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Les contours plus nets du CEP

Dossier | publié le : 03.09.2014 | A.-C.G.

Salariés, demandeurs d’emploi, jeunes, seniors, fonctionnaires…, tous vont pouvoir bénéficier d’un nouveau service public : le conseil en évolution professionnelle. Objectif, aider chacun à piloter son parcours professionnel.

Mon métier m’ennuie profondément. Tout m’agace. Si je ne fais rien, je vais tous les envoyer balader ! » Laurent Gamber, responsable du conseil en évolution professionnelle dans les Pays de la Loire, se souvient encore parfaitement de l’appel à l’aide de cet enseignant venu frapper à sa porte. « Cet homme mûrissait un projet de reconversion dans le tourisme depuis plusieurs mois mais ne pouvait en parler avec personne. Il craignait les remarques condescendantes de sa hiérarchie et de ses collègues. Ses appréhensions étaient tellement fortes qu’il ne parvenait pas à passer le cap. » Une heure et demie d’entretien plus tard, les risques et la façon de les surmonter identifiés, l’enseignant est reparti avec les idées claires, un chouia mieux dans ses baskets. « Il avait surtout en main un plan de microactions réalistes qu’il mettra en œuvre ou pas. Notre travail est d’aider les bénéficiaires à s’exprimer, à prendre conscience des enjeux, des risques, des limites. Dans la plus parfaite neutralité », souligne le responsable.

Depuis 2010, Laurent Gamber orchestre avec ses collègues du Fongecif une expérimentation qui a jeté les bases du conseil en évolution professionnelle, le fameux CEP, repris ensuite par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI de sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013. À Nantes, ce sont les partenaires sociaux régionaux, réunis au sein de la commission paritaire interprofessionnelle régionale de l’emploi (la Copire), qui ont passé commande. Financée à 90 % par la région, l’expérimentation est menée par le Fongecif, nommé maître d’œuvre. Il finance également le projet à hauteur de 10 %. D’autres expérimentations ont émergé un peu partout en France. En Paca, en Lorraine, mais aussi en Bourgogne. Là, c’est le conseil régional qui est à l’origine d’une expérimentation un peu semblable et qui elle aussi a inspiré l’actuel CEP. « En 2011, le conseil régional se dotait d’un plan de continuité professionnelle. Il était réservé aux actifs en emploi », raconte Serge Rochet, animateur du réseau des centres interinstitutionnels de bilans de compétences (CIBC) de Bourgogne.

Répondre à un réel besoin

Pour couvrir au maximum le territoire bourguignon, le conseil régional a désigné deux réseaux, spécialisés dans l’orientation, celui des missions d’information sur la formation et l’emploi (Mife) et celui des missions d’information professionnelle (MIP). « En 2013, sans aucune communication, nous avons reçu et accompagné 400 personnes. C’est dire si ce service répond à un vrai besoin. » Car, en France, si les jeunes peuvent se tourner vers un CIO ou une mission locale, un chômeur vers Pôle emploi, les salariés comme les fonctionnaires n’avaient jusqu’à présent aucun lieu dédié à leur orientation et à leur évolution professionnelle en dehors de démarches lourdes comme celle du bilan de compétences. « Or les bénéficiaires qui viennent vers nous n’ont pas tous besoin d’engager cette démarche. Leurs demandes sont bien plus larges », explique Laurent Gamber.

Dans les Pays de la Loire, le Fongecif a désigné trois territoires (rural, semi-urbain et urbain) pilotes et fait appel à des prestataires extérieurs, cabinets de conseil en RH, CIBC, cabinets de consultants pour délivrer ce service d’écoute et d’accompagnement. « La première année, nous avons réalisé 200 CEP. Les années suivantes, trois puis dix territoires ont rejoint l’expérimentation. » Et, depuis janvier dernier, c’est toute la région qui est couverte. En fin d’année, 2 000 bénéficiaires seront passés par l’un des 30 points d’accueil de la région. Car, après une campagne de communication tous azimuts, du set de table fourni aux restaurants d’entreprise en passant par les flyers distribués dans les mairies, les cabinets dentaires, les caisses primaires d’assurance maladie, La Poste… et la création d’un numéro de téléphone unique à l’ensemble des points CEP, la mayonnaise a pris et les usagers ont trouvé le chemin de ce nouveau service public.

À Nantes, dans les locaux lumineux du Fongecif, un espace en libre-service avec ordinateurs et accès à Internet attend le quidam. Tout autour, des conseillers en évolution professionnelle reçoivent dans des bureaux totalement neutres et en toute confidentialité les personnes qui ont pris rendez-vous. « En un temps très court, on doit nouer une relation de confiance. C’est un vrai challenge, relève Isabelle Dupont, conseillère à Nantes et à Saint-Nazaire. À nous de bien comprendre la problématique pour que ces personnes repartent avec un plan d’action coconstruit. C’est important pour qu’elles se l’approprient. » Depuis six mois que le Fongecif s’est glissé dans l’expérimentation comme les autres prestataires, les premiers retours des bénéficiaires commencent à affluer. « Récemment, l’un d’eux est venu me demander de l’aide pour préparer un entretien de recrutement, après les microactions que nous avions déterminées ensemble lors du premier rendez-vous », explique Isabelle Dupont.

