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Des délégataires sous pression

Dossier | publié le : 04.06.2014 |

La complexité de la gestion des assurances collectives de santé oblige les organismes qui en ont la charge à se professionnaliser et à muscler leurs systèmes d’information.

Depuis le début de l’année, les systèmes d’information des gestionnaires administratifs des contrats collectifs de santé risquent la surchauffe. Qu’ils soient courtiers d’origine (comme Henner, Siaci Saint Honoré ou Mercer), pure players sous marque blanche (à l’instar de GFP, Génération ou Owliance-Mutua) ou encore filiales de groupes de protection sociale (Humanis, Klésia) dédiées à la gestion pour le compte de tiers, ces prestataires ont en effet dû reclasser tous les salariés de leur portefeuille en prévision de l’entrée en vigueur, au 1er juillet, de la nouvelle réglementation sur les catégories objectives éligibles aux exonérations de charges.

En parallèle, ils se sont préparés à intégrer, dès le 1er juin, la nouvelle nomenclature de remboursement des actes dentaires de la Sécu et à mettre en place des mécanismes de contrôle des droits des salariés en fin de contrat inscrits à Pôle emploi pour tenir compte de l’extension et surtout de la gratuité de la portabilité de la couverture en santé. Le tout en attendant de passer au peigne fin, d’ici au 1er janvier 2015, les garanties de leurs contrats pour les adapter aux desiderata des futurs décrets sur les contrats solidaires et responsables, d’une part, et sur les paniers de soins minimaux, d’autre part. Autant dire que, si pendant longtemps la principale exigence des entreprises et des assureurs à l’égard de ces gestionnaires administratifs portait sur la qualité et la date de remise des comptes annuels, « cet emballement réglementaire impacte tous nos processus de gestion et d’accompagnement de nos clients », témoigne Gilles Levavasseur, directeur général délégué aux opérations du groupe Henner.

Responsabilités redéfinies

Il n’est pas le seul. Car les organismes d’assurance, sommés de se mettre d’ici à janvier 2016 au diapason des nouvelles normes prudentielles prévues par la directive Solvabilité II, sont, eux aussi, incités à demander des comptes à leurs délégataires de gestion. « L’assureur étant le seul responsable d’un éventuel défaut, le contrôle de ses sous-traitants participe du suivi des risques qu’il doit désormais opérer selon la directive », expliquait, au printemps, Benjamin Roussel, consultant senior manager au cabinet Actuaris, lors d’une conférence organisée sur le sujet. Conséquence, alors que nombre d’organismes complémentaires avaient encore tendance à travailler de façon artisanale avec plusieurs dizaines, voire une centaine de délégataires pour les plus gros, le niveau d’exigence s’élève concernant leur maîtrise des risques opérationnels, la normalisation des échanges informatiques et la traçabilité des informations. « En 2013, nous avons dû répondre à une cinquantaine de demandes d’audit de la part des assureurs », témoigne ainsi Rodolphe Peim, directeur général d’Owliance-Mutua. Première répercussion de ces transformations, la gestion des remboursements est de plus en plus dissociée de l’assurance des contrats collectifs. Dernier exemple en date, la mutuelle maison de BNP Paribas vient ainsi de confier son infogérance à Génération. Quant au groupe AG2R La Mondiale, il a vu son activité déléguée être « multipliée par quatre depuis 2005 pour représenter 480 millions d’euros de cotisations en 2013 », constate Jean-Luc Bilhou-Nabéra, directeur support d’AG2R La Mondiale. Autre conséquence, le marché de la gestion se concentre rapidement autour de quelques grands acteurs (Henner, Génération, GFP) qui tous dépassent désormais le million de salariés gérés.

