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Les syndicalistes

À la une | publié le : 04.06.2014 |

Engagés dans leur entreprise et au-delà, ils créent des rapports de force, agacent les patrons, voire leur propre camp. Et, de plus en plus, croisent le fer au tribunal.

ÉDOUARD MARTIN

D’ArcelorMittal au combat politique

Pendant des années, c’est des tracts syndicaux qu’il distribuait à la sortie des fours d’ArcelorMittal. Pour dénoncer les conditions de travail, la casse sociale. Aujourd’hui, l’ex-sidérurgiste plaide pour une Europe de l’industrie dans les couloirs policés du Parlement européen de Strasbourg. Un virage, ou plutôt « un changement de vie » revendiqué par le héros des ouvriers, ballottés de fermeture en fermeture. Quand Harlem Désir, alors numéro un du PS, lui propose de prendre la tête de liste aux élections européennes dans le Grand Est, le cédétiste hésite. « Vous allez en prendre plein la gueule et nous aussi », lui balance Arnaud Montebourg. Mais des coups, ce fils d’émigrés espagnols en a pris sitôt le pied posé sur le sol français, quand il a 7 ans. Alors, la castagne politique, ça ne lui fait pas peur pourvu qu’elle serve à quelque chose. Au début, ses compagnons de route ne comprennent pas. FO l’accuse d’avoir trahi ses mandats syndicaux, lui qui n’a eu de cesse d’alpaguer en CE et face à la caméra Lakshmi Mittal, le P-DG, et François Hollande pour sauver les hauts-fourneaux de Gandrange et Florange. Et qui n’a accepté de basculer de l’autre côté qu’à condition que tous les ArcelorMittal soient recasés et que le président annonce la création d’un centre de recherche publique sur la sidérurgie dans la vallée mosellane.

Cette tête brûlée, qui a refusé d’adhérer au PS, promet « de ne pas être le VRP de la politique de Hollande ». Acrobatique vu de l’extérieur, mais pas aux yeux de ce militant, toujours inscrit à la CFDT et attaché à sa liberté de parole. Réformiste, il a voté « oui » à la Constitution européenne de 2005 et reste proche de Laurent Berger, le secrétaire général, qui l’a toujours défendu. Pour beaucoup, faire de la politique, c’est forcément être un menteur. À lui de ne pas diluer ses idéaux dans le consensus mou européen… E. S.

ÉRIC SCHERRER

Le trublion du commerce

Le bouc est soigné, le regard bienveillant. Mais derrière le visage souriant d’Éric Scherrer se cache une détermination sans faille. Le président du Seci-Unsa, le syndicat du commerce de la centrale autonome, est devenu l’une des bêtes noires de la grande distribution. En guerre contre le travail dominical et le travail de nuit, l’ancien athlète de haut niveau s’est fait un nom aux côtés des deux autres mousquetaires des semaines à rallonge, Karl Ghazi à la CGT et Alexandre Torgomian à la CFDT. Les trois hommes agissent au sein de la plate-forme intersyndicale Clic-P et attaquent en justice des enseignes comme Carrefour, Sephora ou Monoprix. « La force publique est là pour préserver les fondements de la société. Depuis le début de la crise, il existe un mouvement pour considérer qu’il faut moins de réglementation, explique l’ancien commercial chez Brummel (PPR). Or l’homme n’est raisonnable que parce qu’il existe des règles inviolables. C’est pour ça que je me bats. »

Au risque d’être incompris par une partie de la base soucieuse de travailler plus pour gagner plus. « Mon problème n’est pas d’être à la mode, mais de me battre pour des valeurs essentielles, comme d’empêcher l’instauration d’un volontariat pour travailler le dimanche. » Une détermination qui lui a joué des tours dans son parcours syndical éclectique, entamé à la CFE-CGC, chez Brummel. Trop à l’étroit dans ce syndicat catégoriel, il rejoint la CFTC pour y réorganiser la négociation de branche. « Quand je suis arrivé, il y avait 30 négociateurs. À mon départ, ils étaient 130 », calcule le patron du Seci. Mais les relations avec sa fédération se détériorent.

