Ah, la voilà enfin cette « grande réforme sociale » voulue par le président de la République ! On l’attendait, ce souffle, cette vision, cette ambition pour une France pleine d’allant, prête à relever les défis du IIIe millénaire. Et c’est vrai qu’on s’inquiétait un peu. Depuis trois ans, le chef de l’État se comportait en petit joueur, avec ses réformes rabougries, ses pas de deux, ses décisions chèvre chou. Le contrat de génération ? Génial. La complémentaire santé pour tous ? Super. L’instauration du compte pénibilité ? Splendide. La création de commissions paritaires interprofessionnelles ? Révolutionnaire. Mais bon, tout ça semblait quand même léger pour qui veut marquer l’histoire, laisser son empreinte.
François Hollande nous a finalement gâtés. Au lendemain de la débâcle des élections départementales, il a fait sienne sa devise de campagne. Oui, « le changement, c’est maintenant ». Pour de vrai. Transfiguré, le président courage nous a donc sorti de son chapeau le… compte personnel d’activité. Waouh ! Un projet fou, ce CPA ! Qu’on en juge : dans deux ans, nous, salariés, disposerons tous d’un espace unique, numérique, rassemblant toutes nos données : droits au chômage, points pénibilité et retraite, capital d’heures de formation… Inouï ! Quelle belle idée ! Quelle invention géniale ! Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Mettons-y aussi les titres-restaurants, les RTT, les journées pour enfant malade, l’actionnariat salarié, les remboursements de mutuelle, le catalogue de jouets de Noël du CE !
Soyons sérieux, arrêtons l’ironie. Mais qui peut donc défendre une telle approche ? Qui peut croire que le problème est pris par le bon bout ? On souhaite, d’emblée, bien du courage à ceux qui se chargeront d’interconnecter tous les systèmes d’information sur une même plate-forme. Qu’ils prennent donc langue avec les malheureux qui, entre 2007 et 2014, ont sué en vain pour bâtir un progiciel de paie unique destiné aux fonctionnaires. Un plantage monumental à 1 milliard d’euros…
Mais là n’est même pas la question. Le vrai sujet, c’est celui de la méthode. Un outil, si performant soit-il, n’a jamais tenu lieu de politique. Avant d’annoncer la genèse du CPA, encore faudrait-il définir une stratégie. Concevoir une réforme du marché du travail digne de ce nom. Voilà des années que les experts de tous bords affirment qu’il faut sécuriser les individus, pas les emplois. Fort bien ! Mais si l’exécutif veut se lancer dans cette voie, qu’il le dise. Et qu’il trace la route, si possible avec les partenaires sociaux. Telle quelle, l’annonce présidentielle est complètement à côté de la plaque. François Hollande nous vend la cerise, sans avoir concocté le gâteau. Ni même trouvé la recette.
