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Les avocats

À la une | publié le : 04.06.2014 |

Défenseurs des exploités, des minorités, des harcelés…, ils cherchent à réparer les injustices sociales. Avec des victoires et des défaites.

EMMANUELLE BOUSSARD-VERRECCHIA

Maître antidiscrimination

Elle n’est pas peu fière de son dernier coup de force : Euro Disney, pris en flagrant délit de discrimination à la grossesse, condamné en février à réintégrer une jeune maman licenciée alors qu’elle venait d’accoucher prématurément de jumeaux et à lui verser 50 000 euros pour préjudice moral. Dix-sept ans que cette avocate parisienne, féministe assumée, tente de panser les plaies de celles et ceux qui sont traités différemment en raison de leur état, couleur ou appartenance syndicale. « Discrimination » : le mot est même gravé sur sa plaque. « Elle porte une cause », dit d’elle une de ses clientes. Son combat commence en 1997 quand elle défend un ouvrier chez Matra qui avait le tort d’être militant syndical. « Il m’a tout appris du ressenti de la discrimination, se souvient cette femme de 49 ans. C’est à la fois une atteinte à la liberté et à la dignité de la personne. »

TERREUR DES RH. Sa victoire contre BNP Paribas en 2010 marque les esprits et la bombarde terreur des services RH. La banque, épinglée pour « inégalité générale de traitement entre hommes et femmes », est condamnée à verser plus de 350 000 euros à une analyste financière ralentie dans sa carrière à son retour de dix ans de divers congés pour élever ses cinq enfants. Comme la plupart des sociétés du CAC 40, la BNP a une batterie d’accords égalité et diversité qu’elle brandit pour prouver son côté women friendly. « C’est de la com ! fustige-t-elle. Je suis sidérée par l’absence de compréhension du phénomène discriminatoire par les entreprises. Seule la peur de la condamnation les fait bouger. »

Dans le cabinet d’Emmanuelle Boussard-Verrecchia s’entassent des dizaines de dossiers colorés. « Pour beaucoup de femmes, la réparation passe désormais par la restitution de l’emploi », observe-t-elle. À l’image de nombreuses victimes, la cadre de BNP Paribas a dû changer de métier et de région pour tirer un trait sur ces affronts. Une injustice que cette fille de juriste cherche à réparer. Son père s’est battu contre la torture en Algérie et a été magis­trat à la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles. Sa mère, issue d’un milieu d’industriels, est militante de gauche. « Mon père m’a toujours expliqué qu’il fallait exercer ses choix en fonction de ses valeurs », raconte-t-elle. Disciple de Tiennot Grumbach, l’avocate rêvait de faire du droit du travail « pour défendre la partie faible contre la partie forte ». L’argent ou la notoriété ne sont pas des moteurs. Ses plaidoiries sonnent juste. « C’est une belle artiste qui a un discours percutant sans être salissant », relève une cliente. Quand Me Boussard-Verrecchia entre en scène, la partie adverse sait qu’elle en a sous le coude. Et que ça va faire mal. E. S.

CLAUDINE BOUYER-FROMENTIN

La terreur des supérettes Petit Casino

La Zorro du petit commerce, c’est elle. Installée à Neuilly-sur-Seine, Claudine Bouyer-Fromentin a déjà reçu dans ses murs une centaine de gérants de l’enseigne Petit Casino. Des couples de commerçants au statut très spécial, à cheval entre salariat et travail indépendant, qui se démènent comme des brutes pour une bien maigre paie. Un monde qu’elle découvre en 2005, quand les gérants de la supérette du coin, en conflit ouvert avec Casino, frappent à sa porte. « Mon activité ronronnait, je m’ennuyais. Ces gens étaient sympathiques, j’avais envie de les aider », raconte l’intéressée. Un premier dossier depuis suivi par beaucoup d’autres, amenés par le bouche-à-oreille ou le réseau CGT. Résultat, des dizaines de contentieux partout en France, souvent jusqu’en cassation, pour obtenir des juges le paiement des heures de travail effectuées et l’application des règles en matière de santé et de sécurité au travail. À la clé, des victoires et des défaites. « C’est un contentieux très particulier, très technique, que les juges ont beaucoup de mal à appréhender. »

De ces histoires, Claudine Bouyer-Fromentin, 64 ans, pourrait faire un livre. Un polar, même. « Ce que je vois dépasse l’entendement. Les méthodes, la pression… C’est une machine de souffrance humaine », soutient l’avocate, qui a fait tester sa ligne téléphonique par la DST. Après neuf ans de bataille acharnée contre Casino, qui n’a pas souhaité s’exprimer, celle-ci aspire désormais à ranger sa toque et prendre sa retraite. Mais pas avant d’avoir fini de former sa successeure, Paola Pérez Zarur. Une quinquagénaire « aux épaules solides ». S. B.

