La notion de solidarité ne fait plus contrepoids dans notre société, estime le sociologue.
La thèse audacieuse que défend ce court essai mettra mal à l’aise les gens de gauche sans satisfaire ceux de droite. Pour l’auteur, la montée des inégalités ne s’explique pas seulement par la mondialisation de l’économie, mais aussi par une crise des valeurs de solidarité sur lesquelles est fondée notre société. Le sociologue croit déceler au plus profond de celle-ci l’existence d’une « préférence pour l’inégalité ». Le point de départ de son raisonnement vient d’une conviction : « Si les 1 % raflent les richesses aux dépens des 99 % qui s’indignent mais ne font rien (à l’exception de petits groupes qui entretiennent la flamme de la révolte), c’est parce que les 99 % ne sont pas un bloc homogène capable d’agir comme tel. »
Selon François Dubet, ségrégations urbaines, études à deux vitesses ou modes de consommation culturelle élitistes n’existent que parce qu’ils remplissent un rôle jugé positif par certaines catégories de Français. À l’inverse, les notions de solidarité et de fraternité n’apportent plus l’indispensable contrepoids aux tendances inégalitaires de notre société. Certains canaux par lesquels ces valeurs s’affirmaient ne jouent plus, ou moins, ce rôle. C’est le cas du travail, des institutions ou des mécanismes d’intégration.
Comment renforcer ces sentiments de fraternité indispensables à la recherche de l’égalité ? D’abord, en cherchant à avoir une représentation politique plus à l’image de la vie sociale. Ensuite, en rendant plus lisibles les mécanismes de prélèvement et de redistribution. Dubet plaide pour la réactivation d’une vieille exigence de la vie en société : la reconnaissance. Une urgence, car il a en tête un autre scénario débouchant sur un vote défoulement, qui lui fait peur.
La Préférence pour l’inégalité, François Dubet. Éd. Seuil. 110 pages, 11,80 euros.
