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C'est parti pour l'« e-outsourcing »

Dossier | publié le : 01.11.2000 | E. P.

Internet dope l'externalisation, surtout dans le domaine des achats. De l'automobile à l'énergie en passant par le bâtiment, les grandes entreprises organisent leurs places de marché virtuelles. Mais le big bang n'est pas encore pour demain.

À qui le tour ? Après l'automobile et la grande distribution, quelle alliance planétaire va se nouer sur Internet dans le domaine des achats ? Ces grandes manœuvres alimentent naturellement les phantasmes sur l'entreprise virtuelle, où il suffirait de cliquer pour sélectionner les fournisseurs, passer les commandes, effectuer les paiements en ligne ou recruter les futurs collaborateurs venus déposer leur CV sur le site Web. On n'en est pas là, même si Inter net a largement accéléré l'externalisation des différentes fonctions de l'entreprise.

« Internet dope l'externalisation ; il en accélère le processus. Mais, sur le fond, rien ne change : les raisons stratégiques de l'externalisation, à savoir la réduction des coûts, la recherche de flexibilité et le recentrage sur le cœur de métier, n'ont pas varié. Internet est un moyen d'aller plus loin, analyse Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l'ESCP-EAP. Il renforce les atouts de l'externalisation. Pour éditer son catalogue, par exemple, une entreprise comme La Redoute peut désormais renouveler une page par jour sans avoir à réimprimer l'ensemble », ajoute-t-il. Sentiment identique pour Thierry Muller, consultant chez Arthur Andersen : « Internet facilite et donc favorise le mouvement d'externalisation. En simplifiant les flux d'informations, en facilitant la communication entre clients et fournisseurs, dimension tout à fait essentielle dans un contrat de prestataires, Internet permet d'accélérer le processus. »

Les places de marché en ligne se multiplient

Achats, approvisionnements et tout ce qui relève de la comptabilité et de la paie sont les domaines qui ont le plus profité des nouvelles possibilités offertes par Internet. « L'approvisionnement électronique, l'e-procurement, s'est particulièrement développé ces derniers mois », relève Frédéric Fréry. Et, sur la Toile, les sites d'appels d'offres, tel Trade-Match.com, sur lesquels les entreprises peuvent se rendre pour sélectionner les meilleurs fournisseurs grâce à un sourcing international, ou les plates-formes d'échange, comme Hubwoo.com, qui permettent les passations de commandes et les transactions, se sont multipliés.

Depuis le début de l'année, les annonces de création de vastes places de marché en ligne, à l'initiative de grands groupes, se sont également succédé. En février, Ford, General Motors et DaimlerChrysler, rejoints par Renault et Nissan, ont créé leur plate-forme commune d'achats sur Internet. Un portail qui devait représenter le plus « grand marché virtuel au monde », selon ses promoteurs. Après l'automobile, c'est au tour de la grande distribution d'annoncer, au printemps, la création d'un carrefour d'affaires commun à Sears, Carrefour, Metro et Sainsbury pour rationaliser leurs approvisionnements. Du BTP à l'énergie en passant par les industries minières, tous les secteurs organisent leurs places de marché, dites « verticales », sur Internet. Il faut dire que les avantages attendus (réduction de la charge administrative, allégement des coûts de transaction, amélioration de la chaîne logistique) sont considérables. En lançant leur nouvelle alliance, Carrefour et Sears espèrent une baisse de 20 à 40 % du coût des transactions sur leurs approvisionnements.

Conséquence, les volumes d'affaires business to business via Internet, même s'ils restent encore modestes au regard de l'ensemble des échanges commerciaux, connaissent une croissance exponentielle : les prévisions de Forrester Research tablent sur 200 milliards de dollars en 2001, 700 milliards en 2003 et 1 300 milliards en 2004. Par comparaison, 900 milliards d'euros devraient circuler sur les places de marché européennes en 2005.

