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Idées

Révolte inutile, révolutions nécessaires

Idées | Bloc-notes | publié le : 03.06.2016 | Jean-Paul Delevoye

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Révolte inutile, révolutions nécessaires

Crédit photo Jean-Paul Delevoye

Repli sur soi

Les États-Unis sont à une élection près, celle de Donald Trump, d’un repli sur soi et du retrait de l’Otan. Le Royaume-Uni est à une élection près, la victoire du oui au Brexit, d’une sortie de l’Union européenne. Et la France est à une élection près, celle de Marine Le Pen, d’un choix extrême qu’alimente le ni Hollande ni Sarkozy. En ces moments de profonde métamorphose, s’il est essentiel pour les uns d’apaiser les marchés, il est plus essentiel encore d’apaiser les peuples. Cela nécessite une conduite du changement et une pédagogie de l’avenir qui font, aujourd’hui, cruellement défaut. Ce qui nous condamne à la montée brutale de la violence dans les rapports sociaux et à la radicalisation des positions qui enferment leurs auteurs dans l’irréversibilité. C’est un grand danger, car la peur rend inflammables les peuples.

Peurs décuplées

Aujourd’hui, il faut déplorer un aveu de faiblesse général. Celui d’une classe politique, orpheline de ses utopies ou idéologies, qui se referme sur une quête obsessionnelle du pouvoir. Celui des intermédiaires sociaux, dont l’apathie, corrélée à des échéances électorales, l’oblige à la surenchère. Celui d’une opinion tiraillée entre la colère due à l’inconfort généré par des grèves multiples et le soutien aux combats pour lutter contre la lente dégradation de sa vie.

La loi travail aurait dû apaiser les salariés par des solidarités nouvelles et adaptées aux caractéristiques changeantes des parcours professionnels. Mais aussi les chefs d’entreprise, en optimisant leur capacité à créer de l’emploi. Ce qui impliquait de minimiser les conséquences de la rupture tout en garantissant l’équilibre des droits. Au lieu de cela, la loi a libéré et décuplé les peurs. Elle a produit, qu’elle soit promulguée ou non, une accumulation de rancœurs et d’humiliations qui pèsera lourdement sur notre capacité à susciter l’envie d’avenir.

Soif d’écoute

Nuit debout exprime une soif d’écoute, de respect et une envie de débat.

Mais aussi une fracture avec l’élite.

Les grèves illustrent une peur des conséquences de décisions incomprises ou inappropriées. L’usage du 49.3 traduit, aussi, une ambiguïté parlementaire alimentant troubles et colères.

Cette période confuse doit aussi être regardée comme une opportunité, car nous ne sommes pas condamnés à la violence. Il faut pour cela intégrer une dimension nouvelle dans nos démocraties : l’acceptation sociale. Les avocats du peuple, préoccupés de son avenir, peuvent créer des rapports de force favorables face aux procureurs institutionnels soucieux de leurs intérêts.

Métamorphose

Dans ce monde incertain et illisible, l’apaisement, la vision et la confiance sont des éléments déterminants pour permettre une adhésion aux changements, voire aux ruptures, nécessaires. Or notre culture du conflit donne la prime à celui qui terrasse l’autre, non à celui qui coopère à la solution. De plus, le manque de clarté entre le rôle de l’État et celui des partenaires sociaux autorise tous les calculs et toutes les défausses.

Dans la métamorphose que nous vivons, l’adaptabilité et la vitesse nécessitent dialogue et respect. L’absence de ces qualités nous conduit à l’impasse et à la radicalisation. Et, plus grave encore, à la perte de confiance dans un pacte collectif qui semble ne garantir que les avantages de certains. Si on ne reconstruit pas une espérance dans un cadre commun, conjuguant défense non négociable des principes et large souplesse accordée aux acteurs économiques, il y a de quoi être très inquiet pour l’avenir de nos systèmes de solidarité. La menace ? L’avènement du chacun pour soi, afin d’assurer sa survie sociale face à un échec collectif perçu ou annoncé.

Auteur

  • Jean-Paul Delevoye