Autant le savoir : vous allez passer soixante-dix minutes sur un trottoir de Suresnes, en région parisienne, coincé entre un flot ininterrompu de voitures et l’entrée, barrée de vigiles, de l’hôtel Première Classe (groupe Louvre Hotels). Et attendre, avec 20 femmes de chambre africaines réclamant d’être payées à l’heure, et non plus à la tâche. C’est long, comme ce conflit de vingt-huit jours qui a marqué les annales de la sous-traitance hôtelière. Car Oulimata, Mariam et les autres, soutenues par la CGT des hôtels de prestige et économiques et sa caisse de grève, ont obtenu gain de cause, et ouvert la voie. En juin, Louvre Hotels a signé une charte obligeant ses sous-traitants à payer les femmes de chambre à l’heure.

Évidemment, Denis Gheerbrant l’ignore quand il pose sa caméra le 20 mars 2012 sur ce trottoir et patiente avec elles. Des bribes de confidence qu’il arrache on apprend « le travail dur », les dos cassés tenus par une ceinture, les journées à rallonge pour faire le quota, les vies familiales empêchées de celles qui bossent tous les week-ends. On découvre les familles nombreuses (quatre, cinq, dix enfants) et l’illettrisme de la plupart, arrivées par le regroupement familial. À son habitude, en solo et sans moyens, Denis Gheerbrant, 66 ans, met en lumière des « invisibles ».Ici, des Africaines qui naissent à la grève et se la réapproprient, en chantant et en dansant. Un début : « J’ai grèvé. Je sais ce que c’est maintenant », dit l’une. A.F.

On a grèvé (1 h 10), documentaire de Denis Gheerbrant. Sortie le 10 septembre.