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Mission évaluation pour les Opca

Dossier | publié le : 03.04.2014 | R.L.S.

Avec la réforme, les organismes paritaires qui collectent les fonds de la formation seront aussi chargés de la taxe d’apprentissage. Surtout, ils devront s’assurer de la qualité des formations.

Salariés, chômeurs, entreprises, organismes de formation : la réforme va révolutionner toutes les parties prenantes du secteur… organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) compris. Même si pour les Opca le changement a surtout eu lieu il y a deux ans, lors de la mise en application de la dernière réforme de la formation professionnelle de 2009, qui a réduit leur nombre et bouleversé leur fonctionnement. L’article 5 de la loi votée le 27 février dernier accentue le rôle de « pédagogue » que ces organismes, chargés de collecter les fonds de la formation professionnelle et de financer les stages des salariés ou des demandeurs d’emploi, vont devoir s’approprier. Ils deviennent ainsi le guichet unique d’information et de recours à la formation professionnelle. « Il va falloir expliquer la philosophie de la réforme aux entreprises en leur montrant qu’on passe d’une obligation de payer à une obligation de former », estime Yves Honoré, directeur général du Fonds national d’assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles (Fafsea). Idem côté salariés, qui demanderont le mode d’emploi du compte personnel de formation (CPF). Pour ce faire, l’Opca Transports a par exemple d’ores et déjà prévu de simplifier son site Internet.

La réforme confie surtout une toute nouvelle mission aux Opca : celle d’évaluer les organismes de formation. Les simples questionnaires à la sortie des stages ne suffiront plus pour estimer leur performance. Une tâche d’autant plus ardue pour les Opca interprofessionnels, Opcalia et Agefos PME, qu’ils opèrent dans plusieurs secteurs d’activités. « Parfois nous fonctionnons par appels d’offres mais, pour l’essentiel, les entreprises choisissent sur une liste de formations que nous établissons, indique Joël Ruiz, directeur général d’un cran : nous devrons inventer un mécanisme pour évaluer les formations, et c’est d’autant plus complexe pour nous qui ne sommes pas positionnés sur un seul secteur professionnel. »

Certifications qualité

Pour le moment, environ 1 200 organismes de formation (sur les 3 000 principaux) sont certifiés au titre de l’une des trois démarches qualité suivantes : OPQF (pour Office professionnel de qualification des organismes de formation, qui la délivre), Norme française ou ISO. « La réforme incitera les autres à s’engager », estime Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle. Ce qui facilitera la tâche des Opca.

Celui des transports a néanmoins pris les devants en recrutant l’an dernier une personne chargée de la qualité et de l’évaluation des organismes de formation. À l’époque, il s’agissait de répondre à un enjeu im important : proposer la liste d’organismes de formation la plus pertinente possible pour améliorer la professionnalisation de la branche. « Pour l’instant, nous nous adossons à un prestataire car les études sont de grande ampleur, nous internaliserons la compétence par la suite », indique Raphaëlle Franklin, à la tête de l’Opca Transports.

Le Forco a aussi anticipé en développant une cellule d’audit et de contrôle. L’Opca du commerce et de la distribution a nommé un chef de projet avec des compétences de data miner, statisticien expert en traitement de données, à la tête d’un pôle composé, pour l’heure, de deux personnes. « Cette prestation coûte très cher en externe. Avec nos outils de gestion et notre outil d’évaluation en ligne Forco Eval, nous avons la capacité de suivre directement les stagiaires et de recueillir leur satisfaction », justifie Yves Georgelin, le délégué général de l’Opca.

La réforme ne change rien, en revanche, au niveau du contrôle des organismes de formation, malgré les nombreux abus signalés récemment, comme l’affaire révélée par Mediapart en février. Elle concerne l’« escroquerie en bande organisée, détournements de fonds publics, obtention indue de documents, faux et usage de faux et blanchiment de fraude fiscale » de l’Organisme régional de formation professionnelle, en Ile-de-France, qui aurait détourné plusieurs millions d’euros de 2007 à 2012. « Nous avons seulement pu déposer une plainte au pénal quand nous nous sommes rendu compte des irrégularités grâce à la cellule interne de contrôle mise en place il y a deux ans », indique Ghislain Sentis, directeur juridique d’Opcalia, victime, à la marge, de cette escroquerie.

