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L'inéluctable fusion des régimes

Dossier | publié le : 01.12.2000 | F. C.

Entre les accords du 25 avril 1996 et le projet d'avenant que le patronat a posé sur la table des négociations le 24 octobre dernier s'esquisse une profonde réforme des régimes de retraite complémentaire des salariés du privé. Mais la « retraite à la carte » proposée par le Medef passe mal auprès des syndicats.

Deux chiffres en disent long sur les situations respectives des régimes de retraite complémentaire. En 1999, avec un taux de croissance élevé, l'Arrco, le régime des non-cadres, a accumulé 18 milliards de francs d'excédent, tandis que l'Agirc, celui des cadres, a affiché un résultat négatif de 676 millions de francs. Ce n'est pas une surprise. Côté Arrco, le relèvement de 50 % du taux de la cotisation contractuelle obligatoire (passé de 4 à 6 % entre 1996 et 1999) fait exploser les recettes. Les régimes des cadres, de leur côté, ont été affectés par plusieurs facteurs : des salaires d'embauche voisins du smic, même pour des diplômés, une croissance moindre du nombre de cadres, un décrochage du salaire moyen par rapport au plafond de la Sécurité sociale, des retraites liquidées correspondant à des salaires élevés obtenus pendant les années de croissance. De là à penser qu'on n'échappera pas à un rapprochement entre l'Arrco et l'Agirc… Mais à quelle échéance et selon quelles modalités ? C'est ce que tente aujourd'hui de définir en douceur le Medef, en accord avec les syndicats.

Les accords de 1996 ont marqué une première étape dans ce processus. L'unification du régime Arrco, l'établissement d'une solidarité financière avec le régime des cadres, la clarification de la notion de groupe (recouvrant des structures qui rassemblent des caisses de retraite, des institutions de prévoyance, des mutuelles…), l'harmonisation des paramètres de fonctionnement ont préparé le terrain. Le projet d'avenant proposé par le patronat en octobre 2000 permet de faire un pas de plus. Il reprend les trois principes inlassablement répétés par le négociateur patronal, Francis Bazile : il faut pérenniser le système des retraites, introduire la « retraite à la carte » et regrouper les structures.

Ça coince sur la retraite à la carte

Sur la pérennisation des régimes, tout le monde est d'accord. Sur les deux autres points, en revanche, les avis divergent. C'est particulièrement vrai pour l'idée de « retraite à la carte ». Dans l'esprit du patronat, cela passe par l'introduction de la « neutralité actuarielle ». En clair, en partant du principe que les cotisations n'augmentent pas et que les retraites ne baissent pas, il faut introduire un mécanisme conduisant à retarder l'âge de départ à la retraite au fur et à mesure que s'allonge l'espérance de vie. Mais sur la base d'un libre choix. D'une certaine façon, on en revient aux conclusions du rapport Charpin. À un détail près : dans les régimes complémentaires, l'âge de départ à la retraite est toujours fixé à 65 ans, ce qui pose clairement la question de l'avenir de l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF), un dispositif qui arrive à expiration à la fin de ce mois.

Ce régime avait pour mission, depuis 1983, d'organiser la prise en charge mutualisée du coût des retraites Agirc-Arrco entre 60 et 65 ans. L'ASF commençant à gagner de l'argent, tout le monde est d'accord pour ne pas toucher aux cotisations (1,96 % sur la tranche A et 2,18 % sur la tranche B) et pour remplacer le dispositif par un fonds de régulation qui assurerait l'équilibre des régimes. Bien évidemment, ce schéma passe mal auprès des syndicats qui y voient le moyen pour le patronat de remettre en cause la retraite à 60 ans. Ils n'acceptent la transformation de l'ASF qu'à la condition que soit ouverte la possibilité de partir à 60 ans sans abattement.

Vingt groupes au maximum dans trois ans

Quant au regroupement des deux structures de gestion des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco, la question se pose à deux niveaux. À celui de ces fédérations, tout d'abord : des mesures sont en effet proposées pour harmoniser les cotisations (intégration de la tranche 2 Arrco dans l'Agirc, suppression de la garantie minimale de points) et les prestations (régime des majorations familiales calqué sur le système Agirc, rachat de points pour des périodes de formation n'ayant pas donné lieu à cotisation) et pour faire converger les rendements et les réglementations et favoriser la mise en commun de certains services. Un groupement interrégimes, le Girco, sera mis en place à cet effet.

Paradoxalement, c'est peut-être moins ce rapprochement au sommet qui sera source de problèmes que les regroupements d'institutions. Car il s'agit d'aboutir, dans les trois ans, à la constitution de 20 groupes « au maximum » – on en compte plus de 40 aujourd'hui. Mais sur quelle base et avec quels objectifs seront-ils formés ? C'est là que le bât blesse.

Les syndicats savent bien que les économies préconisées par le Medef sur les frais de gestion et l'action sociale vont mettre les institutions en difficulté sur le terrain. Les dépenses dans ce domaine ont déjà été réduites de moitié durant les dix dernières années. Mais surtout, dans les institutions, on s'interroge sur la possibilité de concilier l'entrée en vigueur des 35 heures, la nécessaire amélioration de la qualité du service à l'usager et la perspective d'une activité débordante à partir de 2005 avec des enveloppes budgétaires qui ne permettent plus de recruter et d'investir. Constatant que les regroupements ont marqué le pas au cours des derniers mois, certains directeurs de caisse ne sont pas loin de penser qu'en serrant les cordons de la bourse le patronat veut précisément relancer et accélérer cette dynamique…

Auteur

  • F. C.