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CHRISTINE ERHEL : “Le modèle européen de politique de l’emploi est loin d’être unique”

À la une | publié le : 02.02.2015 | Manuel Jardinaud

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CHRISTINE ERHEL : “Le modèle européen de politique de l’emploi est loin d’être unique”

Crédit photo Manuel Jardinaud

L’Union européenne porte-t-elle une vision libérale des politiques de l’emploi ?

Flexibilité et protection sont deux aspects qui ont toujours cohabité au sein de l’Union. Même si la première dimension apparaît prépondérante ces dix dernières années. N’oublions pas que la flexisécurité a été fortement portée par Bruxelles avec, au départ, une volonté d’équilibre. Si les aspects protecteurs se perdent en période de contrainte budgétaire, un dialogue entre les différentes directions de la Commission existe toujours. Le modèle européen de l’emploi est loin d’être unique.

Le cadre budgétaire européen influence-t-il directement les politiques nationales ?

La réduction des déficits pèse sur les politiques de l’emploi dans les États membres. Et les invite à opérer des arbitrages. Mais en France, cela n’a pas empêché de mettre en place les emplois d’avenir, une politique active de l’emploi qui ne répond pas forcément à l’injonction de baisse de la dépense. Par ailleurs, les politiques de dérégulation du marché du travail proviennent également d’autres acteurs internationaux. La Commission participe à la diffusion de ces idées, mais pas plus que l’OCDE ou le FMI.

Que fait l’Union européenne en matière d’emploi ?

Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, les lignes directrices concernant spécifiquement l’emploi portent sur la participation au marché du travail, la qualité de l’emploi, la qualification de la main-d’œuvre et la formation tout au long de la vie. Cette politique demeure indicative et non contraignante, la Commission regardant les trajectoires de chaque pays à travers des indicateurs mais sans possibilité de sanctionner.

L’absence de contrainte est-elle efficace ?

Je vais citer un seul exemple, celui du taux d’emploi des seniors. À partir de 2000, la mise en place d’un indicateur de suivi et d’un objectif à l’horizon 2010 avec un taux d’emploi des 55-64 ans au moins égal à 50 % a joué un rôle dans l’émergence de la question du travail des plus âgés dans les débats. Ce fut le cas en France. Au final, cela a eu une influence non négligeable sur les politiques nationales. En France, ce taux est passé de 29,9 % en 2000 à 39,8 % en 2010.

Existe-t-il d’autres éléments incitatifs en matière d’emploi ?

Deux autres outils font vivre la question de l’emploi en Europe. Tout d’abord, les rapports que les États membres doivent présenter régulièrement à la Commission concernant leur politique de l’emploi. Ils sont l’occasion d’une discussion entre les ministères concernés et les directions à Bruxelles. Ensuite, et c’est plus original, des programmes d’apprentissage mutuel existent sur ce sujet. Il s’agit d’échanges de bonnes pratiques entre administrations et experts. Cela a une incidence sur certains dispositifs, comme ceux concernant l’accompagnement des chômeurs. Des pratiques britanniques ou néerlandaises ont pu influencer les services de l’emploi dans d’autres États.

Ces actions semblent peu concrètes. L’UE n’intervient pas sur le terrain ?

Au contraire, l’Union agit directement via des directives qui, dans la majorité des pays, sont ensuite transposées dans la loi. Comme sur les discriminations, la parité, l’intérim et les emplois atypiques. La renégociation de la directive sur le temps de travail piétine, malheureusement. Elle intervient aussi à travers le Fonds social européen, qui vient en support de certaines politiques de l’emploi. S’y est ajoutée dans le contexte de la crise économique la garantie jeunes. Si chaque pays peut adapter ce programme, ses grandes orientations ont été discutées entre les États et élaborées à Bruxelles. Il ne faut donc pas négliger le rôle de l’échelon européen en matière d’emploi.

Auteur

  • Manuel Jardinaud