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Rana Plaza : la RSE à l’épreuve des faits

Actu | À suivre | publié le : 03.04.2014 | Stéphane Béchaux

Un an après, les victimes de l’effondrement d’une usine textile au Bangladesh n’ont toujours pas été indemnisées.

Lorsqu’il s’agit d’éditer – sur papier recyclé, bien sûr – de beaux rapports de développement durable, les marques occidentales font preuve d’une réelle bonne volonté. Mais quand il leur faut assumer concrètement leurs responsabilités à l’égard de leurs fournisseurs, nettement moins ! Voilà la douloureuse leçon que l’on peut tirer du drame du Rana Plaza, survenu le 24 avril 2013, au nord-ouest de Dacca, la capitale du Bang­ladesh. Ce jour-là, une usine en béton de huit étages s’effondre, tuant 1 133 ouvriers et blessant plus de 2 000 autres. De « petites mains » du textile, employées par des sous-traitants de multinationales occidentales telles Walmart, C & A ou Loblaw.

Un an après la catastrophe, l’heure est au premier bilan. Et c’est peu dire que les donneurs d’ordres ont traîné les pieds. Dès le 13 mai, un accord dit « du Bangladesh » voit bien le jour, visant à mener des inspections de sécurité dans les ateliers de confection. Mais le succès du texte, aujourd’hui paraphé par près de 150 firmes, doit beaucoup à l’intense pression médiatique exercée par les ONG et les organisations syndicales internationales UNI et IndustriAll. Beaucoup des signataires ont ainsi renâclé avant de payer leur écot, pouvant atteindre 500 000 euros pour les plus gros donneurs d’ordres. Parmi les absents figure toujours le géant américain de la distribution Walmart. Seuls cinq groupes français (Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino et Camaïeu) se sont inscrits dans la démarche, opérationnelle depuis quelques semaines. Plus de 1 600 ateliers doivent ainsi être inspectés d’ici à septembre, selon un cahier des charges précis, avec des résultats rendus publics sur le Web (www.bangladeshaccord.org).

Si le volet relatif à la sécurité des installations avance, celui sur les réparations financières patine. Dans les tiroirs depuis des mois, le fonds destiné à indemniser les quelque 3 600 victimes du Rana Plaza et leurs proches a ouvert en janvier, sous l’égide de l’Organisation internationale du travail. Mais les généreux donateurs se font rares. Mi-mars, seules sept firmes occidentales (Bonmarché, El Corte Inglés, Inditex, Mango, Mascot, Loblaw et Premier Clothing) figuraient sur la liste des contributeurs. Sans compter l’irlandais Primark, qui aurait versé 1 million de dollars, et le français Camaïeu qui, assurant avoir fait un don, promettait de rendre son geste public, mais sans en révéler l’ampleur. Ce très faible soutien met en danger le dispositif qui, d’après ses instigateurs, nécessiterait au total 40 millions de dollars. Les mêmes évaluent à 10 millions de dollars le montant minimal pour lancer le processus, soit le double des sommes en caisses. « L’avenir du fonds se joue maintenant. Après la date anniversaire, il sera très difficile d’obtenir des marques qu’elles contribuent », prévient le collectif Éthique sur l’étiquette. Début avril, une délégation venue du Bangladesh est ainsi attendue en France pour médiatiser l’opération. Et contraindre les entreprises hexagonales – notamment Auchan, dont un fournisseur est mis en cause au Rana Plaza – à mettre leurs actes en conformité avec leurs grands discours sur la RSE.

Du côté du législateur, pas davantage de détermination. Voté en première lecture à l’Assemblée nationale en février, le projet de loi « d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale » évoque bien le sujet dans son article 5 bis. Mais sa portée s’avère tellement générale – « les entreprises mettent en place des procédures de gestion des risques visant à identifier, à prévenir ou à atténuer les dommages sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme résultant de leurs activités dans les pays en développement – qu’il ne fera trembler aucun donneur d’ordres. Et pourtant, cette simple évocation dépourvue de toute sanction a valu bien des efforts à Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement. Pas question en effet, du côté de Matignon, d’effrayer les investisseurs et les dirigeants avec de nouvelles obligations.

Auteur

  • Stéphane Béchaux