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Idées

Le leadership au service de l’intelligencecollective

Idées | Management | publié le : 04.10.2016 | Agathe Potel

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Le leadership au service de l’intelligencecollective

Crédit photo Agathe Potel

Fini, le management ! La révolution numérique fait émerger le besoin de collectifs engagés et d’un leadership facilitateur.

Les importantes transformations des entreprises ces trente dernières années, pour faire face aux enjeux de compétition accrue et de rapprochements entre firmes, ont conduit à l’émergence d’une compétence centrale : le leadership des dirigeants et de toute la ligne hiérarchique de l’entreprise. Ce remplacement progressif du terme de management par celui de leadership n’est pas anodin. En effet, les compétences managériales valorisées de gestionnaire et d’organisateur au service de l’efficacité ont laissé le pas aux compétences de leader, c’est-à-dire de visionnaire et de moteur au service de la transformation permanente de l’entreprise. De nouveaux talents de leaders ont été valorisés : savoir fédérer l’énergie autour des projets, éclairer les défis et les enjeux futurs, partager le sens des décisions et actions prises, mobiliser l’engagement collectif… Un peu avant les années 2000, un florilège d’affaires (avec en apothéose la crise des subprimes en 2007) est venu interroger une dimension capitale du leadership : celle de l’éthique, ou plutôt du manque d’éthique des leaders. La question des valeurs est devenue centrale dans le leadership : servir des objectifs, certes, mais s’assurer que ceux-ci ont une valeur durable dans un monde éthiquement interdépendant. Il est devenu urgent de développer une génération de leaders éthiques au service de la construction du monde de demain et non de la simple performance immédiate de l’entreprise.

Nouveaux modèles

Ces dernières années, nous vivons une mutation radicale à travers la numérisation du monde que Michel Serres qualifie de troisième révolution de l’humanité après celles de l’écriture et de l’imprimerie. Comme les deux précédentes, elle transforme notre rapport au monde et provoque des bouleversements dans de nombreux domaines : économique, juridique, politique, pédagogique, religieux… Émergent de nouveaux modèles économiques fondés sur l’agissement collectif (économie collaborative, économie du partage…) qui viennent chahuter les équilibres construits dans les domaines de la concurrence, de la consommation, du travail, des réglementations, des législations, des routines, des coopérations, des réseaux… Les entreprises sont entrées dans un rythme effréné en réaction à l’immédiateté, la complexité, l’imprévisibilité, la globalisation, l’innovation technologique continue…

Cela vient mettre en évidence le besoin de collectifs engagés et collaboratifs, en connexion permanente avec leur écosystème, collectivement responsables de leurs orientations et actions… En bref, des organisations à l’opposé des structures pyramidales et matricielles, structurées autour de la prévision et du reporting, et où se juxtaposent beaucoup d’intelligence et de compétences individuelles, mais qui ne créent pas d’intelligence collective. Il est question de permettre au système collectif de gagner en agilité, en ouverture, en capacité de rebond, en responsabilisation, en autonomie… Ce qui suppose le développement d’un leadership au service de l’activation de l’intelligence partagée du groupe, qui émerge de la collaboration et de la qualité de la communication entre individus. Cette dernière s’enrichit et est portée par une vision plus large et systémique.

Présence, conscience, confiance

Le leadership au service de l’intelligence collective suppose une capacité d’accompagnement du déploiement de l’intelligence collective : créer les conditions initiales à toute collaboration, « faire ensemble quelque chose de nouveau, qu’aucun ne pourrait générer seul », pour faire émerger une synergie issue du maillage des complémentarités, qui débouche sur un champ relationnel d’où jaillit l’« inimaginé » qui devient réalité. Quelques exemples concrets de ces expériences collectives : certains clusters très performants qui démontrent comment des entreprises regroupées, même concurrentes, peuvent, en s’associant avec leur écosystème et entre elles, développer des projets innovants et différenciateurs à haute valeur ajoutée. Ou encore le projet Rebuild by design, formidable collaboration entre chercheurs, designers, responsables gouvernementaux de la région de New York pour proposer des solutions réalistes rendant le territoire plus résilient après le terrible ouragan Sandy.

Le leadership facilitateur d’intelligence collective diffère sur un point capital : nul ne détient la vision ou le savoir, ou, au contraire, chacun est détenteur d’informations capitales pour le collectif (holomorphisme). L’enjeu est de permettre la construction collective d’une vision stimulante et partagée dans laquelle vont s’inscrire les projets individuels de chacun comme source d’orientation et d’énergie du collectif. L’intelligence collective va résulter de la confiance dans les capacités des collaborateurs/participants à se motiver et à agir pour des causes justes. Il s’agit d’un leadership de présence, de conscience et de confiance, qui sait « lâcher prise avec la tension du résultat » et, au contraire, investit les processus. Cela suppose de savoir recourir aux méthodes collaboratives et agiles (world café, forum ouvert…), mais plus encore de déployer les talents suivants : l’audace d’expérimenter en conscience, l’humilité et la capacité de remise en question, la confiance en soi, en l’autre et dans le collectif, la capacité de tenir le cadre sans maîtrise du contenu et du résultat, la capacité de ralentir et de suivre le courant…

Auteur

  • Agathe Potel