Pour Jean-Paul Sartre, « l’enfer, c’est les autres ». Pour Éric Maurin, c’est plutôt ceux à qui fatalement on finit par ressembler. Et dans le domaine social, plusieurs expériences montrent l’efficacité de la pression exercée par le regard des autres. C’est même une des raisons qui a conduit à la domination de l’open space dans le monde des bureaux.

Une part du destin de la loi sur les 35 heures s’expliquerait aussi par des réflexes conformistes. Alors que cette durée légale n’a finalement touché qu’une minorité de salariés, elle a eu une influence beaucoup plus importante, du fait de la cohabitation sous un même toit de Français qui y avaient droit et d’autres qui n’en bénéficiaient pas. Parmi les hommes, par exemple, l’analyse révèle une baisse assez sensible du temps de travail des salariés dont la compagne se trouve dans une entreprise ayant conclu un accord de passage aux 35 heures.

Dans beaucoup d’autres domaines, on peut constater que le couple est devenu le lieu d’amplification des grandes évolutions de la société. L’Éducation nationale, de son côté, ne prend pas assez en compte les effets d’entraînement que les élèves exercent les uns sur les autres. L’importance de ne pas perdre ses amis peut ainsi fausser une partie des choix, pourtant si cruciaux, d’orientation scolaire.

Ces tropismes conformistes, Éric Maurin les traque également dans la politique du logement et la question des cités.

Aussi difficile soit-elle, la vie dans ces quartiers est parfois une manière d’éviter un « deuxième déracinement » que serait l’installation solitaire dans un milieu trop éloigné de sa culture d’origine. Des politiques publiques trop volontaristes allant en ce sens sont donc vouées à l’échec.

C’est la leçon plus générale de ce petit livre à l’usage de nos gouvernants : si l’on ne tient pas compte des conformismes sociaux, les réformes de société risquent de manquer une grande part de leur cible.

La Fabrique du conformisme, Éric Maurin. Éditions du Seuil. Collection « La République des idées ». 115 pages, 11,80 euros.