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Le coworking toujours tendance

Décodages | publié le : 03.02.2016 | Chloé Joudrier

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Le coworking toujours tendance

Crédit photo Chloé Joudrier

Dans un monde du travail qui encourage à la fois la coopération, l’entrepreneuriat et l’éclatement des lieux de production, les espaces de coworking fleurissent. Un phénomène qui séduit environ 10 000 personnes dans l’Hexagone.

À 10 heures, une bonne odeur de petit déjeuner envahit l’espace de travail. Un grand écran diffuse les dernières offres d’emploi qui défilent au son de la machine à café et des « bonjour ! » amicaux lancés par les travailleurs. Le ton est donné. Chez Numa, dans le centre de Paris, les locaux du rez-de-chaussée se veulent conviviaux et… gratuits. C’est ici qu’a ouvert, en 2008, le premier lieu français de coworking. Suivi par beaucoup d’autres. L’Hexagone en compterait aujourd’hui plusieurs centaines, accueillant environ 10 000 actifs. Ce phénomène récent et en pleine expansion a d’abord séduit Paris puis les grandes agglomérations, avant de se diffuser sur tout le territoire. Il se nourrit de la vague d’entrepreneuriat tricolore, de l’essor du numérique et de l’éclatement des lieux de travail.

Venu tout droit de San Francisco il y a dix ans, le coworking fait la part belle au partage, par opposition aux hiérarchies pyramidales. Partage des locaux, bien sûr, mais parfois aussi des projets ou des activités. Difficile, pour autant, de définir précisément le concept. « Le modèle est en mutation perpétuelle ; l’idée de départ est axée sur la collaboration, la communauté, mais il a beaucoup évolué », expliquent Anca Boboc et Jean-Luc Metzger, de l’Orange Labs Sense. Après avoir étudié le phénomène, les deux chercheurs ont établi un classement des motivations du coworker. « Il s’agit d’abord pour lui de rompre son isolement, puis de différencier vie professionnelle et personnelle et, enfin, de se créer des contacts », affirment-ils. Un constat approuvé par Christine van Geen, gérante du Lavoir, un espace de bureaux partagés situé à Rennes, sur les bords de la Vilaine. « Le travail collaboratif est assez secondaire, au départ. Les gens ont surtout besoin de sortir de chez eux et de ne pas être seuls », assure-t-elle. Une quête d’un « tiers-lieu », en somme, opérant une scission entre domicile et bureau. Ce que confirme bien volontiers Ezriel, installé chez Numa. « Le problème, c’est que chez moi, il y a un… frigo. Tentant ! Ici, je suis motivé et pourtant je n’ai parfois pas l’impression de travailler », confie-t-il.

Selon une étude du site bureauxapartager.com datant d’avril dernier, ce mode de travail serait en fait à la fois « créateur de business et de lien social » puisque 88 % des espaces voient des collaborations naître. « Celles-ci peuvent être soit amicales, soit professionnelles. Quand on est seul, on est en recherche d’interactions », approuve Lawrence Knights, cofondateur de Kwerk. Lui offre, à Boulogne-Billancourt, un vaste espace de 700 mètres carrés, en misant sur le bien-être et l’hospitality, son maître mot.

Traditionnel apéritif

On imagine les coworkers plutôt jeunes, exerçant une activité tertiaire émergente, spécialisés dans le numérique, la communication ou le conseil. Pas faux, mais réducteur. À entendre les professionnels, il n’y aurait en fait pas de portrait type. « Chez nous, l’âge moyen est de 35 ans. Mais nos 130 adhérents sont très éclectiques », assure Nicolas Bergé, fondateur des Satellites, à Nice. « Nous avons toutes sortes de travailleurs, des deux sexes et de tous âges : des ingénieurs, un illustrateur, un juriste », détaille Christine van Geen. « Les profils sociaux sont très variés, ça va de l’entrepreneur isolé à la boîte de 20 personnes. C’est tout l’intérêt de ce nouveau modèle de travail », abonde Lawrence Knights.

Pour faire vivre ses communautés, chaque espace développe ses propres recettes, qui vont du traditionnel apéro du vendredi soir aux cours de sport. Chez Numa, on organise par exemple des conférences, des débats et des déjeuners. Et des connectors se chargent d’accueillir, aussi, les derniers arrivés. « Nous sommes six bénévoles à nous relayer pour faire le lien avec les nouveaux », précise Manon, l’une d’eux. Chez Kwerk, on monte des événements chaque semaine. « Sans pour autant trop en faire, la difficulté étant de trouver le bon équilibre. Notre vocation première, c’est qu’une communauté prenne forme. Mais l’agiter reste un art subtile ! » confie Lawrence Knights. Incubation de jeunes pousses et mentoring sont aussi au cœur des préoccupations de nombreux espaces de coworking. « Nous accompagnons les nouveaux entrepreneurs avec Le Camping [renommé Sprint], notre accélérateur de start-up. L’objectif est de leur faire suivre une vraie formation », explique-t-on chez Numa.

Si chaque espace de coworking détermine ses prix, ceux-ci restent assez homogènes au sein d’une même zone d’activités. Comptez environ 350 euros par mois à Paris et 225 euros en province. Des locations à la journée émergent aussi de-ci, de-là dans l’Hexagone, avec des tarifs oscillant entre 20 et 25 euros. Dans tous les cas, pas d’engagement de long terme pour les intéressés, qui peuvent vider les lieux dans des délais courts. De quoi faciliter les allers-retours, les déménagements, les transferts d’une structure à l’autre. « Ce qui contribue à dynamiser les territoires », souligne Jean-Luc Metzger.

Tremplin

Faut-il voir dans le coworking une solution durable, permettant de créer de vraies communautés de travail à long terme ? Avec ses 83 postes occupés à 100 % et une longue liste d’attente, Lawrence Knights, de Kwerk, tranche : « La flexibilité est primordiale. Que les gens s’en aillent fait partie intégrante du modèle. Il s’agit d’une communauté, mais qui doit se renouveler. Nous aussi, nous avons besoin de nouvelles demandes et d’un flux constant de visites. » Tout comme Kwerk, les Satellites, à Nice, connaissent un turnover très significatif. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Depuis quatre ans, nous sommes passés de 7 à 130 personnes dans l’espace. Celles-ci restent en moyenne dix-huit mois », détaille Nicolas Bergé. La raison de ces départs ? « Soit les travailleurs partent pour aller vers de nouveaux horizons professionnels, soit le coworking n’est pas fait pour eux », poursuit le jeune gérant niçois.

Mais certains veulent aussi faire du travail coopératif leur quotidien, et s’y inscrire dans la durée. À l’image d’Anne-Charlotte Vucccino, professeure de yoga sur chaise, installée chez Kwerk. « Avec les cofondateurs, on a monté un projet. S’ils s’implantent ailleurs, à Paris ou à l’étranger, j’y développerai aussi mon activité », indique-t-elle. D’autres, nombreux, imaginent ce mode de travail comme un tremplin professionnel. Raphaël Jansem, lui aussi chez Kwerk, en est déjà à sa deuxième expérience. « Pour moi ce n’est pas une fin en soi. Mais je compte bien y rester un certain temps, peut-être jusqu’au jour où j’aurai suffisamment d’argent pour installer mon équipe dans des bureaux. »

Auteur

  • Chloé Joudrier