logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Retenir les jeunes expat, pas si simple

Dossier | publié le : 03.04.2016 |

Moins regardants sur la rémunération ou le statut, les jeunes partis travailler à l’étranger ne sont pas pour autant dénués d’exigences. Pour les séduire, les entreprises doivent en tenir compte.

Dans la Silicon Valley, les probabilités de se faire débaucher sont élevées. Présent en Californie, Criteo l’a bien compris. Conséquence : son directeur compensation & benefits, Jean-Raphael Demol, se montre très vigilant sur les à-côtés de l’expatriation. Aide au déménagement, conseil en matière de taxes, assistance linguistique et interculturelle, outplacement pour le ou la conjointe… Le package se veut haut de gamme dans la start-up, au sein de laquelle l’âge moyen des équipes ne dépasse pas 32 ans. Les international assignees – les collaborateurs mobiles qui ont pour mission d’ouvrir de nouvelles entités – cotisent à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) et bénéficient d’une mutuelle. « On a même déménagé des chiens et des chats ! » assure le cadre.

Et pour cause, la fidélisation des juniors n’est pas acquise aux États-Unis. « Une fois qu’elle a obtenu sa green card, la génération Y n’hésite pas à changer d’employeur. Certes, un jeune à l’étranger coûte moins cher, mais il convient toujours d’investir dans la gestion de la mobilité internationale, même pour ces profils », prévient Alain Verstandig, directeur général de Net Expat, une société qui prépare et coache les expatriés et leurs proches. Selon PricewaterhouseCoopers, le nombre de salariés en mobilité internationale va augmenter de 50 % d’ici à 2020. Impossible de ne pas tenir compte de la génération Y, qui se retrouvera en première ligne. Revue des conditions à respecter pour retenir ces jeunes talents motivés mais volatils.

1 Un minimum de couverture sociale

Lors d’un départ en volontariat international, les fondamentaux de la protection sociale à la française sont préservés. « Comme l’assurance est souscrite sur l’ensemble des VIE, nous proposons des tarifs avantageux adaptés à cette cible : moyenne d’âge très basse, durée d’expatriation courte, peu ou pas de dépenses liées à la famille, tout en maintenant une couverture large », explique Chantal Serabian, directrice du développement chez April International, prestataire de Business France sur la protection sociale des VIE.

C’est ensuite que ça se corse. Certes, la couverture santé et retraite à la française est loin d’être la priorité numéro un des plus jeunes expatriés (voir encadré). Mais avec les années, leurs besoins changent. Notamment quand ils veulent fonder une famille. « Si une entreprise veut garder un bon profil de VIE sur place, elle a tout intérêt à lui proposer une couverture sociale au moins équivalente à celle des VIE », confirme Chantal Serabian. D’autant plus que les employeurs doivent veiller à respecter les principes d’égalité et de non-discrimination à l’égard de leurs troupes, quels que soient leur statut et leur nationalité.

2 Des conditions de vie de bonne qualité

Gare aux conditions de travail sur place ! « À la fin de mon VIE, on m’a proposé un contrat local, que j’ai refusé. L’expérience était géniale mais je travaillais de 7 h 30 à 21 h 30. Je suis rentrée en France et j’ai trouvé très rapidement un poste dans une autre entreprise », raconte Juliette*, qui a travaillé au Mexique pour un équipementier automobile. « Je n’ai même pas eu envie de discuter d’un contrat local, confie Marie*, une ingénieure partie en VIE au Moyen-Orient en 2008. Je me suis retrouvée en colocation avec mon chef de chantier, un Indien qui n’avait pas l’habitude de travailler avec des femmes. Culturellement, c’était difficile », raconte-t-elle.

3 La lutte contre le syndrome Erasmus

Aventureux, les jeunes expatriés se montrent très sensibles sur le terrain de leurs liens avec la famille. Selon le baromètre 2016 Humanis, pour 90 % des moins de 35 ans, le contact avec les siens est ce qui manque le plus à l’étranger. « Les jeunes pensent qu’il est simple de s’installer à l’étranger parce qu’ils ont déjà fait une partie de leurs études ailleurs. C’est faux », explique Alix Carnot, directrice de la mobilité internationale chez Expat Communication. Celle-ci parle de syndrome Erasmus. « Le contexte n’a plus rien à voir, il n’y a plus ni soutien de l’université ni présence d’une communauté étudiante. Souvent célibataires, les jeunes doivent reconstruire leur vie personnelle. »

Ces publics méritent un accompagnement personnalisé équivalent, voire supérieur, à celui fourni aux familles déménageant à l’étranger. Un besoin que les entreprises sous-estiment pourtant, selon Alain Verstandig. « Elles ne les préparent pas du tout de la même manière que leurs aînés. Un séminaire en ligne d’une heure ne suffit pas ! » prévient le directeur général de Net Expat. Lui recommande même de poursuivre les efforts sur place : « Les entreprises les plus en avance font du mentorat. »

4 Une place pour la famille

Le mythe du jeune expatrié célibataire à vie est également un mirage. « À leurs débuts, les jeunes acceptent les contrats locaux, explique Nathalie Risacher, directrice des opérations chez Natixis CIB Americas. Puis, lorsqu’ils fondent une famille sur place, ils découvrent le coût élevé de la vie à New York, le prix du logement, de l’éducation. Faire venir leurs proches coûte cher. Ils aspirent souvent alors à rentrer en France. »

Refuser à un junior d’être accompagné par son ou sa petite amie sous prétexte que le couple n’est pas marié se pratique encore, bien que certaines entreprises aient assoupli leur politique. De même, beaucoup limitent encore le soutien du conjoint à quelques cours de langue. « Il y a quelques années, on considérait qu’il suffisait d’occuper la femme accompagnant l’expatrié. Mais désormais, les entreprises développent l’outplacement », indique Suzanne Seran, avocate spécialiste de l’expatriation chez RHExpat Avocats. « On s’arrange parfois entre DRH pour faire partir des couples à l’étranger », témoigne Jean-Marie Lambert, DRH de Veolia. Pour les profils les plus prometteurs, l’entreprise est même allée jusqu’à offrir un voyage « de reconnaissance » pour envisager une double carrière sur place.

Protection sociale, le grand flou

Plus que les autres, les jeunes expatriés français se sentent perdus en matière de protection sociale. Selon le dernier baromètre Humanis, 42 % des expatriés de moins de 35 ans se déclarent « pas du tout informés » sur leur couverture santé-prévoyance. C’est aussi le cas pour 37 % en matière de retraite, un sujet pourtant capital. « Il faut leur donner des armes sur la protection sociale », souligne Sylvaine Emery, directrice des activités internationales et outre-mer d’Humanis. Plusieurs raisons expliquent ce défaut d’information. D’abord, le manque de curiosité des intéressés. « Ce n’est pas leur préoccupation », affirme, comme beaucoup d’autres, le DRH de Veolia, Jean-Michel Lambert. « Certaines entreprises en profitent pour ne leur laisser que le minimum du régime local, notamment en matière de retraite. C’est le jeu de la négociation. On leur dit qu’ils ont déjà de la chance d’avoir obtenu un poste à l’étranger », explique l’avocate Suzanne Seran, spécialiste de l’expatriation. Autre facteur, la difficulté à se projeter : passer quelques années à l’étranger ou s’y installer durablement implique des choix de couverture différents. « À l’étranger, il faut être acteur de sa protection sociale. C’est beaucoup plus simple pour un Australien que pour un Français, habitué au système national », remarque Aude Besnaïnou, experte en mobilité internationale chez Mercer. Forcément, les juniors n’échappent pas à la règle…

* Le prénom a été modifié.