Issu d’un séminaire organisé au Collège de France les 5 et 6 juin 2013, cet ouvrage se veut une réflexion multiforme sur la notion de solidarité. Un concept riche auquel on peut donner plusieurs sens : celui, affectif, de la compassion ; celui, sacrificiel, de l’abnégation ; mais aussi ceux de l’action collective et de l’indépendance. « Le succès historique du “principe de solidarité nationale” n’est plus à démontrer note Alain Supiot dans sa préface à cet ouvrage collectif… mais ce succès paraît de plus en plus historique. » Par exemple, note le professeur au Collège de France, plutôt que de s’attaquer frontalement aux régimes de solidarité, on a sapé leurs bases financières, en rompant le lien entre le devoir d’y contribuer et le droit d’en bénéficier.
Participe, selon lui, à ce travail de sape le droit européen qui « envisage les législations sociales et fiscales des États membres comme des produits en concurrence sur un marché européen des normes ». Cette introduction est le morceau de choix du livre. Mais on y trouve aussi une lumineuse contribution de Pierre Musso sur la généalogie du concept sociologique de solidarité. Jean-Pierre Laborde confirme, lui, son sens du « parler juste » en tentant de recenser ce qui distingue la solidarité de l’adhésion ou de l’affiliation. La conclusion de sa contribution est un vibrant appel à résister au démantèlement de la Sécurité sociale.
D’autres articles mettent l’accent sur des formes plus exotiques de solidarité : celle de la Chine ancienne, sa version japonaise inspirée de la doctrine bouddhiste, la conception africaine fondée sur la réciprocité, ses variantes aux États-Unis, au Brésil ou en Inde. Plus proche de nos questionnements, Pierre Rodière dresse un état des lieux du droit européen en la matière. Solidarité par les normes, citoyenneté, Charte des droits fondamentaux, principe de coopération loyale entre États membres…, la solidarité version Union européenne s’avère protubérante et évanescente.
La Solidarité. Enquête sur un principe juridique, sous la direction d’Alain Supiot. Éditions Odile Jacob. 355 pages, 25,90 euros.
