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Idées

Malaise démocratique

Idées | Bloc-notes | publié le : 03.05.2016 | Catherine Barbaroux

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Malaise démocratique

Crédit photo Catherine Barbaroux

« Il n’est pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port », cet extrait d’une lettre de Sénèque si souvent rabâché mérite d’être repris tant il résume l’inquiétante réalité que nous observons !

Improvisation

On n’en finit pas de vivre au jour le jour les soubresauts de la loi travail, dont les multiples moutures, retraits, ajouts brouillent toute cohérence. L’erreur de méthode initiale – ne pas avoir consulté les partenaires sociaux au préalable – aboutit à un tête-à-queue digne des conduites les plus imprudentes : bâti sur un objectif de lisibilité, de simplification, de flexibilité et de sécurité juridique pour les entreprises, le texte s’est « enrichi » (sic) de garanties, de contraintes et de renoncements pour faire droit aux critiques, parfois fondées du point de vue des syndicats, qu’il avait suscitées. Avec, en prime, quelques « avancées », notamment pour calmer les manifestants les plus bruyants sans pour autant construire, notamment pour les jeunes, la réponse d’envergure que leur situation mériterait.

Faute de dosage équilibré entre flexibilité et sécurité, la loi, au sortir du débat parlementaire, risque fort d’être inopérante pour susciter l’envie d’embaucher des TPE-PME, ou pour relancer le dialogue au sein des entreprises. Et ce d’autant que, d’entrée de jeu, elle éludait la plupart des nouvelles difficultés ou opportunités posées par la mutation du travail et la nouvelle économie.

Contradictions

Plus grave encore, en ne respectant pas l’espace du paritarisme pourtant inscrit dans le marbre du Conseil économique, social et environnemental qui a accueilli plusieurs fois les « très grandes conférences sociales », l’État se déjuge. Le fondement de la démocratie sociale est de considérer qu’aucune solution pérenne ne peut être trouvée sur le fonctionnement des entreprises sans un accord. L’État fixe le cadre, les partenaires négocient, la loi entérine. Lancer des annonces sur le bonus-malus CDD au moment où les partenaires négocient la nouvelle convention d’assurance chômage, c’est soit leur couper l’herbe sous le pied, soit recycler une mesure déjà prise, sans résultats probants compte tenu des nombreuses exceptions.

Impuissance

Trop tardive, enfin, la loi ne produira pas les effets attendus sur la courbe du chômage. Et comme l’a été le projet sur la déchéance de nationalité, elle devient aussi le catalyseur d’un malaise démocratique qui s’exprime dès qu’une décision est délicate. C’est vrai pour le débat institutionnel (la floraison des primaires), l’aménagement du territoire (l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes), la lutte contre les discriminations (projet de loi égalité citoyenneté). Face à cette contestation qui s’exprime de manière persistante sans prendre, à ce stade, une ampleur bouleversante, l’addition de mesures désordonnées ne fait pas une vision. En attendant, on peut toujours méditer ce propos de Chung Hyun, artiste coréen qui expose jusqu’au 12 juin dans les jardins du Palais-Royal, un groupe de 47 sculptures de bois et de fer dit de « L’homme debout ». Il commente ainsi son œuvre : « Les hommes debout qui regardent vers l’intérieur symbolisent un cercle de discussion, ceux regardant vers l’extérieur sont à la recherche d’inspiration. » Ouvrons vite le cercle… !

Auteur

  • Catherine Barbaroux