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Idées

Taylor subverti par les hackers

Idées | Livres | publié le : 07.03.2015 | J. M.

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Taylor subverti par les hackers

Crédit photo J. M.

On n’attendait pas Michel Lallement, sociologue enseignant au Cnam, sur le sujet très « mode » des hackers. Fruit d’une enquête sociologique, voire ethnographique, conduite dans la « Bay Area » de San Francisco, ce livre n’est toutefois pas si éloigné des thèmes de prédilection de ce spécialiste de l’analyse du travail. Car pour lui, les hackers constituent une des formes les plus dynamiques d’une nouvelle philosophie du travail. Celle du « faire », caractérisée par une volonté collective de chercher son épanouissement dans le travail à travers des pratiques autonomes et créatives : bidouillage, activités artisanales, bricolage…

Ce phénomène a suscité plusieurs travaux pionniers. Le géographe Richard Florida, par exemple, estime qu’une nouvelle classe sociale est en train de voir le jour, composée de scientifiques et d’ingénieurs, d’artistes et d’architectes, mais aussi de professionnels des secteurs des hautes technologies et de la finance. Tous ont pour point commun, résume Lallement, « de créer des biens et services riches d’informations et de sens nouveaux ». Les hackers et les tenants du « faire » vont encore plus loin : ils tiennent le travail comme une finalité en soi. Ils représentent des collectifs de travail spontanés et sans réelle hiérarchie, un peu comme les soviets dont avait rêvé Lénine.

En les étudiant sur le terrain, l’auteur veut esquisser « les rudiments d’une nouvelle grammaire sociale du travail ». Son histoire des hackers, sa description de leur fonctionnement et sa minutieuse analyse d’un de leurs lieux les plus fertiles, à Noisebridge, sont le plat de résistance de ce gros volume. À partir de cette somme d’observations, le sociologue affirme que le temps des utopies est revenu. « Les hackerspaces fournissent une illustration paradigmatique de ces poches alternatives où déjà fermente le nouveau monde », prédit-il. Celui du « travail pour soi », affranchi des règles et des contraintes d’un système tayloriste qui n’a toujours pas dit son dernier mot.

L’Âge du faire. Hacking, travail, anarchie, Michel Lallement. Éditions Seuil, collection « La Couleur des idées ». 442 pages, 25 euros.

Auteur

  • J. M.