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Les nouveaux terrains de jeu des robots

À la une | publié le : 03.10.2015 |

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Les nouveaux terrains de jeu des robots

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Les robots investissent des univers professionnels très divers comme la santé, le bâtiment ou la logistique. Les conditions de travail et le rendement y trouvent leur compte. L’emploi, pas toujours.

Hôpital : épauler les soignants

Daisy prend l’ascenseur, laisse passer un brancard puis continue sa route. Avec Betty, c’est l’un des deux robots qui transportent depuis 2013 les endoscopes au CHU de Nantes. Médicaments, nourriture, linge, déchets, produits médicaux… Tout ce qui est transportable par l’homme peut l’être par un robot. Le monde hospitalier l’a bien compris, qui s’équipe de machines. À Nantes, la mise en place d’un centre unique de stérilisation a poussé la direction vers cette option : les deux robots complètent le travail des coursiers, qui se fait à heures fixes. « Une mission à la carte », selon le docteur Lepeltier, responsable du centre de traitement des endoscopes. « Cela a permis d’améliorer les conditions de travail car, hors des horaires des coursiers, les filles couraient pour chercher et rapporter le matériel », insiste Nathalie Bodet, cadre de santé. Une évolution positive qui ne s’est pas faite sans heurts, certains professionnels – les syndicats aussi – ayant vu d’un mauvais œil l’arrivée de ces machines suspectées de grignoter des emplois…

Pas d’opposition de la sorte au centre hospitalier de Dijon. En 2011, il s’est équipé de dix « tortues » parfaitement autonomes pour le transport du linge, des repas, des déchets organiques, du matériel à stériliser… « Un investissement de 1,2 million d’euros pour économiser sur du personnel peu qualifié – la plupart parti en retraite – et dégager des ressources pour le service de soins », explique Hubert Favelier, le directeur des affaires économiques et logistiques. Ces robots évitent du travail pénible et peu gratifiant. « Les logisticiens sont devenus de véritables assistants de gestion des stocks et non plus de simples manutentionnaires. Ils ont augmenté leurs compétences et sont mieux reconnus », note Clément Dentraygues, le responsable logistique.

Le centre hospitalier de Beauvais a poursuivi le même objectif en installant le robot Diane. Grâce au wifi, il transporte les poches de chimiothérapie. « Cela donne du temps pour les professionnels auprès des patients, ces tâches étant auparavant faites par des agents d’entretien, des aides-soignants, voire des infirmiers », affirme Marie-Agnès Laly, ancienne cadre de santé du pôle cancérologie. Le service informatique, lui, est monté en compétences. Diane effectue, par jour, dix allers et retours d’une vingtaine de minutes. Soit plus de deux heures dégagées pour l’équipe auprès des malades.

La tendance n’est pas près de faiblir, dans un contexte de contraintes budgétaires et de souci d’efficacité. Les hôpitaux s’équipent, comme dans leurs pharmacies internes où des automates trient, sélectionnent et conditionnent les médicaments pour chaque service. À Montpellier, c’est même la cuisine qui a été robotisée pour garnir les plateaux. Rendant ainsi du temps aux cuisiniers pour élaborer des repas à base de produits frais. Et redonnant du sens à leur travail.

M. J.

BTP : réduire la pénibilité

On s’attendait à les voir fleurir dans l’armée ou le milieu médical, pour lesquels ils ont été développés. Mais voilà que les exosquelettes – ces armures robotisées, qui donnent à leur utilisateur de nouvelles capacités physiques – s’immiscent sur les chantiers. Pour soulager les plâtriers chargés de restaurer 800 mètres carrés de plafonds du palace parisien Le Peninsula, Bruno Rondet, P-DG de SOE Stuc et Staff, a investi dans un harnais équipé de bras mécaniques. En doublant jusqu’au coude ceux de ses salariés, il les soulage du port des ponceuses à disque. Sans toutefois les déposséder du geste professionnel. « Rien ne remplace la main du plâtrier », commente le dirigeant.