Contraints de se professionnaliser, « les délégataires de gestion deviennent une source de valeur ajoutée à part entière », souligne Sylvain Rousseau, directeur de la protection sociale au cabinet Towers Watson. Pour se développer sur le marché de la santé et de la prévoyance, ce cabinet anglo-saxon vient ainsi de conclure un partenariat avec GFP, notamment « pour pouvoir accéder à un système d’informations performant et mutualiser le coût des investissements informatiques nécessaires », poursuit-il. « Une de nos nombreuses valeurs ajoutées est de pouvoir connecter nos systèmes avec toutes les plates-formes de réseaux de soins des assureurs, en faisant en sorte que cela reste fluide pour nos clients », confirme Matthieu Havy, directeur général du gestionnaire quimpérois Génération. Mais ces systèmes doivent aussi proposer toujours plus de services aux assurés en termes de télétransmission, de simulation de remboursement, d’acceptation de devis en temps réel ou encore de géolocalisation des professionnels de santé référencés par les réseaux de soins. Ils devront aussi s’adapter demain à la nouvelle donne des complémentaires santé induite par la signature de l’ANI de janvier 2013 : « Nous allons vers un marché des contrats collectifs de plus en plus fragmenté, avec davantage de coassurance, de codistribution et de cogestion », prévoit Jean-Luc Bilhou-Nabéra, d’AG2R La Mondiale. Les gestionnaires devront alors être capables d’articuler des garanties collectives de branche et d’entreprise à des options de contrats individuels. « Cela supposera des systèmes très agiles et très flexibles », pronostique Alexis Obligi, directeur général délégué du groupe Henner.

Flux croissant d’informations

Outre l’ANI, l’autre grand enjeu des délégataires concerne les perspectives qu’offre le big data en santé. Autrement dit, la capacité de ces gestionnaires à produire des données qualifiées permettant aux entreprises de piloter plus finement le risque et de mieux maîtriser les dépenses remboursées par les complémentaires. À cet égard, les délégataires explorent plusieurs pistes. Exemple, en matière de lutte contre l’absentéisme : « Notre plate-forme permettra aux entreprises de piloter, de prévenir et ainsi d’agir sur les causes avec la mise en place d’un outil de collecte d’informations couplé à un outil de diagnostic à forte valeur ajoutée », se félicite Thierry Vachier, directeur exécutif prévoyance et santé du courtier Siaci Saint Honoré. De la même façon, la plate-forme de Génération est reliée à celles des cabinets d’accompagnement à la reprise du travail, tels Rehalto ou Prévia.

De son côté, Siaci Saint Honoré s’est aussi attaqué à l’analyse des prestations hospitalières, qui représentent près de 15 % des dépenses remboursées par les complémentaires. « Notre idée est de nous assurer que les durées soient le reflet des séjours facturés au régime général et à la complémentaire santé par rapport au temps passé au sein de l’établissement de soins », indique Thierry Vachier, qui a lancé en 2013 une expérimentation avec le groupe privé Générale de santé.

L’analyse des paniers de soins remboursables constitue enfin un axe de travail important pour les gestionnaires, via la transmission de données anonymisées. Reste que, pour l’heure, « la réglementation sur les données personnelles de santé des patients est prioritaire par rapport à celle, moins restrictive, qui concerne l’exploitation des informations client », insiste Alexis Obligi. Si bien que celle-ci est, à la différence d’autres pays, drastiquement limitée en France tant par la Cnil que par le régime général d’Assurance maladie : « Les informations transmises par la Cnamts ne nous permettent même pas de distinguer les codes actes d’une consultation ou d’une intervention hospitalière, par exemple », se désole Alexis Obligi en plaidant, comme tous ses confrères, pour une plus grande libéralisation de l’accès aux données. V. D.

Un socle commun d’évaluation

Début 2014, le cabinet Actuaris a initié une démarche visant à développer un socle commun d’évaluation des gestionnaires. « Les assureurs veulent souvent contrôler les mêmes points chez leurs délégataires : plans de continuité d’activité, modalités de contrôle interne ou traitement des réclamations par le délégataire. Il doit donc être possible d’établir un référentiel commun de bonnes pratiques de façon à alléger le poids de ces audits », constate Benjamin Roussel, le responsable prévoyance et santé. Le cabinet a fondé un club d’échanges, composé d’une dizaine d’acteurs rassemblant des assureurs (Allianz, Mutex, Mutuelle générale) et des délégataires de gestion (Hélium, Owliance-Mutua).

Avec l’objectif d’aboutir à un cahier des charges d’ici à l’été et de lancer les premières missions d’évaluation chez les délégataires volontaires à la rentrée.

« La démarche devant aboutir à la publication, début 2015, d’un premier benchmark annuel », précise Benjamin Roussel. Les principaux axes de travail du club porteront sur l’efficience des systèmes d’information, la solidité financière du délégataire, la qualité de service et la conformité à la réglementation.