Avec la réforme, l’Opca assurera toujours le même rôle de tiers de confiance, mais le projet de loi ne prévoit rien de plus que le texte de 2009 : l’Opca informe la Direction générale des finances publiques ou la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi pour que des inspecteurs interviennent dans les organismes qui ont présenté des anomalies. « Peut-être que les décrets d’application iront plus loin », espère Yves Georgelin, qui avait notamment détecté les irrégularités des formations à Jardiland quand il était aux manettes d’Agefos PME.

Priorité aux chômeurs

Question nouveauté, la réforme habilitera les Opca à récolter la taxe d’apprentissage à partir du 1er janvier 2015. « C’est un des sujets les plus coton, confie Joël Ruiz, directeur général de l’Opca interbranches Agefos PME. Les entreprises ne seront pas obligées de nous la payer, mais pourront le faire. À l’exception des versements volontaires, aujourd’hui, tous les autres sont obligatoires, et donc fléchés sur la base d’accords de branche. » Mais, selon les spécialistes du secteur, les entreprises ne verront pas tellement la différence, qui se matérialisera par une ligne supplémentaire sur les bordereaux. « Cela va augmenter notre périmètre de compétences, nous allons nous appuyer sur les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (Octa) et internaliser les savoir-faire », estime quant à lui Ghislain Sentis, directeur juridique d’Opcalia.

L’article 5 de la loi insiste aussi sur la priorité donnée à la formation des demandeurs d’emploi.

Mais la plupart des Opca prennent déjà en compte ce public via le DIF portable, instauré par la loi de 2009. La préparation opérationnelle à l’emploi est également un des principaux outils d’ores et déjà utilisés. Sur trois ans, l’Association nationale pour la formation automobile a pour objectif de former 10 000 demandeurs d’emploi, avec notamment pour visée les certificats de qualification professionnelle de mécaniciens, dont la profession manque. Le financement de la formation est assuré à 90 % ainsi que le salaire du stagiaire si les entreprises s’engagent à le maintenir dans l’emploi dans les six mois qui suivent la formation.

Idem au Fafsea, qui travaille déjà en partenariat avec Pôle emploi pour faire découvrir le secteur aux chômeurs, via l’accès des demandeurs d’emploi aux métiers de l’agriculture. Six mois après, plus de 70 % des bénéficiaires ne sont plus demandeurs d’emploi ; parmi eux, 80 % travaillent ou sont en formation dans le domaine. Les décrets d’application de la loi devraient préciser le rôle de gestion ou du moins d’assistance des Opca auprès des demandeurs d’emploi. Ceux-ci pourront mobiliser leur projet de formation dans le cadre du CPF, avec ou sans l’accord de Pôle emploi.

La réforme met aussi l’accent sur l’accès à la formation des salariés des entreprises de moins de 10 salariés. Sur ce point, les Opca des secteurs où les très petites entreprises sont majoritaires ont pris de l’avance. C’est le cas du Forco, qui avait affiché cette priorité il y a deux ans. De 10 à 15 % du budget ont été transférés vers les TPE en 2012 et 2013. Par ailleurs, l’Opca a facilité l’information des chefs d’entreprise en mettant à leur disposition des logiciels et un accès à des formations dématérialisées. « En quelques clics, le responsable de la TPE a accès à son compte et à toute l’offre de formation présélectionnée. Il inscrit ses salariés de façon totalement dématérialisée et sécurisée », indique expérience au sein d’Agefos PME, il s’est inspiré des changements opérés par l’Opca pour mettre en place rapidement une plate-forme efficace en investissant dans les outils informatiques.

Il reste à peine deux ans aux autres organismes pour être au point. Car si les entreprises doivent verser la contribution unique en 2016, celle-ci sera basée sur la masse salariale 2015. Et la mise en place du CPF au 1er janvier 2015 oblige tous les autres acteurs de la formation à s’adapter à la réforme dans son ensemble pour cette date butoir.

Environ 1 200 organismes de formation (sur les 3 000 principaux) sont certifiés au titre de l’une des trois démarches qualité : OPQF, Norme française ou ISO

Source : Fédération de la formation professionnelle.

La réforme de 2009

Pour réduire leur nombre, l’agrément des Opca est accordé quand le montant estimé des collectes annuelles réalisées est supérieur à 100 millions d’euros, et non plus 15 millions.

Depuis le 1er janvier 2012, date de mise en application de la réforme, on compte 21 Opca : 19 Opca de branche et 2 Opca interbranches (Opcalia et Agefos PME).

Auteur

  • R.L.S.