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Décodages

“Le coût du travail est un sujet mineur”

Décodages | Management | publié le : 03.04.2014 | Anne Fairise

Qu’attendez-vous du pacte de responsabilité

Tout accord pouvant permettre de baisser les charges et de favoriser l’emploi est une bonne chose. Mais il ne va pas changer la vie de Viadeo, pour qui le coût du travail est un sujet mineur. Un ingénieur à Pékin coûte encore deux fois moins cher qu’un ingénieur à Paris mais, d’ici trois à cinq ans, les coûts seront alignés. Quant au différentiel de charges patronales entre la France et les États-Unis, il doit être relativisé : les salaires américains sont bien plus élevés. Lorsque nous envoyons un salarié à San Francisco, nous augmentons de 15 à 20 % son salaire, pour être dans la moyenne du marché. Ce n’est pas le coût du travail qui explique les difficultés des sociétés Internet françaises.

De quoi ont-elles besoin

Elles bénéficient d’une main-d’œuvre de qualité et d’une industrie du capital-risque développée, même si des financements font défaut, passé la phase de démarrage. Mais, pour créer un écosystème innovant, il manque la « sauce » et d’abord une culture n’ayant pas peur de l’échec. Le gouvernement a pris une bonne mesure, en septembre, en supprimant l’indicateur qui fichait, à la Banque de France, les dirigeants ayant subi un jugement judiciaire les trois années précédentes. Cela les empêchait d’obtenir un crédit, de rebondir. Mais il reste du chemin. Aux États-Unis, le dépôt de bilan est comme une cicatrice sur le visage d’un chef de la mafia : une marque de crédibilité ! L’autre handicap est la flexibilité insuffisante du marché du travail. Licencier coûte plus cher en France qu’aux États-Unis ou en Chine.

La loi de sécurisation de l’emploi ne va pas assez loin

Je n’ai pas de solutions toutes faites. Mais je pense que le curseur entre la protection des salariés et la flexibilité pour l’employeur n’est pas au bon endroit. Je suis frappé de constater que les salariés ne démissionnent plus : ils demandent à être licenciés, menaçant, sinon, de créer des problèmes. J’ai été confronté à plusieurs cas, et été intransigeant. La rupture transactionnelle peut être une solution mais elle ne réduit pas le coût du licenciement.

Est-ce que trop d’obligations pèsent sur les PME ?

Entre les délégués du personnel, les membres titulaires et suppléants du CE et du CHSCT, Viadeo compte 30 salariés protégés, soit 15 % de ses effectifs. C’est démesuré dans une société de 219 salariés.

Les résultats de LinkedIn sur le marché français expliquent-ils votre retour

Je ne reviens pas pour jouer les pompiers, car il n’y a pas de feu. Je reviens pour aider les équipes françaises à passer à la vitesse supérieure auprès des recruteurs et pour préparer l’introduction en Bourse d’ici à décembre 2015. LinkedIn est un concurrent sérieux. Mais il faut se méfier des biais d’analyse dans les chiffres de fréquentation présentés. Ils ne prennent pas en compte les connexions via les applications mobiles qui explosent chez Viadeo. Il y a quelques années, la presse a pronostiqué la mort de Cadremploi face à Monster puis du Boncoin face à eBay. À chaque fois, le challenger l’a emporté.

Selon vos chiffres, 8 % des recruteurs recourent aux réseaux sociaux professionnels. C’est peu

Le monde des RH met du temps à bouger mais la sortie de crise est décisive. Nous sommes à ce moment charnière. D’ici à cinq ans, 80 % des recrutements français se feront via les réseaux sociaux professionnels, c’est mon pronostic.

Comment est reçue, en interne, l’introduction en Bourse ?

C’est un changement de mentalité dans une entreprise qui a toujours privilégié la croissance à la rentabilité. Les salariés se disent vite que les dirigeants veulent faire du fric. J’ai assuré au CE que cette introduction ne rapportera pas un centime aux fondateurs. Nous ne vendrons pas de titres. Nous n’en sommes qu’aux débuts de l’aventure, sur le recrutement, le mobile, le marché chinois. Viadeo peut se développer en restant une boîte différente avec ses valeurs de fun@work, de travail en équipe, de transparence. D’ailleurs, je ne me vois pas travailler autrement.

Dan Serfaty

48 ans.

1990-1992

Rachète et redresse

Dimo Service Tourisme, fabricant de longues-vues.

1992

Crée une société d’import-export dans le textile, revendue en 1999.

2003

Crée Agrégator, club de dirigeants dont les membres sont associés capitalistiquement.

2004

Lance Viaduc, futur Viadeo.

Auteur

  • Anne Fairise