logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Décodages

Alain Juppé, le modérateur

Décodages | publié le : 04.10.2016 |

Image

Alain Juppé, le modérateur

Crédit photo

Emploi

Comme ses adversaires, Alain Juppé veut enterrer les 35 heures et revenir aux 39 heures comme durée légale. Le temps de travail sera négocié au niveau de l’entreprise. Faute d’accord conclu dans les deux ans, le législateur lui permettra de passer d’office à la durée souhaitée. Les heures comprises entre 35 et 39 heures seront payées sans majoration, mais défiscalisées. Adaptés à l’entreprise, encadrés par la loi et homologués par l’administration, les motifs de rupture du CDI seront inscrits dans le contrat de travail. Le juge se livrera à un contrôle purement formel.

En plus d’enlever toute charge au niveau du Smic, l’ex-Premier ministre supprime les contrats aidés dans le secteur non marchand. Dégressivité des allocations chômage à partir de douze mois, contrôle accru de la recherche, programme de retour à l’emploi en entreprise de six à douze mois pour les plus en difficulté. Les chômeurs de longue durée disposeront également d’une sorte de « chèque » recensant toutes les aides dont les employeurs peuvent bénéficier en cas d’embauche.

Formation

Le favori des sondages entend confier la gestion de la formation professionnelle initiale, lycées et CFA compris, aux régions. Les différentes filières seront rapprochées et devront publier leur taux d’accès à l’emploi. Toute subvention sera supprimée pour celles qui ne feront pas leurs preuves. Pour alléger les contraintes sur les entreprises, le contrat d’apprentissage sera simplifié et son coût allégé.

Dialogue social

Pour contourner l’effet dissuasif du franchissement des seuils sociaux (à 10 et à 50 salariés), ceux-ci seront neutralisés durant cinq ans. Fusion des organes de représentation (DP, CE, CHSCT…), conclusion des accords d’entreprise par référendum à la demande du chef d’entreprise avec l’accord d’un syndicat représentatif… Alain Juppé veut réduire les capacités d’action des syndicats. Par ailleurs, il entend élargir le mandatement et permettre aux accords d’entreprise d’être dérogatoires. Quant aux mandats syndicaux, il interdit de les enchaîner plus de deux fois et plafonne la décharge à 50 % du temps de travail. Enfin, exit les commissions paritaires régionales, instituées par la loi Rebsamen pour les TPE.

L’avis des experts

André Zylberberg

« Le passage de 39 heures à 35 heures ne fut pas forcément une bonne idée et a nécessité des ajustements très coûteux. Mais le chemin inverse risque d’avoir de lourds inconvénients en termes de réorganisation et ne serait pas accepté par les salariés. La loi El Khomri offre des ouvertures qui me semblent suffisantes. La durée légale reste fixée à 35 heures, les heures supplémentaires sont majorées de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes. Mais, dans chaque entreprise, un accord collectif peut désormais prévoir de limiter la majoration des heures supplémentaires jusqu’à 10 % même si la branche prévoit plus. Ce dispositif m’apparaît simple et adapté, il n’y a pas besoin de remettre sur le tapis un énième débat forcément hyperconflictuel. »

Xavier Timbeau

« Alain Juppé va très loin dans l’inversion de la hiérarchie des normes et je ne vois pas en quoi il serait plus malin pour la faire accepter à une opinion publique qui y est farouchement opposée. Trois modèles s’affrontent : le modèle tout marché qui repose sur des négociations individuelles avec le salarié ; le modèle centralisé avec un dialogue social entre patronat et syndicats piloté par l’État ; le modèle d’entreprise où tout se joue au niveau du terrain. Penser que l’on va créer de l’emploi en passant de l’un à l’autre est illusoire. Au contraire, établir des règles au niveau de l’entreprise peut se faire au détriment des concurrents, engendrer des suppressions d’emplois et donc nourrir le chômage. Le Code du travail vise à réguler la concurrence, pas à rendre les entreprises plus compétitives. »