En revanche, la pénibilité de la tâche a été diminuée de 80 %, aux dires des salariés, et la cadence sacrément augmentée. « Avant, les plâtriers étaient obligés de s’arrêter fréquemment, pour soulager leur nuque, leurs bras et leur dos. Équipés de l’exosquelette, ils travaillent plus longtemps. Le rendement est passé de 4 à 18 mètres carrés poncés par jour », précise Pierre Davezac, dirigeant de L’Aigle. Cette TPE de dix salariés, connue pour ses stabilisateurs de caméra, décline désormais vers d’autres secteurs ses bras mécaniques (entre 3 500 et 10 000 euros pièce) sous la marque Exhauss. La réduction de la fatigue, des blessures, des troubles musculo-squelettiques fait partie des avantages mis en avant. Avec « l’amélioration du rendement, de l’efficacité et du moral des équipes ».

S’ils ne font guère de pub, tous les grands – Bouygues, Vinci ou Razel-Bec – ont lancé des expérimentations in situ. « Les exosquelettes répondent bien aux spécificités du BTP, où les gestes sont moins répétitifs et standardisés que dans l’industrie et l’environnement, moins structuré. Il y a une multitude d’usages possibles », justifie Patrick Richard, directeur technique de l’OPPBTP, l’organisme chargé de la prévention dans le secteur. Il pronostique, « d’ici cinq ans, l’apparition de plusieurs centaines de petits exosquelettes simples, adaptés à certains métiers ou répondant à une famille de tâches. Par exemple, la manipulation d’outils dans des postures contraignantes ou le port de charges lourdes ». Les projets deviennent opérationnels. Ainsi celui de la société auxerroise RB3D, qui développe avec Colas un exosquelette muni de deux jambes mobiles pour soulager les ouvriers étalant les enrobés sur les routes. Commercialisation prévue en 2017.

Conscient de l’intérêt des entreprises, l’OPPBTP a lancé en Île-de-France, cet été, une étude sur les « transformations engendrées », avec la Fédération française du bâtiment et un service de santé au travail. Les interrogations sont multiples, des conséquences sur la santé, la gestuelle, les postures de l’utilisateur aux effets sur sa perception et son équilibre psychologique. Personne ne sait comment il supportera la fatigue mentale d’ajustement aux conditions de travail modifiées. Ni comment les collectifs de travail accueilleront leur collègue « augmenté ». En attendant les résultats, au premier semestre 2016, l’organisme fait déjà ses préconisations. Travailler avec un exosquelette ne s’improvise pas mais exige un apprentissage.

A. F.

La « robolution » à la rescousse de l’agriculture

« Les robots vont permettre de pérenniser notre agriculture et de la rendre plus attractive pour les jeunes. » Parole d’oracle ? Non, simple prévision de Christophe Debain, chargé de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea).

Dans cette activité, la phase de robotisation se met en place grâce à des technologies désormais quasi opérationnelles. L’Irstea a ainsi développé un « âne robot », appelé Baudet Rob, sorte de brouette 2.0 autonome, qui transporte des charges en contournant les obstacles dans les champs. De quoi soulager le travail pénible de l’agriculteur. Ce robot, qui devrait être commercialisé dans les deux ans, rejoindra son collègue Oz, de la société Naïo Technologies, dont une vingtaine d’exemplaires se trouvent déjà chez des maraîchers français. Sa mission ? Racler le sol et désherber entre les rangées de légumes. « L’idée, c’est de remplacer une personne sur une tâche pénible, mais pas sur un poste », assure Matthias Carrière, le directeur commercial. Oz (20 000 euros), dont il vante les mérites, permet à l’agriculteur de se concentrer sur des travaux moins durs et à plus grande valeur ajoutée. Une façon d’améliorer la productivité : 100 mètres de poireaux désherbés en cinq minutes au lieu de… deux heures ! Déjà très présente dans la traite des vaches – plus de 500 robots en Europe –, l’automatisation pourrait gagner les tâches d’épandage de phytosanitaires afin de gagner en précision et faire baisser les quantités utilisées. « Cela diminuera le risque de maladies professionnelles », ajoute Christophe Debain. Le chercheur voit dans le robot « le meilleur allié pour le travail de l’agriculteur ». M. J.

Maison de retraite : assister le personnel

Zora chante, lit le journal ou montre des mouvements de gymnastique. « Mais elle ne remplace pas le personnel soignant. Ce n’est pas sa vocation. Elle est présente à des fins thérapeutiques et pour créer de l’ambiance. » à chaque présentation du petit robot humanoïde, Fabrice Goffin, le directeur de la société belge QBMT conceptrice du logiciel intégré, répète les mêmes mots. Pour couper court aux craintes exprimées, qui sont « partout les mêmes ». La plupart des 160 exemplaires vendus depuis mi-2013, à 15 000 euros pièce, ont été acquis par des établissements belges et néerlandais.