Le cap de la quarantaine

Dans le palmarès des attentes des salariés et des fonctionnaires venus s’adresser à eux, les questions autour des techniques de recherche d’emploi arrivent en tête. « Ces dernières années, le marché du travail a tellement évolué avec la crise, l’arrivée des réseaux sociaux que les personnes ne savent plus par quel bout entamer une recherche d’emploi, poser une candidature », explique Laurent Gamber. Les bénéficiaires viennent également chercher de l’aide pour préparer un entretien d’évaluation, trouver une solution à un mal-être, à une perte de sens au travail ou même au cap parfois difficile de la quarantaine qui, pour certains, se traduit par une remise en cause personnelle et professionnelle. Aux yeux d’Isabelle Dupont, la vraie découverte de cette expérimentation tient surtout à la neutralité qu’impose le conseil en évolution professionnelle. « Les personnes ne nous voient pas avec notre casquette de financeurs de la formation. Nous intervenons aussi bien dans les CIO que les missions locales ou au Fongecif. Cette neutralité est très satisfaisante et les dossiers avancent vite. »

Si les différentes expérimentations ont pu commencer à tracer les contours du futur conseil en évolution professionnelle, le cahier des charges national est autrement plus fourni (voir page 76). Cinq grands opérateurs ont été désignés pour porter ce nouveau service public : les missions locales, les Cap emploi, Pôle emploi, les Opacif et l’Apec. Charge à eux de mettre en œuvre le CEP, soit directement en développant une offre de services (c’est le cas de l’Apec), soit en passant par des prestataires. La loi prévoit aussi que les régions pourront également désigner d’autres acteurs sur leurs territoires.

Travailler ensemble

À l’avenir, le CEP doit s’articuler avec le service public de l’orientation, le SPO, dont les cinq opérateurs sont membres de droit. L’idée étant que tous les acteurs de l’orientation, du CIO au Fongecif en passant par les missions locales, les SCUIO des universités, Pôle emploi…, soient capables d’orienter le public quel que soit son profil ou sa demande. Par exemple, les fonctionnaires qui n’étaient pas dans le radar du CEP sont dans les expérimentations bourguignonne et du Grand Ouest, l’un des publics à s’être déplacés en nombre. « Ensuite, les opérateurs du CEP doivent non seulement proposer un service gratuit, un accompagnement à la construction d’un projet, mais aussi assurer l’ingénierie financière qui en découle », explique Philippe Dole, inspecteur à l’Igas, à l’origine du cahier des charges du CEP. Concrètement, si le projet de la personne débouche sur une formation, le conseiller en orientation professionnelle devra identifier l’offre de formation la plus adéquate à son projet et lui indiquer quels droits elle peut mobiliser en fonction de sa situation personnelle. Pourra-t-elle puiser dans son CPF, faire appel à des financements complémentaires auprès de la région ou de son entreprise, mobiliser son compte pénibilité ou encore faire une demande de CIF ? « Le bénéficiaire devra ensuite effectuer les démarches. Et si besoin, nous pourrons agir à ses côtés », précise Laurent Gamber. « Ce que l’on constate de ces premières expériences, c’est que la demande de formation n’est pas majoritaire. Seul 5 % du public la cite comme étant une solution pour lui », relativise Philippe Dole.

Reste que pour les différents opérateurs du CEP, c’est un sacré casse-tête qui s’annonce et une minirévolution culturelle qui doit les amener à travailler en partenariat. Ils devront très vite faire monter en compétence les conseillers en évolution professionnelle et surtout homogénéiser au maximum les pratiques entre eux. Dans les Pays de la Loire et en Bourgogne, ce travail est lancé. Pour les autres régions, plus attentistes, la marche à grimper sera sans doute très haute. L’aventure du CEP ne fait que commencer.

Le CEP, “accélérateur” du plan stratégique de l’Apec

Le conseil en évolution professionnelle (CEP) devrait devenir une pièce maîtresse du plan Apec 2016 centré à 60 % sur la sécurisation du parcours des cadres. L’acteur du marché de l’emploi des cadres est en effet l’un des cinq opérateurs du CEP désignés par la loi avec Pôle emploi, Cap emploi, les Fongecif, les missions locales, auxquels s’ajouteront les organismes habilités par les régions. Le CEP apparaît comme « le prolongement cohérent de l’offre de l’Apec », estime son directeur de la stratégie, Bertrand Lamberti. Elle devrait lui permettre de monter en gamme puisque les 400 conseillers et consultants qui le mettront en œuvre s’impliqueront dans le montage des dossiers de formation des candidats. Ce qui n’était pas leur rôle jusqu’à présent. « Nous nous arrêtions à la définition du projet professionnel et de formation.

Désormais, nous allons accompagner les personnes, cadres ou futurs cadres, dans le montage concret de leur projet : mobilisation de leur compte personnel de formation (CPF), choix de l’organisme, montage financier, etc. » Les consultants de l’Apec vont être formés d’ici à la fin de l’année pour maîtriser les arcanes du CPF, son articulation avec le CEP, ses circuits financiers. « C’est tout un écosystème composant le service public régional de l’orientation qu’il faut appréhender », souligne Bertrand Lamberti. Depuis le 1er juillet dernier, l’Apec s’y prépare. Quinze délégations territoriales ont été créées pour proposer l’offre de services de l’établissement au plus près des besoins des régions et des bassins d’emploi. Le CEP y figurera en bonne place. V.G.-M.

Auteur

  • A.-C.G.