecins et chirurgiens sont donc des clients du groupe, qui doit les attirer et leur donner envie de travailler sur ses plateaux techniques, dans ses établissements.

Voilà qui pose les bases d’un modèle original d’organisation ! Ici, ce sont les clients – les médecins – qui managent les équipes soignantes et créent la valeur de l’entreprise. Curiosité supplémentaire, les directeurs d’établissement ne peuvent pas leur donner d’ordres, puisqu’ils ne sont pas du métier… On est bien loin du modèle de clinique privée à l’ancienne, fondée et dirigée par un baron local de la chirurgie. Constitué à coups de croissance externe en intégrant des cliniques de tailles, de cultures et de spécialités différentes, Ramsay Générale de santé a dû se structurer pour faire émerger des valeurs communes, recruter des directeurs managers et accompagner l’évolution des pratiques de santé en développant les soins ambulatoires.

Passé entre les mains de plusieurs fonds d’investissement, le groupe est détenu depuis 2014 par le gestionnaire australien de cliniques Ramsay Health Care et le Crédit agricole. « Être adossé à un actionnaire qui connaît le métier est un atout, estime Denis Charles, directeur des opérations. Cela nous permet de faire du benchmark sur la façon de gérer la qualité, les risques, l’animation de communautés médicales… » Ces échanges sont appelés à se développer, y compris au niveau RH : un collaborateur français vient ainsi de rejoindre les équipes achats de Singapour. Un pas vers la globalisation ? Dans un monde de la santé où les pratiques sont largement conditionnées par l’organisation territoriale des soins, le groupe doit trouver le juste équilibre entre global et local, fonctionnement centralisé et autonomie des établissements. Le grand défi de Pascal Roché, directeur général depuis cinq ans.

Mettre l’ambulatoire au cœur de l’offre

L’ambiance est étonnamment calme pour un service qui pratique entre 100 et 150 opérations chirurgicales par jour. L’hôpital Jean-Mermoz, à Lyon (369 lits, 28 salles d’opération), a entièrement réorganisé son premier étage autour de la médecine ambulatoire. Avec un parcours piéton rappelant celui des magasins Ikea : les patients entrent d’un côté, passent aux admissions, rencontrent un premier soignant qui les installe dans leur box, se font opérer, retrouvent leurs effets personnels dans un nouveau box, effectuent leur visite médicale de contrôle, puis sortent par l’autre côté du bâtiment.

Son aménagement a été conçu par un groupe de travail animé par Cécile Dupas, cadre infirmière responsable du service ambulatoire depuis fin 2013, qui a fait l’essentiel de ses dix-neuf ans de carrière dans la maison. « Nous avons eu l’idée de créer ces box à l’entrée : pour les patients, il est moins anxiogène de se retrouver au calme que de patienter en salle d’attente », explique-t-elle, enthousiaste, en exprimant le souhait d’être « associée à d’autres projets stratégiques ».

Stratégique, l’ambulatoire l’est à plus d’un titre. C’est un enjeu économique, bien sûr, mais aussi une priorité de santé publique rendue possible par les progrès médicaux. Objectif du leader de l’hospitalisation privée ? Fonctionner à 70 % en ambulatoire dans les deux ans, comme en Europe du Nord. « La rupture est intervenue en 2010, explique le Dr Philippe Souchois, directeur de la qualité, des risques et des filières de soins. L’ambulatoire est devenu le mode normal de prise en charge. Il est mieux anticipé, plus sécurisé, répond aux aspirations des patients et réduit les risques, d’infection par exemple. »

Cette nouvelle donne implique une révolution dans l’organisation du travail. « Les soignants voient plus de patients, pendant moins longtemps, explique Pierre Tardif, directeur général de l’hôpital Jean-Mermoz. Pour accompagner ce changement, toutes les équipes de soins ont été intégrées dans l’élaboration du projet ambulatoire et la redéfinition du parcours. » Celles-ci ont pu s’appuyer sur les méthodes d’organisation formalisées au niveau du groupe et intégrer leur nouvelle priorité : gérer des flux et faire en sorte que tout arrive à l’heure (le patient, les soignants et le matériel médical) en salle d’opération afin que chaque poste ambulatoire tourne entre 2,5 et 3 fois par jour.

