Faire d’une pierre deux coups. C’est un peu l’idée suivie par Deloitte France qui a profité de son prochain déménagement à la Défense pour réfléchir à la façon dont ses 9 400 collaborateurs pourraient travailler demain. « Nous avons voulu une mutation immobilière correspondant aux transformations que nous vivons dans l’organisation et le management », explique Alain Pons, le président de Deloitte France. Nouveaux modes de travail, nouvelles pratiques managériales, nouvelle façon d’évaluer les salariés… « Dans le passé, les équipes travaillaient plus en silos ; aujourd’hui, les missions sont plus transverses et nécessitent de favoriser les synergies entre nos experts et entre nos différents métiers », poursuit le dirigeant. Le cabinet réunit en effet cinq métiers (audit, consulting, gestion des risques, finance et droit) aux habitudes de travail différentes. Rien de commun entre les actuaires, qui sont sédentaires, et les consultants, nomades.

« Plutôt que de dupliquer des solutions de marché ou de copier des aménagements repérés ici ou là, nous avons choisi de mener un test grandeur nature », expose Sami Rahal, le DRH. Dix groupes de travail ont été lancés en début d’année 2016. Cinq ont phosphoré sur les besoins de chaque métier, les autres se sont concentrés sur des problématiques transverses, comme le travail en commun, la communication, les règles de vie, l’archivage ou les situations de travail au quotidien. Une vingtaine de réunions ont rassemblé plus de 110 collaborateurs et associés issus de l’ensemble des activités et des fonctions de l’entreprise.

Les idées issues de cette réflexion ont été reprises pour aménager cinq niveaux de la tour Majunga, de 1 400 mètres carrés chacun, qualifiés de labs ou laboratoires grandeur nature, situés entre le 21^e et le 25^e étage. Chacun présente un concept d’aménagement différent. Si le 21^e reprend une bonne partie des espaces auxquels les salariés sont déjà habitués, les quatre autres présentent des innovations plus ou moins décoiffantes. Cabines pour téléphoner sans déranger personne, niches insonorisées pour échanger entre collègues, tables ajustables pour travailler debout, banquettes courbes aux dossiers surélevés pour s’isoler face aux baies vitrées, box de travail aux matériaux absorbant le bruit. Sans oublier les tableaux interactifs, les applis de smartphone permettant d’ajuster les stores ou de réserver une salle de réunion et des connexions internet jusque dans la cafétéria. Une salle toute noire est même dédiée à la sieste pour « se reconstruire ».

Le 4 juillet dernier, 1 000 premiers salariés de Deloitte ont investi les cinq étages tests. C’est le Move 1, en langage interne. Cette phase pilote permet aux heureux élus de tester durant plusieurs mois les espaces aménagés et de donner leur avis sur les différentes configurations ainsi que sur les concepts, situations et modes de travail proposés. Chaque vendredi se tient un stand up meeting pour faire le point et recueillir les impressions des collaborateurs. Ceux-ci peuvent aussi utiliser un réseau social interne, ouvert à tous et spécialement dédié au partage de retour d’expérience.

Des études de terrain sont également menées afin d’analyser la fréquentation des postes de travail et des espaces collaboratifs. L’environnement sonore et la qualité de vie des salariés du lab sont, eux, sous surveillance et font l’objet d’échanges réguliers. Enfin, les équipes encore en poste à Neuilly-sur-Seine viennent à tour de rôle travailler une semaine à la Défense pour participer au test. À terme, les aménagements plébiscités seront conservés, les autres oubliés. Le Move 2, c’est-à-dire le déménagement de toutes les équipes sur 19 niveaux, est prévu en juillet 2017.

Mais sans attendre, Deloitte France cherche déjà à tirer profit de cette aventure sur un plan commercial. Yannick Bigot, son directeur-conseil capital humain, chargé de l’accompagnement du changement du lab, propose ainsi l’installation de labs à ses clients ayant des projets immobiliers. Du conseil directement issu d’une expérience in vivo.