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Décodages

Antoine Foucher, héraut du dialogue au Medef

Décodages | publié le : 07.03.2015 | Manuel Jardinaud

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Antoine Foucher, héraut du dialogue au Medef

Crédit photo Manuel Jardinaud

À 34 ans, il règne sur le social dans la maison patronale. Un poste clé pour ce nouveau directeur général adjoint, porteur d’une vision rénovatrice des relations sociales. Mais qui aura fort à faire pour convaincre les conservateurs.

Le nouveau patron du social, c’est lui. Bombardé, à 34 ans, directeur général adjoint du Medef, Antoine Foucher succède à un dinosaure, Dominique Tellier. Un vieux briscard autoritaire, resté dans la maison plus de trente ans, qui collectionnait les détracteurs au sein du patronat. Mais qui pesait très lourd grâce à son immense savoir en matière sociale. Aujourd’hui, Avenue Bosquet, le changement d’ère est manifeste. « Tellier avait construit un mur autour de lui », confie un cadre de la maison. Pas son successeur qui, lui, souhaite décloisonner et en finir avec le fonctionnement en silos. Recruté, en juin 2012, comme directeur des relations sociales, de l’éducation et de la formation professionnelle, Antoine Foucher se voit désormais en animateur d’un véritable pôle social, transversal, rassemblant les quatre directions dont il a la charge. Soit une cinquantaine de collaborateurs travaillant sur les sujets relatifs aux relations sociales, à la protection sociale, à l’éducation et à la formation professionnelle.

Sur le fond, les évolutions ne se font pas encore sentir. À petits pas, Antoine Foucher veut en effet insuffler une vision – mieux, une doctrine – pour moderniser l’économie française. « Nous devons conserver notre histoire sociale mais l’adapter au XXIe siècle en restant fidèles à notre héritage », explique ce licencié en philosophie et lettres modernes. Il plaide pour une « alchimie sociale » qui rendrait les entreprises plus compétitives en développant le travail collectif, basé sur des projets communs et partagés. Avec, en corollaire, une moindre place de la loi. Une vision très proche de celle du délégué général de l’UIMM, Jean-François Pilliard, vice-président du Medef chargé du social. Lequel confirme : « Nous considérons tous deux que le premier lieu du dialogue social est l’entreprise. » « Il ne s’agit pas d’inverser les normes mais de déplacer le curseur de la production de la règle vers le terrain », précise le nouveau DGA. En clair : favoriser la négociation en privilégiant les accords d’entreprise, avant ceux relevant des branches ou de l’interprofessionnel.

« Fougueux et idéaliste ».

La posture de ce duo intergénérationnel « avec une convergence d’analyse et de recherche de solutions », selon Jean-François Pilliard, s’avère nécessaire pour rassurer les plus libéraux, au premier rang desquels Geoffroy Roux de Bézieux. Pas simple. Porte-parole de l’aile des « entrepreneurs », le président du pôle économie du Medef n’a pas la réputation d’être un indéfectible défenseur d’une relation productive et apaisée avec les syndicats ! Autre dirigeant – et pas des moindres – à évangéliser, Pierre Gattaz. Depuis son élection, le président du Medef se montre plus concentré sur les questions économiques que sur les problématiques sociales. « Il faut réconcilier compétitivité et social », réaffirme pourtant, tout de go, Antoine Foucher. Comme pour faire passer un message à son patron. Tout en sachant fort bien qu’il va lui falloir déployer sur la durée ses talents de négociateur pour rallier les tenants d’une ligne moins progressiste au sein de l’organisation.

En est-il capable ? « Il sait trouver des idées, c’est un inventif », assure Franck Morel, avocat associé au cabinet Barthélémy. Ex-dircab adjoint de Xavier Bertrand au ministère du Travail, ce dernier l’a vu à l’œuvre Rue de Grenelle, entre 2010 et 2012, comme conseiller technique. Sa phrase préférée ? « On va trouver une solution », rapporte Florence Poivey, négociatrice en chef du Medef lors des négociations sur la formation professionnelle, fin 2013. « J’ai été impressionnée par cela lors de la négociation », poursuit-elle. Malgré son visage lisse de jeune cadre sans histoire, Antoine Foucher est déjà rompu aux dialogues musclés. « Il y a une analogie avec mon job initial d’administrateur au Sénat, au sein de la commission des Affaires sociales. Il fallait inventer de nouveaux droits et les faire accepter par la droite comme par la gauche », confie-t-il. « Il sait trouver des voies de passage et des équilibres parfois précaires », confirme Franck Morel, qui estime néanmoins que son ancien poulain gagnerait à mieux structurer sa créativité. Antoine Foucher aurait-il donc les défauts de ses qualités ? « Il est fougueux et idéaliste », estime Florence Sautejeau, directrice des affaires sociales de la Fédération nationale des travaux publics, qui apprécie l’homme et sa manière de travailler. « Il doit encore apprendre à écouter plus finement », abonde Florence Poivey, par ailleurs élogieuse à l’égard de son « sherpa ». « Il peut progresser dans sa connaissance des entreprises », complète Jean-François Pilliard, qui vante son souci d’aller au contact des adhérents.

Télétravail outre-Rhin.

À l’extérieur du Medef, ceux qui le côtoient forment un chœur plutôt flatteur à son propos. Ainsi de Marie-Françoise Leflon, la secrétaire générale de la CFE-CGC, qui esquisse un profil de « redoutable négociateur qui ne perd pas de vue les intérêts qu’il défend, tout en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de rupture ». Numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq retient, elle, trois qualités qui en font un partenaire de choix lors des négociations : « Franc, direct et carré ! » Tous vantent sa connaissance technique des dossiers, fruit d’heures passées dans son bureau de l’Avenue Bosquet : « gros bosseur », « force de travail rare », « engagement sans faille »…, Antoine Foucher ne récuse pas les qualificatifs : « Quand je me sens bien dans ce que je fais, je travaille beaucoup. C’est la contrepartie de mon exigence et du sens que je souhaite donner à mon travail. » Malgré tout, il a subi un premier échec de taille, avec la négociation avortée sur la modernisation du dialogue social, en janvier. « Je n’ai jamais autant travaillé de ma vie. J’ai vraiment un coup au moral », confie-t-il, au sortir d’un après-midi studieux à l’Unedic, où il siège comme administrateur.

Pour chasser les doutes, Antoine Foucher peut compter sur ses week-ends. Tous les jeudis soir, il s’envole pour l’Allemagne retrouver sa femme et son fils de 18 mois. Le vendredi, il télétravaille donc d’outre-Rhin pour pouvoir aller chercher son bambin à la crèche. Une situation dont il s’amuse : « Je contribue à faire que le Medef soit exemplaire sur l’équilibre vie pro et vie perso ! » Un succès non négligeable à mettre à son crédit. Et une preuve du souffle de jeunesse qu’il impose au patronat, qui a fait grincer les dents de certains vieux caciques.

REPÈRES

2007

Administrateur civil à la commission des Affaires sociales du Sénat, chargé de la politique familiale, du logement, du droit du travail et de la formation professionnelle.

2011

Conseiller technique de Xavier Bertrand, ministre du Travail, chargé du marché du travail et de la sécurisation des parcours professionnels.

2012

Directeur des relations sociales, de l’éducation et de la formation du Medef.

Auteur

  • Manuel Jardinaud