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L’amère potion estivale de l’Unedic

Actu | À suivre | publié le : 03.09.2014 | Stéphane Béchaux

Depuis le 1er juillet, les salariés licenciés peuvent se voir appliquer un différé d’indemnisation de six mois. Pas simple d’y échapper.

Achevée en mars, la négociation de l’actuelle convention d’assurance chômage n’a guère passionné les foules, sinon celle des intermittents.Et pourtant, les salariés du régime général auraient bien fait de regarder de plus près les nouvelles règles concoctées par les ­signataires (Medef, CGPME, UPA, CFDT, CFTC et FO).Car ceux qui, depuis le 1er juillet, ont perdu leur emploi découvrent l’ampleur des dégâts causés par le nouveau mode de calcul du différé d’indemnisation. Limité auparavant à 75 jours, et tenant compte du salaire de référence, l’ancien système s’avérait assez peu pénalisant.Contrairement au nouveau, qui conduit tout salarié touchant au moins 16 200 euros d’indemnités supralégales à devoir patienter 180 jours avant de recevoir sa première allocation.

Un délai extrêmement long qui avait conduit la CFE-CGC à ne pas ratifier le texte.« C’est supprimer le droit au chômage pendant six mois à ceux qui cotisent le plus en montant et en durée, et qui ont le tort d’avoir une convention collective un peu plus favorable que le Code du travail », dénonçait alors la centrale des cadres.Une mesure qui, en pratique, ne concernera pas que les plus nantis. En mai, l’Unedic estimait d’ailleurs à 90 millions d’euros les économies réalisées en 2014 et à 270 millions d’euros celles pour 2015. Connues des experts depuis fin mars, les nouvelles règles ont donné lieu à un large phénomène d’anticipation. Au printemps, avocats d’employeurs et de salariés ont mis les bouchées doubles pour aboutir à la notification d’un maximum de licenciements avant le 1er juillet. En recourant, certes, à des ruptures conventionnelles. Mais pas seulement. « En juin, on a conclu un nombre stratosphérique de licenciements pour faute grave.C’était le seul moyen pour faire sauter les préavis », confie un avocat parisien.

Désormais en vigueur, les nouvelles règles devraient compliquer les départs négociés. Certains d’entre eux, tout au moins. « Dans le cas d’un salarié qui a des perspectives professionnelles immédiates, ça ne change pas grand-chose.Mais pour l’employeur qui veut transiger sans motif valable, il va falloir faire davantage de concessions », prédit Laurent Moreuil, associé chez SBKG. « Les ruptures conventionnelles avaient déjà perdu beaucoup d’intérêt depuis l’instauration du forfait social de 20 %. Le différé d’indemnisation pourrait signer leur mort », complète François Denel, cofondateur du cabinet DBC Avocats. Bien que craint des entreprises, le licenciement économique pourrait, à l’inverse, ressortir des cartons, les salariés ayant tout intérêt à s’en réclamer quand leur départ obéit à une restructuration ou à des raisons financières. Et pour cause : il s’agit du seul mode de séparation exclu des nouvelles règles, avec un différé d’indemnisation plafonné à 75 jours.

Pour échapper au délai de carence, certains bricolent. Rien n’interdit, par exemple, de cacher pendant des mois un protocole transactionnel, histoire que le salarié bénéfice tout de suite de ses allocations chômage. Quitte à se voir réclamer des indus plus tard.« L’employeur a l’obligation d’émettre une attestation rectifiée destinée à Pôle emploi, avec le montant des indemnités versées. Mais il peut laisser le soin au salarié de la transmettre. Ou d’oublier de le faire », avance un avocat.

La question vaut aussi en cas de contentieux. En théorie, Pôle emploi fait entrer dans le décompte des indemnités de rupture, de manière rétroactive, les dommages et intérêts obtenus devant le juge. Ce que dénonce d’ailleurs avec force le Syndicat des avocats de France. « C’est un détournement scandaleux de l’objet de ces sommes.On ne peut faire l’amalgame entre une indemnité assurantielle et une indemnisation octroyée par un juge pour réparer un préjudice », justifie l’une de ses membres, Émilie Videcoq.Mais en pratique, pas sûr que l’organisme soit en mesure de suivre et de réclamer toutes les sommes.

Auteur

  • Stéphane Béchaux