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Faut-il supprimer les retraites chapeaux ?

Idées | Débat | publié le : 29.12.2014 |

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Faut-il supprimer les retraites chapeaux ?

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Les polémiques sur les retraites chapeaux hors norme des dirigeants des très grandes entreprises ont défrayé la chronique cette année. Emmanuel Macron entend légiférer sur la question. Des voix s’élèvent pour réinventer un système de complément de retraite plus juste.

Emmanuelle Barbara Avocate associée, cabinet August & Debouzy.

Tout indique que la retraite chapeau, désignée comme l’un des symptômes des inégalités entre les Français, mérite d’être supprimée. D’ailleurs, ce processus implacable est en marche puisque, en sus des 24, 32 ou 48 % de contribution sur, respectivement, les primes, les rentes ou encore les provisions, s’ajoute une taxe due par les entreprises sur les rentes versées, qui passe de 30 à 45 % au 1er janvier 2015. Le régime prohibitif auquel sont soumis ces avantages collectifs rend la défense de ce système illusoire, mais il faut tenter.

La Dares note que la retraite chapeau a profité à plus de 1 million de salariés en 2009. Les rentes annuelles versées s’établissant entre quelques milliers d’euros et des centaines de milliers d’euros. En l’état, la formulation de la promesse fondée sur l’accomplissement de nombreuses années de service, adossée à la condition d’achèvement de la carrière dans l’entreprise, apparaît en soi anachronique à deux niveaux. Le nombre de postes occupés dans une vie professionnelle étant en augmentation chaque année, il en découle que l’on passe moins de temps dans la même entreprise. Dès lors, agir favorablement sur la fidé lité des salariés par une promesse de retraite est suranné.

De même, le turnover de ceux qui occupent un poste de direction générale est aujourd’hui tel sur de courtes périodes, comparées à celles des Trente Glorieuses, que le versement de retraites chapeaux est ressenti comme vidé de son sens et totalement injuste. La conjonction du raccourcissement des carrières dans la même entreprise et de la dégradation continue du taux de remplacement des retraites a joué à plein en défaveur de ce régime qui, pourtant, n’est pas dénué d’attraits.

Si les conditions d’attribution de la retraite chapeau ne sont plus pertinentes à l’heure actuelle, reformulons la promesse ! Le régime des retraites à prestations définies pourrait connaître un nouvel essor si l’on imaginait des critères compatibles avec l’économie contemporaine. Il s’agirait de faire la promotion du mouvement à la place de l’immobilité comme fait générateur de la promesse, tout en conservant un caractère aléatoire au versement de cette retraite. Plutôt que de la liquider, aménageons-la ! Supprimer ce qui choque n’apaise les rancœurs qu’un temps.

François Bellanger Vice-président de l’Adrese, l’Association de défense des retraites supplémentaires d’entreprise.

Pas une année – ou presque – ne se passe sans que les retraites chapeaux ne fassent scandale et ne créent la confusion avec les retraites supplémentaires d’entreprise, un système de complément de retraite utilisé depuis des décennies au profit de centaines de milliers de retraités, de l’ouvrier au cadre dirigeant.

Après Philippe Varin en 2013 et de nombreux dirigeants d’entreprise avant lui, la retraite chapeau de Gérard Mestrallet – P-DG de GDF Suez – est venue elle aussi nourrir la chronique. Son entreprise ayant provisionné 21 millions d’euros à ce titre. Ce chiffre choque. À raison. Il est surtout à l’origine d’un effet bien plus pervers : l’amalgame entre retraites chapeaux et retraites supplémentaires d’entreprise. Or, si ces deux mécanismes sont confondus par l’opinion publique, ils diffèrent largement. La retraite supplémentaire d’entreprise, dont la rente moyenne mensuelle est inférieure à 500 euros, est conditionnée à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise de son bénéficiaire. A contrario, la retraite chapeau est établie sur une base purement contractuelle, sans aucun lien avec la carrière, et est réservée aux mandataires sociaux, c’est-à-dire aux administrateurs des grandes entreprises.

