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Entretien avec Laurent Delmas, directeur général d’Edenred France

Décodages | publié le : 03.09.2015 | Sabine Germain

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Entretien avec Laurent Delmas, directeur général d’Edenred France

Crédit photo Sabine Germain

Comment avez-vous conçu la transformation numérique d’Edenred France ?

Accor Services a toujours eu une grande autonomie au sein du groupe Accor. Pour accélérer son développement, le management a considéré en 2010 que cette activité devait prendre son indépendance, car la responsabilité entraîne le mouvement. Nous avons donc créé Edenred. Pour que la dématérialisation aille plus vite, il a fallu susciter de l’adhésion. Nous avons pris le temps d’expliquer à tous les collaborateurs nos choix et les impacts sur nos métiers. Ce que nous avons fait avec la dématérialisation, nous le refaisons à présent avec les médias sociaux pour entraîner les commerciaux dans le mouvement du social selling.

La dématérialisation était déjà très avancée dans certains pays. Qu’en avez-vous retenu ?

De 2004 à 2009, j’ai dirigé la filiale britannique d’Accor Services, en plein lancement de sa première solution digitale. Je me suis rendu compte que le numérique est un levier extraordinaire pour une entreprise quasi monoproduit et B to B, telle qu’Edenred. Mais j’ai aussi compris qu’il impose une obligation immédiate de qualité. Nous avons fait le choix de concentrer nos efforts pour supprimer rapidement tous les sujets amenant les clients à contacter notre service client. Nous avons abordé cela de façon très factuelle, en analysant chaque appel, en identifiant les difficultés et en les réglant immédiatement.

Cette approche pragmatique est-elle votre ligne directrice ?

Dans un métier de service comme le nôtre, il est fondamental de rester à l’écoute des clients et des collaborateurs. C’est ce que j’ai retenu de mes huit ans passés en Turquie : à 28 ans, je suis parti créer un tout nouveau service, les Tickets Restaurants, dans un pays que je connaissais à peine. Ce qui m’a permis de surmonter les difficultés, c’est en partie le temps que je consacrais chaque soir à demander à chacun ce qu’il avait fait de sa journée, les difficultés qu’il avait rencontrées et la façon dont il envisageait de les résoudre.

Ce qui est possible dans une petite équipe devient plus difficile dans une entreprise de 700 personnes !

À 700, il n’est plus possible de discuter individuellement avec chaque collaborateur pour mobiliser les équipes. Mais il faut conserver un lien avec chacun. Je suis par exemple convaincu que chaque salarié doit avoir une vision claire de la stratégie de l’entreprise. En avril, je suis donc allé à la rencontre des 700 collaborateurs sous un nouveau format : par groupes de 70 personnes, nous avons organisé une dizaine de sessions d’échanges directs. Cela a été très intense mais j’ai été ravi de ces deux jours, avec le sentiment que cela a été utile. Aujourd’hui encore, je m’efforce de rencontrer les collaborateurs qui nous rejoignent. J’ai besoin de sentir qu’ils partagent notre culture : une certaine fibre entrepreneuriale et l’esprit conquérant qui nous porte depuis l’origine.

Comment les métiers sont-ils touchés par la dématérialisation ?

L’acte de vente a radicalement changé : pour passer à la carte Ticket Restaurant dématérialisée, une grande entreprise doit consulter ses partenaires sociaux. Cela signifie que les commerciaux ne s’adressent plus seulement au responsable RH, mais au DRH lui-même. Leur métier doit donc s’enrichir. Tout comme celui des conseillers client, dont nous avons redéfini les compétences pour construire un référentiel métier. Comme directeur général, j’ai toujours beaucoup écouté les DRH avec lesquels j’ai travaillé : c’est un enseignement tiré de mes trois ans d’expérience aux états-Unis, où la fonction RH est vraiment centrale.

Quel regard portez-vous sur le CICE et, plus globalement, sur la politique de l’offre du gouvernement ?

Nous avons bénéficié du CICE à hauteur de 500 000 euros environ, entièrement réinvestis dans la formation. Puisque la France n’a pas de pétrole, c’est par les idées qu’elle retrouvera le chemin de la croissance. D’autant que les salariés français font preuve d’un engagement extrême dans leur travail. Les Anglo-Saxons sont plus pragmatiques : ils envisagent leurs activités professionnelles sous l’angle de leur propre employabilité. C’est sans doute un signe de maturité, dont nous aurions intérêt à nous inspirer.

Laurent Delmas 51 ans

1992

Directeur général d’Accor Services Turquie.

2001

Directeur général d’Accor Services USA.

2004

Directeur général d’Accor Services Grande-Bretagne.

2009

Directeur général d’Edenred France.

Auteur

  • Sabine Germain