Après Copenhague, Bristol sera en 2015 Capitale verte européenne. La reconnaissance d’une stratégie de développement durable qui transforme la ville et attire entreprises et employés qualifiés.
Lorsque la ville de Bristol est nommée, il y a un an, Capitale verte européenne pour 2015, la municipalité exulte. « Les juges ont récompensé notre enthousiasme, notre ambition et les réalisations de ces dernières années », se réjouit le maire indépendant George Ferguson, figure de proue du mouvement écologique britannique. Une reconnaissance pas seulement symbolique : de fait, le prix est suivi du versement d’une bourse exceptionnelle de 170 millions d’euros de la part du gouvernement destinée à promouvoir le programme d’investissement énergétique de la ville, améliorer la qualité de ses logements, étendre ses espaces verts et s’assurer qu’elle reste « un centre d’excellence de la technologie verte ».
Plus que les projets prévus à l’horizon 2015, le jury a célébré la transformation de la sixième ville d’Angleterre, située dans le sud-ouest de l’île, jusqu’alors plus réputée pour sa scène artistique underground et son centre aéronautique établi autour du constructeur Airbus. « Nous produisons moins de déchets par habitant que toutes les autres villes anglaises, nous recyclons plus, nous consommons moins et nous avons le plus fort taux d’utilisation de vélos du pays, se félicite Alex Minshull, le responsable du service du changement climatique et du développement durable au sein de la municipalité. Mais il faut bien avouer que cette idée de ville verte lancée en 2007 était avant tout marketing. Il existait des villes de la culture, on s’est dit : tiens, pourquoi ne pas devenir une ville verte ? »
Pour y parvenir, les autorités s’appuient sur un terreau déjà existant. Dès 1971, l’association Friends of the Earth lance à Bristol un programme de recyclage des déchets, dont elle utilise les revenus pour isoler les logements de personnes âgées. En 1977, des routes cyclables vertes y sont créées par Cyclebag, devenu Sustrans, l’une des associations caritatives liées au transport les plus influentes du pays. Enfin, la Soil Association, créatrice en 1967 du premier certificat mondial d’authentification destiné aux produits écologiques, s’installe sur place en 1985.
Ainsi, lorsque la municipalité lance son programme de réduction des émissions de CO2 et de baisse de la consommation énergétique – via notamment l’isolation de dizaines de milliers de logements et le remplacement de systèmes de chauffage –, elle est soutenue par de nombreuses associations locales. « Pour les déchets, par exemple, nous nous sommes appuyés sur une initiative communautaire qui avait atteint une taille critique », confie Mareike Schmidt, responsable du département énergétique. Autre illustration de cette vague durable, la ville possède sa propre monnaie, le Bristol pound. « Le maire est désormais payé avec cette devise et, depuis le mois de septembre, on peut régler sa taxe locale avec, précise Philippa Bayley, membre du Green Capital Partnership. Cela oblige la municipalité à dépenser une partie de ses revenus auprès d’entreprises locales, ce qui a des répercussions directes et visibles sur les emplois et sur l’empreinte carbone des projets publics locaux. »
Gros point noir de la ville, la circulation automobile demeure ingérable et les embouteillages sont devenus légendaires aux heures de pointe. Les conditions de vie ont pourtant été largement améliorées par le développement des pistes cyclables, la limitation de la vitesse en ville à 32 kilomètres-heure, la multiplication des parcs, la réduction de la pollution, la rénovation du centre-ville et notamment de ses docks. Bristol figure aujourd’hui dans le top cinq des villes britanniques en termes de croissance économique, de créations d’entreprises et de qualité de vie. « Alors que les localités sont en concurrence pour créer des emplois et attirer les entreprises, elles doivent également réfléchir à devenir des lieux vivables et accessibles à pied, assure Jennifer Crozier, à la tête du Smarter Cities Challenge initié par la multinationale américaine IBM. Elles doivent comprendre que les employés compétents veulent vivre dans des villes durables. »
Bristol peut en témoigner. « Cela s’est révélé un avantage indéniable pour attirer les entreprises de services et les employés qualifiés », se félicite Stephen Hilton, le directeur du département municipal Bristol Futures. « Leur arrivée a enclenché un cycle vertueux : les diplômés de l’université ne quittent plus forcément la région pour s’installer à Londres et les entreprises viennent d’autant plus volontiers qu’elles savent qu’elles trouveront ici une main-d’œuvre qualifiée. »
Certes, le taux de chômage est toujours resté proche de la moyenne nationale, établi à 7,2 % selon la dernière estimation de mars 2014. En revanche, le niveau de qualification des Bristoliens ainsi que la qualité de leurs emplois dépassent de manière significative ceux de l’ensemble de l’Angleterre et des grandes villes alentour, Portsmouth et Southampton, Cardiff et Swansea. Plus remarquable encore, cette différence s’est affirmée en 2011, année déterminante pour la ville. Enfin, les pourcentages d’entreprises de plus de 50 et 250 employés sont également supérieurs à ceux de ses voisines et à la moyenne nationale. Ce cadre favorable a ainsi contribué à la création, en 2007, d’un partenariat capitalistique écologique composé de plus de 500 entreprises locales autour du projet environnemental, auquel elles ont promis une participation financière de 13 millions d’euros.
Être parvenu à ouvrir les robinets financiers des entreprises en cette période d’austérité confirme l’intérêt suscité par le projet vert. Et l’attente autour de ses retombées en termes d’image prévues lors de l’année 2015. Surtout que la mairie possède une autre corde à son arc : une zone pour entreprises située en plein centre-ville, autour de la gare principale. « Nous avons eu la “chance” de disposer de bâtiments en ruine et de vastes espaces non utilisés après la disparition de l’industrie du tannage, admet Alistair Reid, chargé de ce projet qui comprend aussi des logements. Cette position centrale nous permet de placer la durabilité au cœur de notre vision du quartier. Elle permettra aux gens de circuler aisément à pied, à vélo et en transports en commun. » Les 166 millions d’euros déjà investis marquent l’assurance des autorités de faire de cet espace écologique un jackpot sur le plan économique. Reste néanmoins à en faire aussi profiter les quartiers pauvres, où de très violents affrontements ont récemment opposé la police aux minorités ethniques.