Cette confusion a pourtant été à l’origine, en 2011, d’une surtaxation (7 à 14 % sur la base de l’impôt sur le revenu) des retraites supplémentaires d’entreprise à laquelle les retraites chapeaux ont échappé. Conséquences : une désaffection réelle pour ce système ainsi que 200 000 retraités (et bientôt 1 million de salariés) financièrement pénalisés par l’incongruité que représentent les retraites chapeaux.

À l’heure où Emmanuel Macron veut les encadrer, il faut peut-être, comme le propose Stéphane Richard (P-DG d’Orange), supprimer les retraites chapeaux d’un petit nombre de grands patrons. Il faut aussi profiter du débat pour réhabiliter les retraites supplémentaires d’entreprise. Et inventer celles de demain : des retraites supplémentaires portables d’une entreprise à une autre, comme l’imposera bientôt la législation européenne. Ce serait un système vertueux : il porterait en lui la réponse à des questions cruciales : la fidélisation des talents, le maintien d’un revenu de remplacement complémentaire pour les seniors et le financement sur le long terme de l’économie réelle dont notre pays et nos entreprises ont grandement besoin.

Serge Lavagna Secrétaire national CFE-CGC chargé de la protection sociale.

Les montants indéfendables des retraites chapeaux dont bénéficient certains « grands » dirigeants discréditent un système déjà condamné par le poids de la fiscalité qui le frappe. Il n’est toutefois pas inutile de rappeler que le montant moyen des retraites chapeaux est inférieur à 500 euros mensuels et que plus de la moitié des bénéficiaires perçoivent moins de 200 euros par mois. Surtout, le débat autour des retraites chapeaux ne doit pas occulter le problème bien réel de la diminution constante du niveau de retraite des cadres. Le taux de remplacement, qui correspond au rapport entre le montant du dernier salaire d’activité perçu et celui de la première pension de retraite, est le seul indicateur concret permettant aux salariés d’appréhender leur niveau de vie une fois leur activité professionnelle achevée.

La CFE-CGC n’accepte pas que l’encadrement soit confronté depuis des années à une baisse continue de ce taux de remplacement, beaucoup plus forte que celle des autres catégories de salariés. Les cadres ont des taux de remplacement plus faibles que les non-cadres, cela pour toutes les générations projetées de 1952 à 1992. Ainsi, les hommes cadres nés en 1952 ont un taux de remplacement net inférieur de plus de 10 points à celui des non-cadres de même génération.

À environnement constant, les taux de rem placement nets seront de plus en plus faibles au fur et à mesure des générations. Pour la génération 1992, il diminuera de près de 5 points pour les hommes cadres par rapport à ceux de la génération 1952 et sera inférieur de 12 points à celui des non-cadres de même génération !

La CFE-CGC est attachée aux régimes de retraite par répartition. Ils constituent un système solidaire qui assure un socle de garanties aux plus faibles revenus, mais qui ne peut se dispenser de porter des engagements pour tous. C’est pourquoi la CFE-CGC refuse une baisse programmée du taux de remplacement pour les cadres, qui décrédibilise notre système de retraite auprès des jeunes générations. L’enjeu de la négociation sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco qui va s’ouvrir dans les prochaines semaines, en février, consistera à pérenniser le système tout en assurant un niveau de vie à la retraite en proportion satisfaisante des revenus d’activité.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, et Michel Sapin, le ministre des Finances, veulent mettre un terme au système des retraites chapeaux, dont le montant est jugé excessif, tout en préservant le principe pour certains cadres.

Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) attendu en décembre doit proposer des pistes de réforme pour permettre au gouvernement de déposer un amendement lors de la remise du projet de loi pour la croissance et l’activité, en janvier.

Le code Afep-Medef paraît aujourd’hui complètement dépassé. Non contraignant, celui-ci recommande que la retraite chapeau soit limitée à 45 % de la rémunération de référence (fixe et variable) et soit soumise à un critère d’ancienneté d’au moins deux ans dans l’entreprise.

REPÈRES

500 EUROS

C’est le montant moyen mensuel des retraites supplémentaires d’entreprise.

45 %

Depuis le 1er janvier, la taxation additionnelle pour les rentes excédant 304 320 euros par an (soit huit fois le plafond de la Sécurité sociale) passe de 30 % à 45 %.