VÉRONICA FREIXEDA

Celle qui fait suer Décathlon

Pas besoin d’être l’associée d’un grand cabinet parisien pour mener la lutte. Installée à son compte depuis trois ans, Véronica Freixeda livre bataille contre le géant Décathlon depuis son petit local toulousain. Son théâtre d’opération Les forfaits jours appliqués aux responsables de rayon. « Ils leurs sont inopposables car ces salariés n’ont presque aucune autonomie. Par ailleurs, leur mise en œuvre ne garantit ni le droit au repos ni la conciliation entre leurs vies professionnelle et personnelle », assure l’avocate.

Des affirmations rejetées par l’enseigne qui, pour éteindre les risques de contentieux, a néanmoins renégocié, voilà dix-huit mois, son accord encadrant les conventions de forfait. À l’actif de cette avocate, qui a fait ses armes dans deux cabinets employeurs, Decker et Messant, une douzaine d’affaires, ouvertes devant les prud’­hommes de Toulouse, Tarbes, Rennes, Toulon, Le-Puy-en-Velay, Lille et Mantes-la-Jolie. Avec des résultats contrastés, en l’absence de jurisprudence. « En première instance, il n’y a pas vraiment de logique. On gagne ou on perd, sans très bien savoir pourquoi », déplore l’intéressée, âgée de 45 ans. Principal pourvoyeur de dossiers, le syndicat CGC de l’ensei­gne de sport. Et pour cause : son délégué central, Fabien Gautier, fait partie de ses clients. Un militant que Véronica Freixeda défendra cet automne devant la cour d’appel de Toulouse. Mais aussi, bientôt, devant le tribunal des affaires sociales. « On veut faire reconnaître son harcèlement moral en maladie professionnelle pour agir en faute inexcusable », prévient-elle. Encore du sport en perspective. S. B.

Et aussi…

VINCENT LECOURT

L’anti travail dominical

La condamnation de Bricorama à fermer 31 magasins, à l’origine de la polémique sur le bien-fondé du travail dominical, c’est lui. Depuis la loi Mallié (2009), l’avocat de Pontoise multiplie avec succès les procédures, pour ouverture illégale le dimanche, en s’appuyant sur les conventions de l’OIT. D’abord pour la CFTC et FO du Val-d’Oise, puis pour l’intersyndicale de Paris Clic-P.

JEAN-PAUL TEISSONNIÈRE ET MICHEL LEDOUX

Pourfendeurs du lobby de l’amiante

En dix-huit ans de procès contre les industriels de l’amiante, ces deux avocats parisiens, qui défendent depuis sa création l’Association nationale des victimes (Andeva), ont bouleversé le paysage juridique de l’indemnisation des victimes de maladie professionnelle. En 2002, ils ont obtenu la reconnaissance de « la faute inexcusable de l’employeur ». Jean-Paul Teissonnière (photo du haut) a arraché en décembre celle d’un préjudice d’anxiété intégrant les conséquences des troubles psychologiques. Leur botte : avoir su allier leurs expertises, le droit de la Sécurité sociale pour Michel Ledoux (photo du bas), le droit du travail et pénal pour Jean-Paul Teissonnière.

PHILIPPE BRUN

Vent debout contre les licenciements boursiers

STMicroelectronics, LU, Sodimedical, Ethicon, Viveo… L’avocat rémois, 58 ans, a fait de la dénonciation des licenciements collectifs dans les entreprises en bonne santé, pour défaut de motif économique, le combat de sa vie. Sans avoir encore convaincu la Cour de cassation de faire évoluer la jurisprudence sur le sujet. Dernière cible : PSA, pour la fermeture du site de Melun-Sénart, contestée aux prud’hommes en septembre.