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Le recul des discriminations au point mort

Actu | À suivre | publié le : 03.10.2014 | Catherine Abou El Khair

L’origine ethnique pose toujours problème dans le monde du travail. Un constat d’échec pour les politiques menées depuis dix ans.

Un dixième anniversaire en demi-teinte pour la Charte de la diversité. Elles sont pourtant plus de 3 200 entreprises à avoir paraphé cette déclaration d’intention, lancée en octobre 2004, dans laquelle elles s’engagent à lutter, notamment, contre les discrimi­nations liées à l’origine. Sauf que le bilan reste négatif, loin des résultats obtenus en matière de handicap ou d’égalité hommes-femmes. « Les responsables diversité reconnaissent qu’on avance plus facilement sur les autres sujets  », confirme Sonia Hamoudi, rapporteuse d’une toute récente étude du Conseil économique, social et environnemental sur le sujet.

Facteur aggravant, 14,2 % des descendants d’immigrés étaient au chômage, contre 8,6 % des personnes sans origine étrangère, selon le ministère du Travail. Inquiétant lorsqu’on sait que 22 % de la population française serait immigrée ou aurait au moins un parent immigré, d’après des chiffres de l’Insee datant de 2010. Et la crise économique et sociale n’arrange pas la situation. Un constat partagé par le nouveau Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui pointe un « affaiblissement de la volonté » des entreprises pour intégrer les minorités liées à l’origine ethnicoraciale.

En veille depuis une décennie sur les questions de diversité, l’Institut Montaigne pointe, dans un rapport publié en septembre, une raison du blocage : le manque de mesures et de données sur les salariés d’origine étrangère. « Si l’on veut avancer il faut trouver une forme de comptage », affirme Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, qui a présidé le groupe de travail à l’origine du rapport. Les entreprises et les administrations devraient « pouvoir solliciter leurs employés, par l’usage de formulaires auto-déclaratifs », indique celui-ci. Pas si simple pour les employeurs, très mal à l’aise avec la loi informatique et libertés de 1978 qui interdit le traitement des origines ethniques. Mais sans considérer pour autant la nationalité et le lieu de naissance comme des données « sensibles ». « On peut conduire des politiques volontaristes sur la base des instruments actuels », rappelle Jacques Toubon. Un guide à destination des dirigeants, « Mesurer pour progresser vers l’égalité des chances », est même disponible sur le site Internet du Défenseur des droits. Certaines initiatives donnent néanmoins des résultats encourageants. À l’instar de celles de la Fondation agir contre l’exclusion (Face). En 2013, ce réseau de plus de 4 700 entreprises a fait réaliser des CV vidéo à 1 500 jeunes de quartiers prioritaires issus de sept villes. Mises en ligne sur une plateforme nationale, facealemploi.tv, ces séquences de quarante-cinq secondes, visant à convaincre sans cacher son visage, seraient plus efficaces que les recherches classiques. Et la méthode attirerait les jeunes. À Rennes, 79 % des bénéficiaires auraient ainsi retrouvé un emploi ou auraient été envoyés en formation. « Nous avons mobilisé les entrepri­ses en utilisant l’argument des postes non pourvus », explique le délégué général de Face, Vincent Baholet. Carrefour, Orange et Vinci recrutent déjà par ce biais.

Cette promotion du CV vidéo s’affiche à contre-courant de la décision du Conseil d’Etat. Le 9 juillet, celui-ci a donné six mois au gouvernement pour généraliser le recrutement par CV anonyme. Une mesure prévue par la loi pour l’égalité des chances de 2006 qui n’a jamais vu le jour faute de décret. Sauf que le sujet divise toujours. Chez Face, Vincent Baholet milite ainsi pour un choix entre plusieurs ­dis­positifs, comme la Charte de 2004 ou le label Diversité.

Spécialisé dans les politiques de diversité, le cabinet Mozaïk RH recourt lui aussi au CV vidéo. Mais son directeur, Saïd Hammouche, ne disqualifie pas pour autant le CV anonyme. Lui, ne voit « aucun problème » à la stricte application de la loi, en appelant à la « responsabilité des pouvoirs publics » dans l’emploi des personnes d’origine étrangère.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair