Trop de charges, pas assez de flexibilité : pour l’opinion publique, c’est à quoi se réduit le discours patronal sur l’entreprise. L’intérêt de l’ouvrage de l’historien Félix Torres sur « 40 ans de réflexion patronale en France » est de faire découvrir derrière ces stéréotypes un débat d’idées beaucoup plus riche. L’objet de son travail, c’est l’Institut de l’entreprise, un think tank proche de l’ex-CNPF devenu Medef, créé il y a quarante ans par Jean Chenevier, alors président de BP France, et François Dalle, à l’époque P-DG de L’Oréal.

À ses débuts, l’Institut de l’entreprise a la chance d’avoir à sa tête un animateur exceptionnel : Michel Drancourt, ancien rédacteur en chef d’Entreprise. Les dossiers qui le mobilisent sont alors l’emploi et la réforme de l’entreprise. Évidemment, l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 change la donne, et le ton, pour l’équipe de l’Institut. Son directeur de l’époque, François Périgot, met l’accent sur le thème de la compétitivité face à la mondialisation.

Durant les années 1990, le cercle de réflexion a du mal à se positionner : il connaît un changement de générations et voit apparaître la concurrence de nouveaux think tanks, dont l’Institut Montaigne créé par Claude Bébéar. L’heure est au recentrage vers une fonction de pôle de rencontre et de formation, orientation qui se traduira par la création de l’Institut des hautes études de l’entreprise. Un site Internet est créé, Melchior, pour fournir aux professeurs d’économie des ressources sur l’entreprise, souvent bien oubliée. L’arrivée à sa tête de Michel Pébereau, le président de BNP Paribas, donne à l’Institut un poids renouvelé dans le débat public, entre 2005 et 2010. En lui succédant, Xavier Huillard, le président de Vinci, décide de remettre l’accent sur l’entreprise, présente au cœur de la cité.

À travers ces évolutions d’hommes et de positionnement, deux révolutions intellectuelles s’étalent sur ces différentes périodes. Le passage d’une conception autoritaire de l’organisation à un management participatif, autour du facteur humain. Et l’émergence de l’entreprise française comme actrice autonome.

L’Intelligence de l’entreprise, 40 ans de réflexion patronale en France, Félix Torres. Éditions Manitoba/Les Belles Lettres. 284 pages, 23 euros.