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Recherche moutons à cinq pattes pour métiers neufs

Dossier | publié le : 03.02.2016 |

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Recherche moutons à cinq pattes pour métiers neufs

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Difficile encore pour les RH de repérer les spécialistes du big data dont ils ont besoin. Les métiers sont mouvants, les profils atypiques et les diplômes quasi inexistants…

Il y a quelques semaines, le Cigref, le club des directeurs informatiques des grandes entreprises françaises, publiait sa nomenclature des métiers. Et pour la première fois apparaissaient les fonctions de data analyst et de data scientist. Une preuve que ces métiers commencent à être clairement identifiés dans les grandes organisations (voir encadré ci-contre). D’un point de vue opérationnel leur place semble donc désormais relativement établie.

Sur le plan des ressources humaines, en revanche, la situation reste encore confuse. Car ces métiers sont mouvants et exigent des compétences multiples. « Ils ne sont pas normés et ne portent pas toujours le même intitulé d’une société à l’autre, d’un CV à l’autre, ce qui rend plus difficile la tâche des recruteurs, explique Thomas-Alexis Cailleau, directeur digital et innovation chez Fyte. Pour trouver les meilleurs, il faut identifier les communautés et travailler son réseau. »

Personnalités hybrides

Sans surprise, les fiches de poste restent donc encore difficiles à établir alors que la demande explose. « Il y a une augmentation du nombre de postes ouverts dans le secteur des data. Mais le volume de candidats actuellement sur le marché ne permet pas de répondre à ces besoins. Par ailleurs, les directeurs des ressources humaines sont un peu perdus car il s’agit là de nouveaux métiers dont ils ont du mal à percevoir les profils. C’est pourquoi les recrutements se font toujours avec les DSI », observe Thomas-Alexis Cailleau.

Pour les services RH, pas simple de se repérer dans le maquis. Non seulement parce que les entreprises, en manque de visibilité, peinent à cerner leurs besoins. Mais aussi parce qu’il leur faut recruter des personnalités hybrides. « On demande à ces experts des data non seulement de savoir coder mais aussi de savoir communiquer. Ils doivent faire du marketing et concevoir des logiciels, ce qui nécessite une formation multidisciplinaire que l’on ne sait pas encore très bien construire », explique Jérémy Harroch, patron de Quantmetry.

Pour dénicher les moutons à cinq pattes, les réseaux sociaux constituent un bon territoire de chasse. Comme la cooptation. Mais certains postes peuvent aussi être pourvus en interne. C’est vrai notamment pour le CDO, le chief data officer, qui va superviser les grands projets de données dans l’entreprise. Parfois rattaché à la direction générale, il est issu souvent de la DSI. Dans tous les cas, il s’agit d’un senior, qui connaît bien l’entreprise et ses métiers. « Il faut qu’il ait un pouvoir de conviction pour se voir confier les données », argue un expert du sujet. Normal : un projet big data nécessite d’y avoir accès sans trop de restrictions, alors même que les directions opérationnelles rechignent le plus souvent à partager leurs secrets.

Inutile pour l’instant de trop compter sur le système de formation initiale tricolore pour dénicher les talents. En la matière, les enseignements demeurent relativement rares. Mastère spécialisé, master of science, MBA… les diplômes formant aux métiers du big data n’émergent que lentement dans les écoles françaises d’ingénieurs et de commerce. Chaque année, seules quelques dizaines de « juniors » sortent des promotions. Insuffisant. À tel point que certaines entreprises n’hésitent pas à créer leur propre formation (voir encadré ci-contre).

Pénurie à l’œuvre

Autre initiative, celle de Jérémy Harroch. Le patron de Quantmetry est l’organisateur du salon DataJob, dédié au recrutement des métiers des data. La dernière édition, qui s’est tenue en novembre 2015 à Paris, a montré l’intérêt pour la problématique avec 1 200 visiteurs et 32 stands. Pour lui, il s’agit presque d’un phénomène de mode. « Il y a un buzz sur ces sujets. Cela attire beaucoup de personnes, mais toutes ne sont pas forcément qualifiées », explique-t-il. Malgré tout, la pénurie est déjà à l’œuvre. « Le marché est tendu. On ne sait pas bien évaluer les salaires, ce qui provoque une petite bulle financière. Par ailleurs, il s’agit de profils qui ont une vision différente de l’entreprise », poursuit Jérémy Harroch. Les recruteurs ont donc tout intérêt à travailler davantage leur marque employeur pour les attirer. À l’instar des secteurs de la distribution ou de l’e-commerce, qui ne font pas suffisamment savoir leurs besoins.

Petit lexique des métiers big data

Le data scientist a pour rôle de conceptualiser les besoins des métiers, de trouver les données les plus pertinentes et d’assembler pour eux des algorithmes qui produisent des informations utiles.

Le dataminer valorise l’ensemble des données clients pour en faire un levier de création de valeur pour l’entreprise. Il analyse des masses de données hétérogènes pour en extraire de la connaissance utile à l’optimisation des offres et services de l’entreprise.

Le data analyst doit utiliser les techniques statistiques et les outils informatiques spécialisés afin d’organiser, de synthétiser et de traduire les milliers d’informations dont les entreprises ont besoin pour faciliter la prise de décisions.

L’architect data définit les standards relatifs à la nature des données, à leur collecte et à leur mode de stockage, et s’assure des modalités de leur tri, de leur intégration, ainsi que de leur utilisation.

Le data protection officer doit s’assurer que chaque traitement de données est réalisé dans le respect de la loi et faire en sorte que les personnes concernées par les informations collectées soient bien informées de leurs droits.

Les entreprises créent leur chaire

En 2014, Thales, Orange, Keyrus et l’École polytechnique se sont associés pour créer la première chaire data scientist. Au premier semestre 2015, 20 collaborateurs d’Orange avaient suivi la formation, une initiative supportée par les RH et le département recherche de l’opérateur. Car cette formation a clairement pour objectif de répondre aux besoins des entreprises, comme le rappelle Jean-François Marcotorchino, vice-président et directeur scientifique de Thales : « Cela nous permet de former du personnel. Et il y a un aspect image de marque de le faire avec Polytechnique. »