Une solution complémentaire

Faut-il en conclure que la fonction achats, comme toutes celles qui s'externalisent via le Web, est vouée à être totalement externalisée ? « L'e-outsourcing n'est encore qu'une solution complémentaire, précise Bertrand Quélin, professeur de stratégie à HEC. Je ne crois guère à la substitution totale. » « Tous les achats, toutes les négociations ne se feront pas sur Internet. Ce qui est stratégique restera en interne », prévient Jean-Claude Tran, manager dans l'unité e-procurement de la Cegos. Jean-Martin Folz, le P-DG de PSA, qui n'a pas rallié le projet des principaux constructeurs mondiaux, estime que seuls 10 à 20 % des achats de sa firme se traiteraient sur la Toile. « Le Net n'est pas une solution miracle. Externaliser via Internet suppose d'analyser au préalable son portefeuille d'achats : de voir sur quels segments de marché l'entreprise est compétente et lesquels elle peut passer sur Internet. Il lui faut aussi évaluer l'offre et les capacités des prestataires. »

Le big bang entraînant une reconfiguration de l'organisation des entreprises ne semble donc pas pour demain. « Certes, Internet accélère le processus d'externalisation. Mais il s'agit encore d'un mouvement lent, affirme Jean-Claude Tran. En France, beaucoup d'entreprises n'en sont qu'au stade expérimental. Et les fournisseurs ne sont pas tous prêts à venir sur Internet. »

Sous-traitez vos e-mails… par Internet !

Chaque jour, 5 milliards d'e-mails transitent par Internet. En 2002, ce chiffre sera multiplié par trois. En France, une étude de Netvalue de janvier 2000 portant sur les 400 directeurs des 2 000 premières entreprises françaises indique que chacun envoie en moyenne 16,9 mails par jour (et en reçoit 20,1). À ce rythme, on comprend que la gestion des services de messagerie devienne, pour les entreprises, un véritable défi. Quand ce n'est pas purement et simplement un casse-tête : plus les requêtes augmentent, plus les technologies à mettre en œuvre sont délicates. D'autant que les internautes ont tendance à « charger » leurs mails de fichiers joints, contenant images, graphiques, etc., toujours plus lourds à transporter dans les réseaux. Pour éviter de faire exploser leur serveur (qui n'a pas toujours été conçu avec la capacité de supporter le développement des échanges électroniques), les entreprises ont de plus en plus fréquemment recours à l'externalisation des services de messagerie. Outre-Atlantique, 60 % des entreprises auront externalisé leur messagerie en 2001. La France en prend le chemin. Mais les prestataires sont encore rares. Outrade.com, créé en octobre 1999 à Londres (et dont le bureau parisien s'est ouvert le 1er juillet 2000), ou encore Critical Path, jeune société de San Francisco lancée fin 1998, sont parmi les quelques sociétés à proposer ce type de services. « Notre plate-forme, qui représente un investissement de 150 millions de francs, permet de traiter 600 000 boîtes mails et peut ainsi s'adapter aux besoins, actuels et futurs, de nos clients. Nous leur garantissons une disponibilité 24 heures sur 24. Ce qui est un élément essentiel, car le coût des pannes et des défaillances techniques du serveur (entraînant perte de temps, envoi par fax ou par coursier d'une information, etc.) chiffre vite, explique Marc Drieux, président et directeur commercial d'Outrade.com à Paris. Nous proposons également d'autres prestations, telles qu'un service d'agenda, un service de “voice mail” et de “permission mail”. »

RTL a ainsi fait appel à Outrade.com pour l'envoi de sa « newsletter » spécial JO, éditée par le site RTLsport.com à l'occasion des JO de Sydney. « Au moment où le rédacteur en chef de RTL clique sur “validation”, le contenu de la lettre en ligne bascule chez nous. Nous nous occupons ensuite de router ces newsletters. Nous pouvons en diffuser plusieurs millions en une nuit », précise Marc Drieux. Avec l'explosion des « mailing lists », l'externalisation de ce type de service a de beaux jours devant lui.

Auteur

  • E. P.