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Le temps de travail des cheminots, un vrai cactus

Décodages | publié le : 03.09.2015 | C. A

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Le temps de travail des cheminots, un vrai cactus

Crédit photo C. A

Les partenaires sociaux du rail doivent entamer cet automne des négociations de branche sur l’organisation du travail. Un sujet explosif.

Le compte à rebours va bientôt commencer. Après les élections professionnelles de la SNCF, fixées au 19 novembre, les partenaires sociaux de l’ensemble du secteur ferroviaire vont devoir négocier la partie la plus délicate de la convention collective nationale, commune à l’ensemble des activités. Un sujet majeur pour la SNCF, soucieuse de défendre son modèle social. Mais aussi pour les acteurs privés du fret, qui craignent de voir leur rentabilité dégradée. Les négociateurs ont jusqu’à juin 2016 pour boucler le chapitre, ô combien ardu, de l’organisation et du temps de travail, comme l’exige la loi du 4 août 2014.

Les discussions promettent d’être rudes. Et concentrées dans le temps. Car ce cactus n’a pas été débroussaillé par anticipation, comme il aurait dû l’être dans le cadre d’un groupe de travail technique prévu à cet effet. « Nous avons proposé, en avril, une étude paritaire d’analyse des différentes règles applicables au ferroviaire. Mais certains syndicats ont refusé, ne souhaitant pas entrer dans une démarche de comparaison », explique Claude Faucher, délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Seul un « inventaire » élargi des règles existantes, allant jusqu’aux conventions collectives du BTP, de la métallurgie et du Syntec, sera présenté par un cabinet extérieur. Mais pas avant novembre ou décembre.

Étude sulfureuse

Les négociateurs syndicaux refusent d’entrer dans le débat des écarts de productivité entre le public et le privé. Un sujet irrecevable, au moins jusqu’aux élections professionnelles. Et pour cause. Les organisations patronales disposent, depuis juin 2014, d’une étude réalisée par le cabinet Eleven, défavorable à l’organisation du travail en vigueur à la SNCF. Commandée conjointement par tous les acteurs du secteur – soit l’UTP, la SNCF et l’Association française du rail (Afra), qui rassemble les entreprises privées –, elle taille en pièces le fameux « RH077 », à savoir le texte qui régit le temps de travail de l’opérateur public. Le document estime à environ 30 % le surcroît d’effectifs nécessaire à la SNCF pour faire circuler un train de fret par rapport à ses concurrents du privé, qui appliquent un autre accord de branche depuis 2008. L’écart s’élève encore à 18 % pour le transport de voyageurs sur les lignes à grande vitesse et à 15 % dans les transports régionaux.

En cause, toute une série de règles qui encadrent les horaires et jours de congé. Et qui, additionnés, ont pour effet de réduire considérablement le nombre de jours effectivement travaillés par les cheminots SNCF par rapport à leurs confrères employés dans le privé. Une convention collective calée sur les avantages du RH077 serait intenable pour les acteurs privés du fret, selon le délégué général de l’Afra. « Notre activité est extrêmement fragile. Nous arrivons à peine à tenir avec l’accord de 2008 », assure Jacques Malécot.

Mais les problématiques des 2 400 salariés du secteur privé n’émeuvent guère les négociateurs syndicaux, quasiment tous issus du public. Qu’ils soient réformistes ou radicaux. « Le RH077 est notre principe. Il est adapté à nos besoins de production, à la densité du trafic et au nombre de cheminots employés », affirme Jocelyn Portalier, de la CGT. « La direction ne nous a toujours pas expliqué en quoi le RH077 réduirait la compétitivité. On devrait plutôt optimiser l’organisation des roulements. C’est une problématique RH », ajoute Rémi Aufrère, de la CFDT. Du côté de l’Unsa, on se montre plus conciliant. « Il ne faut rien écarter, tant que la sécurité est assurée et que nous obtenons des compensations », estime Roger Dillenseger.

Face à ces positions, la direction des ressources humaines de la SNCF promet de s’adapter. « On a demandé au management de réfléchir à une organisation du temps de travail différente mais compatible avec l’existant », indique Jean-Marc Ambrosini, le DRH. Mais en la matière, pas sûr que l’entreprise ait les coudées franches. Sur ce dossier ultrasensible, le gouvernement n’hésitera pas à mettre son grain de sel, pour que les négociations ne dégénèrent pas en grève dure à l’approche de l’élection présidentielle de 2017.

Auteur

  • C. A