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L’épargne salariale pour booster les retraites

Dossier | publié le : 03.12.2014 | V. D.

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L’épargne salariale pour booster les retraites

Crédit photo V. D.

Financer l’économie ou soutenir le pouvoir d’achat ? La remise à plat de l’épargne salariale s’annonce délicate. Avec toutefois une intention forte : l’orienter davantage vers la constitution d’un capital retraite.

Enfin ! Le calendrier de la réforme de l’épargne salariale, annoncée dès 2012 par François Hollande, se précise. La « remise à plat » de ces différents dispositifs d’association des salariés à la performance de l’entreprise (participation et intéressement) et leurs modalités de placement (actionnariat salarié, plan d’épargne d’entreprise, plan d’épargne retraite collectif) vont ainsi être intégrées au projet de loi de soutien à l’activité, présenté mi-décembre au Conseil des ministres. D’ici là, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (Copiesas), qui réunit toutes les parties prenantes sous la vice-présidence du député (PS) Christophe Castaner, devait remettre le 2 décembre ses préconisations. Quant aux partenaires sociaux, ils se sont fixé pour objectif d’accoucher d’une délibération sociale sur ce thème d’ici à la fin de l’année.

Les raisons d’un tel empressement ? D’abord, soutenir ce flux important de financement des entreprises au moment même où la collecte donne des signes d’essoufflement. Sur les quelque 104 milliards d’euros d’encours de l’épargne salariale recensés en 2013, environ 60 milliards d’euros sont investis dans l’actionnariat salarié et les supports en actions des fonds communs de placement d’entreprise. Or, depuis 2011, les versements et les abondements de l’employeur (11,7 milliards d’euros en 2013) se tassent sous l’effet de la crise mais aussi de la hausse de 8 à 20 % du forfait social intervenue en 2012, honnie des professionnels. A contrario, les déblocages (15,2 milliards d’euros) ont, eux, explosé de 35 % en deux ans sous l’effet des mesures de soutien du pouvoir d’achat et des besoins des ménages. Résultat, pour la première fois en 2013, la collecte nette d’épargne salariale a été négative de plus de 3,5 milliards d’euros, se désole le président de l’Association française de gestion financière, Paul-Henri de La Porte du Theil.

Mais, pour le gouvernement, la réforme de l’épargne salariale fait aussi partie des contreparties de son pacte de responsabilité et de solidarité. Au point d’en faire le sujet principal de la table ronde consacrée aux rémunérations de sa dernière conférence sociale. Au grand dam des syndicats, vu son inégale répartition : si 12 millions de salariés sont déjà couverts par un dispositif, 40 % des flux sont en réalité captés par 10 % d’entre eux, majoritairement issus de grands groupes. Il faut donc démocratiser ces dispositifs dans les PME, martèle le gouvernement.

Priorité à l’épargne longue

Comme il est impossible de courir deux lièvres à la fois, le gouvernement va devoir choisir entre ces deux objectifs : financer l’économie par de l’épargne bloquée ou soutenir le pouvoir d’achat des ménages. « En l’absence de réponse du salarié, le choix d’affectation par défaut devra toujours aller vers l’épargne », a tranché le Copiesas.

Tandis que les propositions se multiplient, certains axes de la réforme commencent néanmoins à se dessiner. Concernant l’élargissement des dispositifs dans les PME, par exemple, « les services ministériels travaillent à un taux réduit de forfait social applicable aux premiers accords signés », a indiqué le député. Sachant que, « vu l’état des finances publiques, une baisse généralisée du forfait social est exclue », a prévenu François Rebsamen, ministre du Travail. S’agissant de la simplification des dispositifs, Michel Bon, en tant que président de Fondact, a été chargé par le Copiesas d’émettre des propositions. Néanmoins, tous s’accordent sur la nécessité de revoir la formule de calcul de la participation pour l’adosser aux « vrais paramètres économiques de l’entreprise », souligne Lionel Tourtier, délégué général de Génération Eric, association de défense de l’épargne retraite.

De même, les professionnels du secteur mais aussi les organisations syndicales s’accordent pour privilégier une épargne longue, en commençant par lui réserver les avantages sociaux et fiscaux de l’épargne salariale (environ 2,4 milliards d’euros en 2013). Il faudrait réduire le taux de forfait social de 20 à 8 % en cas de placement sur un plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), prône ainsi l’Association française de gestion. D’autant que la retraite constitue déjà le premier objectif de 54 % des épargnants effectuant des versements, selon le sondage du Club de l’épargne salariale réalisé en 2013. Ce qui passe aussi par des mesures comme la suppression des déblocages exceptionnels de type juppette, sarkozette ou hollandette, ou encore le resserrement des cas de déblocage anticipé, estiment les auteurs du rapport Igas-IGF publié en juin. Mais l’Institut de la protection sociale va plus loin en suggérant de majorer de 8 à 18 % le taux de CSG-CRDS applicable aux sommes débloquées immédiates, au motif que « cela relève de l’arbitrage des seuls salariés », justifie Olivia Rault-Dubois, avocate associée du cabinet Fidal.

Éviter les placements risqués

Pour flécher davantage de flux vers le Perco, le rapport Igas-IGF suggère d’étendre à l’intéressement les modalités de placement par défaut concernant déjà la participation. Ce qui supposerait à tout le moins de rendre la mise en place d’un Perco obligatoire en cas d’existence de PEE, estime Jérôme Dedeyan, fondateur de la plate-forme Eres. On pourrait aussi accroître de 10 à 15 le nombre de jours de compte épargne temps susceptible d’y être transférés, observent Igas et IGF. Voir compléter le Perco « par un étage individuel non assurantiel, investi en OPCVM, sur le modèle des plans Riester allemands », suggère pour sa part l’Association française de gestion.

En revanche, concernant l’usage de ces placements, les premières pistes évoquées par le gouvernement sont loin de faire l’unanimité. Le fléchage accru des fonds d’épargne salariale vers l’investissement socialement responsable laisse dubitatifs de nombreux acteurs, vu l’hétérogénéité des pratiques qu’il recouvre. Pourquoi privilégier l’ISR alors qu’on pourrait aussi envisager la création de FCPE dédiés aux PME, s’interroge-t-on côté patronal. « Attention toutefois à ne pas faire supporter aux salariés des risques excessifs pour leur épargne », met en garde Paul-Henri de La Porte du Theil. Ce qui suppose de « réaliser de réels progrès en matière de participation de leurs représentants dans les conseils de surveillance des FCPE et d’accès à la formation des salariés », reconnaît François Rebsamen. Et qui, à tout le moins, nécessitera d’en prévoir les modalités de financement, rappellent Igas et IGF. Ce n’est pas gagné quand on voit déjà les tarifs ridicules pratiqués en France pour les frais de tenue de compte.

60 milliards d’euros des 104 milliardsd’encours de l’épargnesalariale ont été investisdans l’actionnariat en 2013.

35 % d’augmentationdes déblocages en deux ans.

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  • V. D.