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L’assurance chômage fait ses grands débuts au Maroc

Actu | Entretien | publié le : 04.11.2014 | Marie Cadoux

Les salariés marocains ayant perdu leur emploi pour raison économique sont désormais indemnisés. Une première, mais de niveau modeste.

C’est presque parti ! Début décembre, les salariés marocains verront apparaître sur leur bulletin de paie une nouvelle ligne de cotisation, celle consacrée au financement de l’indemnité perte d’emploi. Une grande première au Maroc – et même dans les pays voisins du Maghreb – où il n’existe aucun régime d’assurance chômage. Vu de France, le dispositif peut paraître modeste : il offre la possibilité aux salariés licenciés pour raison économique de recevoir pendant six mois une indemnité équivalente à 70 % de la moyenne des salaires perçus pendant les trente-six derniers mois. Mais sans dépasser le smic local, soit à peine 200 euros par mois.

Le dispositif est financé par les cotisations patronales (0,38 % du salaire brut) et salariales (0,19 %). Auxquelles s’ajoute un fonds de 45 millions d’euros, entièrement doté par l’État, constitué pour trois ans. De quoi permettre de financer l’accompagnement et la formation des salariés licenciés. Ce dernier volet est assumé à la fois par l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences et par l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail. Quant au versement de l’indemnité, il est assuré par la Caisse nationale de sécurité sociale.

L’initiative est bienvenue. Au Maroc comme en Europe, les entreprises ne sont pas épargnées par les difficultés économiques. Et le chômage touche de plein fouet les jeunes, 30 % des 15-29 ans étant sans emploi, selon les données de la Banque mondiale. « Heureusement qu’il y a la famille. Lorsque j’ai perdu mon emploi l’an dernier, je me suis retrouvé sans rien du jour au lendemain », explique Amine, infographiste, qui a connu l’épreuve du chômage pendant trois mois. C’est dire l’enjeu de ce dispositif commenté depuis de longs mois dans la presse marocaine. « Avec un montant plafonné et limité à six mois, cette indemnité ne constitue rien d’autre qu’une mesurette. Les conditions draconiennes imposées vont décourager la plupart d’entreprendre la moindre démarche », dénonce Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT), le principal syndicat. Et celui-ci de regretter que le gouvernement n’ait pas tenu compte des propositions formulées par l’UMT, notamment l’intégration de paliers d’indemnité avec des cotisations différentes selon les qualifications d’emploi.

À la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), on s’estime « très fiers de voir le dossier enfin aboutir ». Tout en reconnaissant qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un régime d’assurance chômage mais plutôt d’un dispositif d’accompagnement de courte durée. « Il n’a pas été conçu pour les cadres, qui n’ont généralement pas de mal à retrouver un emploi. Mais pour les employés peu ou pas suffisamment formés. Au Maroc, la perte d’emploi peut rapidement entraîner une situation de misère sociale », fait remarquer Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relations sociales de la CGEM.

Faut-il voir dans l’indemnité une conséquence positive du Printemps arabe qui, en 2011, a poussé des milliers de gens dans la rue et provoqué une vague de protestations au sein des entreprises ? « Non », répond catégoriquement Jamal Belahrach. Le dossier est bien plus ancien. Déjà, en 2003, le Centre marocain des jeunes dirigeants d’entreprise en formulait l’idée dans un document intitulé « Manifeste pour la croissance ». L’année suivante, le projet figure dans le Code du travail, qui entre alors en vigueur. Mais le sujet reste en suspens jusqu’à la signature, en 2009, d’un pacte dans lequel les partenaires sociaux prévoient de mettre sur la table des dossiers sensibles, telles la réglementation du droit de grève et l’indemnisation des salariés en cas de perte d’emploi. « Le dossier a pris du temps, comme toute réforme structurelle », note la CGEM. Selon les estimations, 35 000 à 50 000 personnes devraient en bénéficier au cours de la première année.

Auteur

  • Marie Cadoux