logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Édito

Le triste retour de la lutte des classes

Édito | publié le : 03.11.2015 | Stéphane Béchaux

Image

Le triste retour de la lutte des classes

Crédit photo Stéphane Béchaux

Le 5 octobre restera un bien sombre jour pour la démocratie française, qu’elle soit sociale ou politique. On savait que l’Hexagone pouvait être le théâtre de rapports de force musclés. Très musclés, même. Mais ce qui s’est passé à Roissy, lors du comité central d’entreprise d’Air France, dépasse l’entendement. Deux dirigeants malmenés, insultés, qui s’enfuient sous les huées, la chemise en charpie… Non, on n’avait jamais vu ça. Et nos voisins non plus, si l’on en juge la couverture médiatique internationale de l’événement. Pour dégrader encore l’image de la France auprès des investisseurs étrangers, on ne pouvait trouver mieux !

Le plus triste, dans cette histoire, n’est pas tant le comportement violent de quelques énergumènes. Personne n’ignore que, dans une foule en colère, les consciences s’endorment et les pulsions s’exacerbent. Si ces actes inadmissibles méritent d’être très sévèrement sanctionnés, leurs auteurs peuvent au moins invoquer, pour leur défense, l’hystérie collective au milieu de laquelle ils ont agi. Les leaders politiques et syndicaux qui, depuis, s’époumonent à les soutenir et les absoudre n’ont pas cette excuse. Jean-Luc Mélenchon, Philippe Martinez et tous les autres parlent, eux, à froid, loin des clameurs.

Et ce qu’ils disent fait froid dans le dos. À les entendre, ces actes ne seraient donc qu’une juste réponse à la « violence patronale » et au ras-le-bol des destructions d’emplois massives. Eh bien, allons-y, instaurons des seuils de légitime violence. Moins de 500 postes supprimés ? Des crachats. Moins de 1 000 ? Des gifles. Moins de 3 000 ? La chemise arrachée. À ce petit jeu-là, où s’arrête-t-on ? À quel niveau autorise-t-on le lynchage ? Personne ne contestera dans ces colonnes que certains dirigeants touchent des rémunérations choquantes, que d’autres incarnent un capitalisme financier sauvage. Mais combattre de tels comportements par la force n’est pas une option. Pas dans un État de droit.

Ces mêmes tenants du grand soir s’indignent qu’on puisse punir les gros bras du 5 octobre. En dénonçant avec force la « criminalisation de l’action syndicale ». Mais qui donc peut bien voir derrière ces exactions une quelconque « action syndicale » ? Assimiler ces comportements de voyous aux délicates missions que mènent les représentants du personnel dans les entreprises, c’est leur faire injure. Oui à la grève, à la pétition, à la négociation, au compromis, à la revendication. Mais non à la menace, à l’insulte, à l’intimidation, aux coups de poings. Sur ce dossier brûlant, les prises de position de la CGT sont particulièrement inquiétantes. En refusant de condamner sans ambiguïté les violences puis en boycottant la conférence sociale, Philippe Martinez cherche sans doute à ressouder ses troupes. Mais il conforte aussi et surtout la vieille CGT, celle de la lutte des classes.

Auteur

  • Stéphane Béchaux