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Les premiers pas des branches professionnelles

Dossier | publié le : 03.03.2016 | N. L.

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Les premiers pas des branches professionnelles

Crédit photo N. L.

Aider les PME à évaluer et à prévenir la pénibilité grâce à des référentiels ou des guides, c’est le gros enjeu des branches professionnelles. Un défi que peu d’entre elles ont commencé à relever, même si quelques bonnes pratiques émergent.

Dans de nombreuses branches professionnelles, la situation devient de plus en plus inconfortable pour les fédérations patronales. Relayant l’hostilité de leurs confédérations (Medef, CGPME, UPA) au nouveau dispositif pénibilité, celles-ci rechignent à s’emparer du dossier, alors que leurs entreprises adhérentes les pressent de mettre au point des outils d’aide.

Laboratoire du social, la métallurgie ne fait pas exception : si la branche dispose de guides d’évaluation issus de la réforme des retraites de 2010, l’UIMM ne se montre guère volontariste sur le sujet. Son président, Alexandre Saubot, également vice-président du Medef chargé du social, ne veut pas donner l’impression de cautionner un dispositif dont il réclame avec constance la disparition. Même état d’esprit à la Fédération française du bâtiment, à la fois cotisante au Medef et pilier de la CGPME (elle aussi très remontée contre le C3P) : ses dirigeants refusent pour l’heure de préciser leurs intentions, alors même que le secteur dispose d’un atout de taille pour faire face aux nouvelles obligations : l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics. Ce qui n’empêche pas les structures patronales de la construction de plancher discrètement sur le sujet.

De fait, les représentants des employeurs dans les branches ont tout intérêt à élaborer des référentiels sectoriels homologués, clés en mains et opposables juridiquement, pour permettre aux entreprises d’identifier rapidement les postes, les métiers ou les situations de travail exposés à la pénibilité, sans passer par des évaluations individuelles. En dehors des grands groupes, déjà tous prêts ou presque, les PME sont en effet démunies et très demandeuses. Difficile de ne pas leur rendre service alors que se profile, en 2017, la mesure de la représentativité patronale !

Avec sa myriade de TPE, le commerce de gros n’a pas attendu les derniers décrets, fin 2015, pour se mettre en ordre de marche. La CGI, sa confédération, a décidé en septembre dernier d’élaborer un référentiel avec 24 de ses 56 fédérations adhérentes, représentant 36 000 entreprises et 400 000 salariés. « Nous avons rapidement fait le constat que les fonctions commerciales et administratives n’étaient pas exposées à la pénibilité, contrairement aux métiers logistiques, comme les manutentionnaires, les caristes ou les chauffeurs-livreurs, qui regroupent 30 % des effectifs, relate Isabelle Bernet-Denin, secrétaire générale de la CGI. Puis nous avons établi une liste de 40 entreprises représentatives de la diversité de nos activités pour procéder à des audits de terrain. »

Outil gratuit

Des audits confiés à Didacthem, cabinet spécialisé en prévention santé. « Nous avons réalisé ces audits par l’observation et la mesure dans les situations réelles de travail, échangé avec des salariés, des managers, des RRH, des membres de CHSCT, en tenant compte de trois groupes de paramètres, détaille Bernard Cottet, son directeur général. D’abord, la mesure des expositions selon les seuils définis par la loi. Ensuite, les données spécifiques à chaque entreprise, comme la nature des sols qui atténue ou amplifie les vibrations mécaniques. Enfin, les mesures de prévention mises en place, qui font varier le niveau d’exposition. »

Début avril, un logiciel permettra de recenser les profils types de salariés exposés, par métier et par tâche, et de leur associer des niveaux moyens d’exposition, en tenant compte du temps consacré aux tâches pénibles. Le référentiel réalisé sera mis à la disposition des entreprises adhérentes, le coût de l’ensemble de la démarche – 180 000 euros – étant financé en grande partie par les acteurs prévoyance du secteur (AG2R, Malakoff Médéric et Humanis).

La Fédération française des professionnels du verre (FFPV) a adopté une approche similaire dans le secteur de la miroiterie. Depuis juillet dernier, elle propose un outil gratuit et prêt à l’emploi à ses 300 adhérents, qui emploient 11 000 salariés sur les 16 000 de la branche. À la suite d’un audit sur les principaux métiers de la branche réalisé, là encore, par Didacthem. « Les entreprises saisissent le nom du salarié, le temps passé sur les tâches identifiées comme pénibles, et les mesures de prévention individuelles déjà prises ou envisagées, souligne François Guitton, délégué général de la FFPV. Avec sept combinaisons possibles de polyvalence, selon le temps passé aux différentes tâches, comme le découpage, le façonnage et la manutention. » Coût : 40 000 euros, dont 30 % pris en charge par AG2R. Reste maintenant à ajuster l’outil pour intégrer les seuils de pénibilité des derniers décrets.

La démarche intéresse la métallurgie, le bâtiment et la céramique, qui sont déjà venus se renseigner. Dans la chimie, les fédérations patronales ont décidé de construire un référentiel sans audits de terrain, mais en s’appuyant sur leurs experts internes. Depuis septembre, plusieurs groupes de travail, composés notamment de responsables RH et d’hygiène-sécurité-environnement d’entreprise, évaluent l’exposition à la pénibilité des 120 métiers de la branche. « Nous souhaitons aboutir avant le 1er juillet, sous la forme d’un arbre de décision simple, que les entreprises pourront utiliser sans devoir procéder à des mesures individuelles, explique Laurent Selles, directeur des affaires sociales de l’Union des industries chimiques. Mais les précisions réglementaires sur les produits chimiques sont particulièrement complexes, ce qui ne nous facilite pas la tâche. »

Sans les syndicats

Si les secteurs du machinisme agricole et des distributeurs de boissons ont réussi à conclure un accord sur la pénibilité, les référentiels se construisent sans les syndicats dans la plupart des branches proactives. Ce qui accroît les risques de contestation sociale. « Faute de temps » ou « compte tenu d’un dialogue impossible sur le sujet », se défendent les représentants patronaux. Pour les branches en réflexion, la date butoir du 30 juin 2016 pour l’homologation des référentiels semble d’ores et déjà impossible à tenir. Reste que l’administration peut toujours accorder un sursis, les branches pouvant aussi faire le choix d’un simple guide d’évaluation (non opposable). Par ailleurs, les PME ont jusqu’au 31 janvier 2017 pour se munir d’un dispositif opérationnel permettant la transmission de leurs déclarations d’exposition aux nouveaux seuils de pénibilité.

Les cotisations des entreprises

Les employeurs acquittent d’ores et déjà une cotisation de 0,1 % sur les rémunérations versées aux salariés exposés à un facteur de pénibilité et de 0,2 % pour les polyexposés, pour les contrats de travail d’au moins un mois. Des taux qui seront doublés l’an prochain. Une deuxième cotisation sera due à partir du 1er janvier 2017 : elle s’élève à 0,01 % des rémunérations de l’ensemble des salariés, qu’ils soient exposés ou non à des facteurs de pénibilité et quel que soit leur contrat.

Les facteurs de pénibilité

Les quatre premiers facteurs de pénibilité sont entrés en vigueur en janvier 2015 : travail répétitif, en horaires alternants, de nuit et en milieu hyperbare. Les six autres prennent du service le 1er juillet, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016 : bruit, postures pénibles, manutentions manuelles de charges, produits chimiques, vibrations mécaniques et températures extrêmes.

Auteur

  • N. L.