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David Gaborieau : “Les pathologies engendrées par le travail se multiplient”

A la une | publié le : 07.03.2015 | Éric Béal

L’entrepôt est-il le lieu d’une nouvelle forme de travail à la chaîne ?

Avec la disparition progressive des usines, il est l’un des seuls lieux où la part de la main-d’œuvre ouvrière est en augmentation par rapport à celle des cadres. Nous ne disposons pas d’information exacte, mais on estime à 500 000 le nombre d’ouvriers. Que ce soit chez les logisticiens, dans la grande distribution, l’industrie ou le commerce en ligne. Mais il ne s’agit pas de travail à la chaîne, même si les conditions de travail y sont très dures. Les préparateurs de commandes exercent un travail physique mais apprécient de se déplacer pour aller chercher les différents produits demandés.

En quoi consiste ce travail physique ?

Dans sa journée, l’ouvrier manipule 3 à 4 tonnes pour des produits non alimentaires et jusqu’à 10 tonnes quand il s’agit de fruits et légumes. Avec le développement de machines (chariot élévateur, filmeuse de palettes, commande vocale), les tâches se résument à des gestes de préemption et à des déplacements. Mais ils sont exécutés le plus vite possible pour atteindre les rendements donnant droit aux primes de productivité. Ce rythme engendre des TMS ainsi que des douleurs dans le dos ou les articulations. Les gens s’en plaignent, d’ailleurs, mais sans aller jusqu’à une action collective. Nombre d’entre eux ont eu d’autres expériences, ils ont le sentiment d’être moins exposés à des substances dangereuses, comme dans la sous-traitance nucléaire et l’industrie chimique.

La logistique recrute-t-elle ?

En permanence. Les préparateurs de commandes sont des ouvriers non qualifiés. Le turnover est important, avec des nuances suivant les secteurs et les entreprises. Mais on peut affirmer qu’un tiers des nouveaux arrivants part au bout de quelques semaines lorsqu’il se rend compte que l’activité est trop physique et l’ambiance trop dure. Les autres y restent quelques années, mais on trouve peu de salariés au-delà de 40 ans. Seule une minorité se définit comme pro de la logistique. La préparation de commandes est plutôt considérée comme une activité de passage, en attendant de trouver autre chose.

Comment les logisticiens gèrent-ils les fluctuations d’activité ?

Les pics d’activité sont une des caractéristiques du travail en entrepôt. Les trois mois précédant Noël pour l’e-commerce ; la rentrée, les soldes, les foires aux vins dans la grande distribution. Les responsables d’entrepôt recourent alors à l’intérim et n’hésitent pas à former de nombreuses personnes pour disposer d’une main-d’œuvre prête à travailler en cas de besoin. Mais les formations sont très basiques. Elles portent surtout sur la prévention des risques, la sensibilisation aux gestes et postures.

Il existe pourtant un baccalauréat professionnel logistique…

Exact. On « vend » la logistique aux jeunes comme un métier d’avenir, alors que ce n’est pas le cas. Surtout si l’on considère que les pathologies engendrées par le travail se multiplient. En particulier dans les entrepôts de la grande distribution où la commande vocale est utilisée depuis des années. Avec le renforcement de la législation en matière de santé et de sécurité au travail, les entreprises commencent d’ailleurs à investir dans des systèmes d’automatisation pour remplacer l’homme par la machine.

On ne peut donc pas faire carrière dans ce métier ?

En théorie si. Les préparateurs de commandes peuvent passer les Caces 3 et 5 pour devenir caristes. Les étapes suivantes les amènent à des postes de chef d’équipe, d’agent de quai chargé du contrôle des flux de marchandises et de directeur d’entrepôt. Les entreprises expliquent que la majorité de leurs managers de proximité est issue de la base. C’est vrai, mais aujourd’hui les progressions de carrière sont limitées car le développement des systèmes informatiques a réduit le nombre de postes qualifiés.

Auteur

  • Éric Béal