« Le processus de prise en charge du patient est tel, qu’il n’y a plus de temps d’attente », commente Denis Charles, qui assume cette organisation quasi industrielle tout en insistant sur la prise en charge très individuelle des patients et sur l’accompagnement en amont et en aval. Les soignants doivent donc rester en relation avec la médecine de ville, pour assurer un continuum de soins, et accompagner le patient bien au-delà de l’hospitalisation : l’appeler la veille pour préparer l’admission, puis le lendemain et les jours suivants pour gérer la douleur et le retour à domicile. « Notre offre de services doit aussi s’adapter, commente Pierre Tardif. La qualité de l’accompagnement compte souvent plus que celle de la chambre. »

Recruter des directeurs managers

Pierre Tardif incarne l’archétype du directeur général de pôle de santé dont rêve Pascal Roché. Ingénieur de formation (avec un master HEC en prime), il a passé six ans à la logistique d’Essilor puis six dans le conseil chez McKinsey. Après avoir mené diverses missions dans l’univers de la santé en France et aux États-Unis, il a été approché par Ramsay Générale de santé. C’était en 2013. « À un moment où j’avais envie d’avoir des fonctions plus opérationnelles et un métier ayant vraiment du sens », confie-t-il. À 38 ans, il dirige aujourd’hui le pôle santé de Lyon : l’hôpital Jean-Mermoz, trois cliniques de soins de suite, deux centres de radiothérapie, un centre d’imagerie et un centre de médecine nucléaire. Soit un millier de collaborateurs.

Avant de prendre ses fonctions, il a passé neuf mois en « vivier » en Ile-de-France. Chez Ramsay Générale de santé, tout directeur d’établissement est épaulé par un directeur des opérations. Mais la tâche n’en est pas moins harassante. « C’est un dirigeant d’entreprise à part entière, mandataire social, qui gère son compte d’exploitation. Il doit manager des équipes importantes dans un univers très particulier : son engagement est d’autant plus fort que l’univers de la santé est porteur de sens », note Jacques Guillot, le DRH.

Avec Pascal Roché, il est donc particulièrement attentif aux profils des 10 directeurs d’établissement qu’ils recrutent chaque année, faisant de ces entretiens « des priorités d’agenda ». « Au-delà de leurs compétences de gestionnaire et de manager, nous voulons voir leurs yeux briller quand on leur parle de santé », assure le DRH. Car la fonction est exigeante : « Nous avons des équipes très pros, qui donnent beaucoup d’elles-mêmes et qui attendent beaucoup en retour, poursuit Jacques Guillot. Ça veut dire qu’il faut donner du sens aux orientations et prendre le temps d’expliquer ses projets. »

Faire émerger une culture managériale

Issu d’entreprises ayant une forte culture (Barclays et Axa), Pascal Roché veut faire sortir les 2 000 cadres hospitaliers de leur culte de l’expertise pour en faire de véritables managers. Un parcours de formation sur six mois (à raison de deux jours par mois) a été mis en place avec la business school Novancia. Responsable d’une unité de soins à l’hôpital Armand-Brillard de Nogent-sur-Marne, où il anime une équipe de 15 infirmiers et 15 aides-soignants, Olivier Ramassamy fait partie de la première promotion de 80 managers. « Cette formation m’a aidé à mieux comprendre la posture de manager et m’a donné des outils pratiques. Par exemple pour apprendre à déléguer, ce que j’avais du mal à faire auparavant. » Un changement d’habitudes pas simple pour celui qui fut au contact direct des malades durant plus de dix ans. « Je reste infirmier dans l’âme parce que ma légitimité de manager est fondée sur mon expertise métier. Mais j’apprends à m’en détacher pour entraîner mon équipe et la faire adhérer à des projets tels que la mise en place de protocoles et de procédures de prise en charge ou l’informatisation des dossiers des patients. »

Le groupe a par ailleurs lancé un audit sur la trentaine de postes qu’il juge clés. En font partie les fonctions de directeur général d’établissement, de directeur des opérations, de directeur des services de soins infirmiers, de directeur des ressources humaines ou de responsable de l’assurance qualité. Des métiers exercés par quelque 700 personnes dans la maison. « Nous avons voulu comprendre ce qu’ils attendent, justifie le DRH. Ils ont exprimé le besoin d’avoir une vision et des repères sur la performance, tout en préservant leur culture et leur engagement. »

Née de cette consultation, la démarche managériale Olympe symbolise cette recherche d’équilibre entre global et local. Un équilibre pas forcément facile à trouver, si l’on en croit le délégué cégétiste Olivier Poher, élu à la surprise générale secrétaire du comité de groupe en avril dernier, alors que son syndicat a obtenu nettement moins de suffrages que la CFDT (31 % des voix contre 41 %). « Dans cette instance, le dialogue social est plutôt ouvert, mais il ne s’y passe pas grand-chose car les prérogatives sont limitées. Sur le terrain, en revanche, il peut être très tendu. » Les établissements restant juridiquement indépendants, c’est en effet bien à leur niveau que le dialogue social se joue.

En chiffres

124

établissements et centres de soins.

2,227

milliards d’euros, c’est le chiffre d’affaires France du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016.

Source : Ramsay Générale de santé.

Auteur

  • Sabine Germain