Aujourd’hui, seule une petite dizaine de maisons de retraite tricolores, publiques ou privées, se sont lancées dans la robotique d’assistance. Pour la plupart, il s’agit encore d’expérimentations, pour un an ou deux. « C’est un projet pilote », souligne Nadia Cohen, directrice médicale chez Korian, le poids lourd du secteur avec ses 290 maisons. « Après les jeux vidéo ou sur tablette, le robot est un nouveau support pour faire renaître l’intérêt de nos résidents et un appui pour le personnel », précise Pascale Bouvier, responsable développement du groupe MBV (Mutuelle du bien vieillir). L’innovation a ses limites. L’autonomie du petit humanoïde n’excède pas deux heures, capacité maximale de sa batterie. Et le personnel reste à la manœuvre, pour l’activer, lancer les programmes ou interagir avec les résidents, lorsque ceux-ci engagent une conversation avec le robot. Les questions-réponses sont pianotées sur une tablette. « Zora est un assistant que nous téléguidons. On ne le laisse jamais seul avec les résidents », explique Fabienne, animatrice aux Balcons de Tivoli, au Bouscat (Gironde).

Il redonne aussi un peu de temps au personnel, qui peut le consacrer aux personnes âgées. « Quand le robot montre les gestes de gymnastique, à la place de l’animateur, celui-ci peut se déplacer auprès des résidents pour corriger leurs mouvements », commente Patrice Goffin. Il voit dans la robotique d’assistance « l’occasion de diminuer la pression reposant sur les épaules du personnel soignant ». Pour lui, le « grand remplacement » que beaucoup craignent demeure de la pure science-fiction. « L’intelligence artificielle n’existe pas encore », martèle-t-il. Parole de président de la Fédération belge de la robotique.

A. F.

Logistique : augmenter la cadence

Sur le nouveau site logistique de Leclerc, ouvert à Châlons-en-Champagne (Marne) le mois dernier, la manutention a vécu. De la réception des marchandises à l’expédition des commandes, tout est quasiment automatisé. Seuls le chargement-déchargement des camions, le défilmage des palettes et la manipulation d’articles à géométrie variable exigent les bras des opérateurs. « La préparation des commandes n’est plus qu’à 5 % manuelle, alors qu’elle l’est intégralement dans nos entrepôts classiques », commente Olivier Fâche, directeur de la centrale gérant le site, la Scapest.

Avec à peine 120 salariés, cette véritable usine délivrera 350 000 colis par jour. L’équivalent du volume traité hier par trois entrepôts. Difficile d’évaluer les suppressions de postes, entre baisse du nombre d’intérimaires et redéploiements vers d’autres sites. « Les conditions de travail ont été nettement améliorées », plaide Olivier Fâche. Il met l’accent sur les 30 emplois créés dans la maintenance et la cinquantaine d’opérateurs montés en compétence pour intervenir sur les nouveaux process.

Les progrès dans la robotique révolutionnent les entrepôts, en quête de nouveaux gisements de productivité, après l’installation des transstockeurs et autres convoyeurs automatisés. Kamido, dernier-né de la PME Siléane, est l’une de ses innovations. Grâce à un système de vision complexe, il peut attraper un produit en vrac dans un bac, en choisissant de lui-même l’outil le plus adéquat. Sitôt commercialisé, il a rejoint la nouvelle plate-forme des bijoux Maty, à Besançon. « Il ouvre la voie pour automatiser des process encore largement manuels, comme le picking de détail », assure Hervé Henry, P-DG de Siléane.

Chez Amazon France, ce sont les nouveaux robots Kiva qui inquiètent. Capables de déplacer les étagères jusqu’aux employés pour qu’ils retirent ou remplacent les produits, ils n’ont été introduits que dans certains entrepôts américains. Mais au printemps, la tension est montée d’un cran dans l’Hexagone, après l’apparition dans les salles de pause d’un livret expliquant les avantages de Kiva. « Amazon prépare les salariés français à l’arrivée de Kiva », estime la CGT, pour qui une cinquantaine sur 2 500 pourraient être menacés.

A. F.