L’Institut syndical européen (Etui), centre de recherche des syndicats européens, dissèque dans son rapport 2014 les répercussions des décisions de l’UE sur les droits des salariés. Dans la majorité des pays, depuis la crise de 2008, ils s’érodent pour trois raisons. Premièrement, les protocoles d’entente, qui imposent des réformes drastiques aux pays surendettés (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre) en échange de l’aide financière du FMI, de la BCE et de Bruxelles. Deuxièmement, les « recommandations spécifiques à chaque pays » (RSP – voir Repère) qui sont publiées tous les ans par la Commission européenne. Troisièmement, le programme de performance (Refit), lancé en août 2013, qui vise à simplifier le droit communautaire. Ces dispositifs promeuvent, entre autres, le développement du temps partiel, les contrats de travail atypiques et des procédures de licenciement moins contraignantes.
La France n’a pas échappé aux vagues de réformes, en facilitant le recours au temps partiel, dans le cadre de sa loi sur la sécurisation de l’emploi, promulguée le 14 juin 2013. Mais l’Etui la distingue dans plusieurs domaines. La France fait partie des cinq pays d’Europe occidentale où les salaires réels ont augmenté entre 2009 et 2013, avec la Suède, l’Allemagne, la Belgique et la Finlande, alors qu’ils ont baissé en Italie, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. La France a gelé les salaires dans la fonction publique mais en améliorant dans le même temps « la rémunération liée à la performance ». Par ailleurs, la France est, avec la Slovénie, le seul pays où le salaire minimum légal est supérieur au seuil des bas salaires (2/3 du salaire brut médian), alors que les RSP de 2012 et 2013 l’invitaient à « restreindre l’évolution du salaire minimum ». Enfin, en France comme en Finlande et en Belgique, les conventions collectives couvrent un maximum de salariés grâce aux extensions promulguées par arrêté ministériel. Pour inverser la tendance européenne, l’Etui appelle à privilégier l’augmentation des salaires et les investissements dans les énergies renouvelables.
Alain Roux
Rebond du travail indépendant, maintien du temps partiel et des contrats temporaires, essor des horaires décalés… Multiples, les formes d’emploi « dessinent un paysage de plus en plus complexe », constate le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) dans un rapport publié en avril. Ce qui ne signifie pas pour autant la mort du CDI, encore très largement dominant en raison, notamment, de « la permanence d’un besoin tant des entreprises que des salariés de construire des projets de long terme ».
Depuis les années 2000, la part relative des contrats temporaires dans les formes d’emploi a peu augmenté. Des évolutions importantes sont à l’œuvre, mais d’ordre qualitatif. Car, entre 2003 et 2013, les CDD de moins d’un mois ont explosé. Les missions d’intérim se raccourcissent. Si bien qu’en 2011 la moitié des indemnisations par le régime d’assurance chômage faisait suite à une fin de CDD (38,7 %) ou de mission d’intérim (12,3 %). « Pour les débutants, le passage d’un contrat temporaire (CDD ou intérim) à un emploi stable est sensiblement moins fréquent aujourd’hui qu’au début des années 1990 », notent les auteurs du rapport. Plus que jamais les salariés en CDI s’opposent aux jeunes ou aux seniors dans la précarité. L’intervention des pouvoirs publics, qui ont incité au recours à ces formes particulières d’emploi pour lutter contre le chômage, expliquerait en partie cette situation.
C. A.