TENTATIVE DE PUTSCH. D’étoile montante, il vire ange déchu. Car l’homme est ambitieux. Il tente un putsch pour prendre le pouvoir à la fédération. Il n’hésite pas non plus à bousculer la confédération de Philippe Louis en cherchant à y implanter une section Unsa. « Il a le profil d’un chef d’entreprise car il veut imposer ses choix. Des qualités qui ne collent pas avec le syndicalisme », pointe Patrick Ertz, président de la CFTC CSFV. Jugé incontrôlable, Éric Scherrer est finalement radié de la centrale chrétienne en 2013. Il intègre l’Unsa avec une partie de ses troupes et surtout sort le Seci, fondé au xixe siècle, du giron de la CFTC. « J’ai rencontré un homme de convictions, ouvert à la négociation et au réformisme. La greffe a pris sans problème », note Jean Grosset, numéro deux de l’Unsa. Depuis huit mois, Éric Scherrer laboure à nouveau le terrain ; il dit avoir créé une quarantaine de sections. « Beaucoup dans le secteur du bricolage. Preuve que tous les salariés ne sont pas adeptes du travail dominical ! » Il a aussi repris la gestion de la négociation de branche pour l’Unsa. Toujours déterminé. A.-C. G.

Et aussi…

OLIVIER LEBERQUIER

Fralib forever

Il a bouté Unilever et sa filiale Fralib hors de l’usine Éléphant de Gémenos. Depuis 2010, le délégué CGT porte le fer en justice pour faire plier le géant de l’agro­alimentaire. Après trois annulations de PSE par les tribunaux. Rien n’y fait. L’entreprise a engagé une quatrième procédure d’information-consultation en janvier dernier pour les 14 élus du personnel restant sur le site, oubliant au passage 168 salariés. Serein, Olivier Leberquier n’imagine pas l’administration du travail homologuer le plan unilatéral d’Unilever.

CLAUDE LÉVY

Syndicaliste cinq étoiles

Les palaces ferment tour à tour pour travaux ? Impossible pour Claude Lévy, le patron du syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques, de laisser les salariés sur le carreau. L’homme n’hésite pas à mettre les directions du Lutetia et du Crillon face à leurs responsabilités. Grèves, annulation des PSE en justice, le syndicaliste use d’une stratégie tous azimuts. Et ça marche. L’an dernier, au Crillon, les 360 salariés du palace ont eu droit à un PSE cinq étoiles.

PHILIPPE TOUZET

L’indépendant de la RATP

Titiller la direction de la RATP sur la baisse des effectifs ne lui suffit pas. Le secrétaire général de SUD fait aussi suer les syndicats de la maison. Jusque devant les tribunaux. La CFDT vient d’en faire les frais. En mai, Philippe Touzet n’a pas hésité à dénoncer le syndicat pour avoir failli à son obligation de déposer ses comptes (voir page 11). Si beaucoup y voient une compétition syndicale mal placée, lui se veut à la tête d’un syndicat différent.

STÉPHANE CASTALDI

L’habitué des prétoires contre Auchan

Je préfère engager une procédure pour éviter que les négociations traînent en longueur. » Face à une direction locale qui refuse de dialoguer, Stéphane Castaldi a trouvé la parade. Au point que ce délégué syndical FO du magasin Auchan du Pontet (Vaucluse) est accusé d’être un « syndicaliste procédurier » par un représentant de la CFTC. Risques psychosociaux, versement de la prime d’ancienneté aux salariés malades ou en grève, horaires de fermeture, budget de fonctionnement du CE… Depuis sa nomination en 2005, les sujets abordés par cet ancien joueur de rugby à XIII sont variés. « Nous exigeons simplement le respect de la loi », explique le délégué syndical, qui a su s’entourer. Il peut aussi compter sur une majorité d’élus au comité d’établissement.

En mars, Stéphane Castaldi a obtenu gain de cause auprès du TGI d’Avignon sur le non-paiement du 0,2 % de fonctionnement du comité d’entreprise. Quelques jours plus tard, il a forcé sa direction à trouver un compromis sur les horaires de fermeture. « C’est un bon syndicaliste. Il sait utiliser sa majorité au CE pour obtenir des améliorations sociales », estime Guy Laplatine, DS central CFDT. « C’est un bosseur qui prépare ses dossiers et sait entrer dans une procédure. C’est pourquoi nous l’avons fait monter au CCE », assure Pascal Saeyvoet, le délégué syndical central de FO. Mais la médaille a son revers. Après des années d’affrontement avec sa hiérarchie, le militant multiplie les soucis de santé. E. B.