logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actu

“Apporter des réponses non religieuses à un problème religieux”

Actu | À suivre | publié le : 04.06.2014 | C. A.

Sophie Gherardi, fondatrice de Fait-religieux.com, nous livre en exclusivité les résultats de l’étude sur les bonnes pratiques des entreprises en matière de religion.

Le fait religieux est-il bien géré dans le monde du travail ?

L’étude sur les bonnes pratiques des grandes entreprises françaises conduite sous la direction de Yaël Hirsch * montre que la gestion du fait religieux se passe bien. Exemple assez fréquent parmi les personnes de confession musulmane, l’aménagement du temps de prière : il est considéré comme une pause au même titre qu’une simple pause-cigarette. Apporter des réponses non religieuses à un problème religieux constitue la base des bonnes pratiques. Nul besoin d’aménager une salle de prière si une salle de repos est déjà à disposition. Ce principe peut se dupliquer en matière de restauration collective, de congés… Aujourd’hui, on peut dire que tout va bien. Mais il est urgent d’anticiper l’avenir.

Pourquoi ?

Les personnes qui affirment leur identité confessionnelle sont jeunes et issues des minorités. Elles souhaitent que la société française les accepte ainsi comme un gage d’intégration. Cette situation est inédite. Surtout que le mode d’expression du religieux a changé. Dans les années 1960, chez Peugeot ou Renault, des travailleurs venaient par villages entiers du Maghreb. Le religieux se gérait à l’échelle collective au niveau de l’entreprise et dans un cadre traditionnel. Aujourd’hui, on pratique sa religion de manière individuelle. On a aussi moins tendance à épouser la culture d’entreprise. Dans ce contexte plus précaire, où l’entreprise donne moins, les salariés font moins de compromis sur leurs pratiques religieuses.

La laïcité en France entrave-t-elle la liberté religieuse ?

Comme la France est un pays laïc et sécularisé, on est moins prêts que d’autres à affronter les revendications religieuses. Les gens ont du mal à en parler. En 2010, 30 % des salariés trouvaient normal que l’on puisse exercer sa liberté religieuse. En 2013, ce taux est descendu à 23 %. Dans le débat public, le sujet est minoritaire mais inflammable. Dans l’affaire de la crèche associative Baby Loup (voir page 13), tout le monde s’est crispé, y compris le gouvernement, l’Observatoire de la laïcité… En principe, une entreprise ne peut mettre dans son règlement intérieur une interdiction générale et absolue à la liberté de religion ! Or la jurisprudence autorise de plus en plus de restrictions alors qu’elle a longtemps été favorable aux salariés. Ce qui peut créer de terribles incompréhensions puisque les établissements de droit privé ne sont pas soumis au principe de laïcité, contrairement au secteur public.

Faut-il changer le droit ?

On pourrait imaginer une loi étendant à l’entreprise le principe de neutralité religieuse, en accordant la possibilité de mettre des restrictions à l’expression publique des croyances religieuses, dans l’intérêt de la cohésion sociale. Avec le risque que le texte soit contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme. Un risque que le législateur n’a pas envie de prendre tant le sujet est sensible. Nous restons dans l’impasse.

Que peut faire l’entreprise ?

Les managers doivent bien connaître le cadre juridique en matière de liberté religieuse. Ils doivent s’intéresser aux pratiques, sans pour autant aller au-devant de demandes, car ce serait entrer dans la sphère privée de l’individu. Par exemple, il est utile d’anticiper les fêtes juives et musulmanes, dont les dates changent d’année en année. Observer la fréquence d’utilisation des congés pendant ces périodes permet de s’adapter aux pratiques religieuses. Sinon, les entreprises ont toujours le choix de conduire une politique de diversité ! Il m’est arrivé de croiser, dans une grande société, une personne portant un catogan et des antennes sur la tête. La DRH m’a expliqué qu’il s’agissait d’un adepte de la religion Jedi, qui prend ses sources dans la saga Star Wars…

* contact@fait-religieux.com

Auteur

  • C. A.