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Du recrutement prédictif à la gestion de carrières

Dossier | publié le : 03.02.2016 |

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Du recrutement prédictif à la gestion de carrières

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Identifier les meilleurs profils à l’embauche, analyser l’absentéisme, recenser les compétences réelles en interne… les données massives et les algorithmes sont de précieux appuis pour les RH.

Sur le papier, le recours au big data dans le secteur des RH est vaste. Recrutement, gestion des carrières et des compétences, alignement des capacités des collaborateurs avec les objectifs de l’entreprise… tels sont les problèmes sur lesquels réfléchissent les DRH. Les objectifs sont clairs. Certains sont classiques – déceler les profils rares ou ceux que l’entreprise ne parvient pas à trouver par les circuits classiques –, d’autres moins. Par exemple, comprendre des absences ou des difficultés. Mais aussi préparer l’évolution d’un collaborateur.

Optimiser les embauches

C’est dans le recrutement que sont lancés aujourd’hui la plupart des projets big data. En s’appuyant notamment sur les réseaux sociaux. « Peu d’entreprises sont allées au bout mais c’est une grande tendance. La plupart sont déjà équipées de systèmes de gestion des candidatures (ATS) et de la performance. L’analyse de la donnée, c’est la suite logique », explique Mickaël Cabrol, fondateur d’Easyrecrue.

Le big data va être utilisé pendant tout le processus de recrutement. En amont, d’abord, pour analyser les traits de personnalité des top performers. Pour des commerciaux, par exemple, il pourra s’avérer que les plus efficaces ne sont pas forcément les plus extravertis. Ou que ceux qui obtiennent les meilleurs résultats habitent à proximité de l’entreprise. « Les algorithmes permettent d’identifier les personnes ayant les meilleurs profils pour réussir dans l’environnement de l’entreprise, celles qui s’adapteront le mieux à sa culture et qui s’inscriront parfaitement dans le collectif de l’équipe. En dehors de toute considération de formation, de diplôme, d’expérience, de connaissance du secteur ou de compétences techniques », assure Jean-Christophe Anna, consultant. L’exploitation des données permet même d’imaginer des correspondances improbables. Si l’algorithme identifie, par exemple, que plusieurs individus sont devenus experts en marketing digital après avoir été consultants en conduite du changement, il proposera ces profils. Attention, néanmoins, à la remontée d’informations. Même si les données sont publiques, leur exploitation reste strictement encadrée. Les services RH doivent donc envisager ces projets avec leur département juridique.

En France, l’un des premiers grands projets RH est mené par Randstad. En septembre dernier, le groupe de travail temporaire a annoncé mettre en place une nouvelle solution qui cartographie les compétences correspondant à un besoin particulier dans un bassin d’emploi donné. L’entreprise dispose déjà de systèmes qui lui permettent de mettre en corrélation les millions de CV dans ses bases avec les offres qu’elle reçoit. Avec le big data, il s’agit d’utiliser les technologies de machine learning (l’apprentissage automatique) afin d’élargir les recherches sur des profils différents mais qui peuvent se révéler finalement adaptés au poste. Pour les entreprises, cette solution est aussi un moyen d’anticiper le reclassement des salariés.

Outre le recrutement, c’est pour la gestion des carrières que sont envisagés aujourd’hui les principaux projets big data. Car, pour les entreprises, en premier lieu les groupes internationaux, cette problématique est un vrai casse-tête. Certes, voilà bien longtemps que les directions ont systématisé les entretiens annuels d’évaluation ou de développement. Mais ces derniers restent souvent dans les placards, ou dans les bases de données, faute de pouvoir être exploités intelligemment. De même, peu d’employeurs évaluent finement l’efficacité des programmes de formation que suivent leurs équipes.

Analyser les signaux faibles

Cette dichotomie entre les compétences réelles des collaborateurs et celles dont les entreprises ont connaissance s’avère complexe. Par exemple lorsqu’il s’agit de remplacer une personne clé qui quitte l’entreprise. Ou lorsqu’il faut répondre rapidement à un appel d’offres ou à la demande d’un client sur un sujet nécessitant de mobiliser des expertises pointues.

Des difficultés que le big data peut aider à résoudre. Les entreprises disposent en effet d’un flot de données très diversifiées mais qu’elles sont incapables de croiser et d’analyser : le taux d’absentéisme, le lieu de résidence, les démissions dans un service… « Les verbatim des entretiens annuels permettent de détecter des signaux faibles, d’expliquer par exemple la démotivation de certains collaborateurs ou leur envie de changement », souligne Jérémy Harroch, P-DG de Quantmetry, une entreprise qui accompagne les entreprises dans leur stratégie big data.

La société Oracle a pour sa part proposé aux managers et aux RH des outils d’analyse capables de prédire le départ d’un collaborateur. Oracle a défini 200 données clés sur ce sujet – nombre d’années dans le poste, salaire, dernières formations, changements de manager, etc. « Cela permet de réagir avant même que le collaborateur ne réfléchisse à un départ. Pour lui proposer par exemple une hausse de salaire ou une implication dans un projet stratégique », indique Pierre Polycarpe, expert dans la gestion du capital humain chez Oracle.

Les pionniers Xerox et Rent a Car

Le groupe Xerox souhaitait modifier le recrutement de ses agents opérant dans les centres d’appels afin de réduire le turnover. L’entreprise américaine pensait que le nombre de départs baisserait si elle embauchait des candidats ayant déjà occupé ce type de poste. Erreur ! Après une analyse des données des candidats, elle a constaté que ceux qui restaient plus de six mois – le temps nécessaire pour rentabiliser la formation – n’étaient pas ceux qui avaient le plus d’expérience mais plutôt les personnes dotées d’une nature créative. Le profil type de l’agent a donc été retravaillé.

Avec d’autres critères, comme « vit près de son lieu de travail » ou « est membre de plusieurs réseaux sociaux ». Résultat : le turnover a baissé de plus de 20 %.

Rent a Car utilise, lui, le big data pour choisir l’implantation de ses locaux.

L’exemple vient encore des États-Unis où les entreprises n’hésitent pas à s’appuyer sur les grosses bases de données du marché pour mener leurs projets. En l’occurrence le loueur de voitures a travaillé avec Monster pour déterminer les villes américaines où implanter de nouvelles agences. Le but était de trouver des villes à la fois commercialement intéressantes et disposant de candidats qui soient conformes aux critères de l’entreprise. Monster a donc combiné les informations internes du loueur avec des données externes telles que le PIB local, le taux de chômage, les diplômés de la région, les coûts de recrutement, les salaires par fonction… Puis bâti un modèle de recommandations des meilleures villes cibles.

L’émergence des data RH

L’idée fait son chemin même si elle n’est pas unanimement partagée. De plus en plus d’entreprises jugent nécessaire de se doter d’un data RH capable de recruter des spécialistes et d’analyser les données RH issues du big data. « Les RH doivent accompagner les métiers. Il leur devient nécessaire d’avoir des compétences sur la donnée numérique », martèle Thomas-Alexis Cailleau, de Fyte. Jérémy Harroch, de Quantmetry, est plus circonspect sur l’émergence d’une telle fonction. Néanmoins « il va falloir donner des formations aux RH et mettre des process en place en coordination avec les métiers », note-t-il.