En France, il y a le chômage officiel, catastrophique comme chacun sait. Mais il y a un autre drame, plus pernicieux : celui des gens placés dans des postes où ils n’ont rien à faire. Selon Christian Bourion, l’auteur de ce livre dérangeant, cette situation toucherait 30 % des salariés français ! Autant de personnes en souffrance pour lesquelles ce spécialiste de la gestion du travail a trouvé un terme, pendant du fameux burn-out : le bore-out syndrom.

La question que pose cet essai en découle : « Que se passe-t-il quand l’activité est absente du travail ? » Dans l’interstice entre travail et chômage se glisse cet « impensé » : « une sorte de chômage qui serait discrètement inséré au sein du travail », note l’auteur. Il mentionne les métiers dans lesquels l’ennui est intrinsèque au poste : vigiles, agents de prévention, gardiens d’immeuble ou de musée, etc. Ils ont une utilité mais exigent une propension à supporter l’ennui que peu d’entre nous possèdent.

Quels sont les symptômes de ce bore-out syndrom ? D’abord, le sentiment de ne servir à rien, d’être inutile. Ensuite, la culpabilité d’être payé à ne rien faire. Enfin, la honte et la dévalorisation de soi.

L’essayiste étaie ces constats par des témoignages de salariés. Il analyse aussi les comportements qui sont liés à cette forme ignorée de la pénibilité. Parmi les stratégies d’adaptation, on voit apparaître de plus en plus l’usage d’Internet, par l’intermédiaire du chat ou de la consultation de sites de jeux « pour adultes ». Cela ne suffit pas à empêcher de graves dysfonctionnements mentaux chez les salariés touchés par le bore-out syndrom.

La seconde partie du livre tente de comprendre comment s’est répandue « l’épidémie ». Entre les deux excès de la surcharge de travail et de la vacuité, une chose paraît sûre aux yeux de Christian Bourion : « La régulation de la souffrance va devenir le problème numéro un des temps futurs. » Son constat, salutaire mais peut-être un peu exagéré, a le mérite d’alerter sur un danger bien réel. Que l’on cache comme une maladie honteuse, à l’heure du chômage de masse.

Christian Bourion. Éditions Albin Michel. 252 pages, 17 euros.